Le problème aujourd’hui est que le pouvoir des multinationales est non seulement économique, mais aussi politique. Ces entreprises peuvent exercer leur pouvoir en influençant les décisions des gouvernements par le biais des groupes de pression (lobbies) et en finançant les partis politiques (comme aux États-Unis). Il leur arrive même parfois de corrompre directement les agents publics pour parvenir directement à leurs fins. Tout ceci aboutit bien évidemment à rendre de moins en moins transparentes aux yeux des électeurs les décisions prises en politique. On peut même se demander si ces dernières ont été adoptées dans l’intérêt du bien public (ce qui devrait être la norme) ou si elles l’ont été pour satisfaire les volontés de telle ou telle entreprise dont les intérêts, bien évidemment, se trouvent aux antipodes de ceux des citoyens.
Les médias ne sont pas en reste et jouent également un rôle primordial dans la légitimation de ces entreprises. La télévision est accessible à tous grâce aux satellites et les informations circulent dans le monde entier quasiment en temps réel. Les images proviennent essentiellement des États-Unis ou, à tout le moins, du monde occidental. Elles ne sont globalement pas neutres dans la mesure où elles traduisent les perceptions propres de ceux qui font les reportages. Quant à Internet, son développement renforce la dépendance technologique vis-à-vis de l’Occident en même temps qu’il contribue à généraliser l’usage de l’anglais comme moyen de communication universelle.
La politique tout entière est aujourd’hui soumise à ces entités supranationales. Les partis politiques traditionnels dits de gouvernement ne représentent plus une alternative car ils sont contraints, une fois aux manettes, de se plier aux exigences des multinationales. Ils ne détiennent plus le pouvoir de décision qui leur a échappé depuis bien longtemps. Ceux qui tentent de s’opposer à l’hégémonie néolibérale ne manqueront pas en revanche d’être taxés d’antidémocratisme et seront immanquablement perçus comme un obstacle au bon fonctionnement du marché. Pour avoir mis à jour les contradictions du monde capitaliste, on les traitera indistinctement de communistes, voire de fascistes. Malgré toutes les évidences, nos représentants semblent croire que les individus sont conduits à leur insu par cette fameuse « main invisible » grâce à laquelle le marché s’autorégulerait. Surtout, ils ne prennent jamais véritablement position contre la financiarisation de l’économie dont on sait qu’elle a favorisé la spéculation à l’échelle internationale sur les monnaies mais aussi sur les matières premières et alimentaires, entraînant un développement rapide et effrayant de toutes les inégalités sur la planète.
La dichotomie entre la gauche et la droite est bel et bien dépassée, et la démocratie représentative n’est plus démocratique qu’en apparence. Aujourd’hui, le pouvoir est entre les mains d’entreprises privées qui régissent l’ensemble des aspects politiques, économiques et sociaux de notre société et de nos vies. S’inscrire dans ce système, c’est perpétuer la primauté de l’économie sur la politique et entretenir l’illusion de l’alternance démocratique. Méditons cette phrase de l’auteur italien Lampedusa dans le Guépard : « il faut que tout change pour que rien ne change ». En l’occurrence, il a fallu que l’aristocratie italienne acceptât une forme de révolution, acceptât de perdre apparemment son pouvoir pour conserver la réalité de celui-ci. Et l’histoire lui a donné raison.
Source : resistance-politique.fr