14.07.2015 - Poursuite-bâillon - Encore une fois le bâillon contre Noir Canada!

Après trois ans de pressions exercées par la compagnie minière Barrick Gold sur les auteurs de Noir Canada et la maison d'édition Écosociété, et dans l'attente d'un procès qui se présentait comme le point culminant d'une poursuite-bâillon, Barrick Gold vient de conclure une entente à l'amiable avec les auteurs et la maison d'édition.

On comprend que la multinationale a choisi de reculer devant ce qui se présentait comme une autre occasion (en or?) de répondre des allégations qui circulent contre elle partout à travers le monde, allégations qui auraient alors été rapportées dans les médias lors du procès. C'est d'ailleurs ce que donne justement à voir le livre Noir Canada. Dans cet ouvrage appuyé par un imposant appareil de notes, les auteurs documentent à partir de plusieurs sources d'informations crédibles (dont des reportages de journalistes, des rapports d'Amnistie internationale et de Human Rights Watch) des allégations indiquant que plusieurs entreprises minières canadiennes ont été compromises dans des activités pour le moins controversées en Afrique.

C'est pour faire taire ces interrogations que Barrick Gold a intenté sa poursuite. Pendant trois années de leur vie, les auteurs et la maison d'édition ont eu à subir des interrogatoires répétés, à monter une documentation colossale et à vivre le cauchemar d'une faillite possible. Plus de 12 000 citoyens, une soixantaine de maisons d'édition, des journaux de réputation internationale et 500 professeurs québécois et canadiens ont appuyé la publication de Noir Canada et ont fait valoir que la poursuite de 6 millions de dollars intentée par Barrick Gold était en fait un SLAPP (Strategic Lawsuit Against Public Participation).

Une poursuite abusive

La Cour supérieure du Québec a elle-même statué que la poursuite était «abusive notamment par son caractère disproportionné», et elle exigeait aussi que Barrick couvre les frais juridiques des auteurs, sans toutefois consentir à rejeter l'action. Il faut donc tout d'abord regretter la «prudence» du tribunal qui n'est pas allé au bout de ses conclusions après s'être interrogé ouvertement sur le caractère abusif de l'action judiciaire entreprise par Barrick: «Pourquoi un comportement procédural en apparence si immodéré? Le Tribunal y voit matière à inférer qu'au-delà du rétablissement de sa réputation, Barrick semble chercher à intimider les auteurs.»

Les avocats de Barrick se disaient prêts à contester la décision de la Cour supérieure. Ils voulaient même contester l'obligation de défrayer l'autre partie de ses frais juridiques. Ils laissaient de cette manière entendre qu'ils seraient disposés à engager tout le monde dans une bataille juridique interminable, à armes inégales, s'étalant sur de nombreuses années. Tout cela servait à l'évidence à forcer la conclusion d'une entente à l'amiable qui leur permettrait de sauver la face, entente dont la conclusion était encouragée par la Cour supérieure du Québec. Cela risquait d'être une entente à l'occasion de laquelle les avocats de Barrick chercheraient à imposer encore une fois leur censure sur l'ouvrage.

Or, c'est très exactement ce qui vient de se produire. L'entente prévoit la cessation de la publication de Noir Canada et, on l'imagine, l'interdiction faite aux auteurs et à l'éditeur de dire ce qu'ils pensent vraiment de cette entente. Ainsi, pourront-ils la décrire comme un cas de censure ou comme une autre étape franchie par Barrick dans la poursuite-bâillon dont ils font l'objet?

 

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