02.04.2015 - Une rivalité franco-américaine ancienne au Liban

Est-il possible que l'origine de la concurrence franco-américaine au Liban remonte aux années 1820 ? Une telle question se pose légitimement car le XIXe siècle a été celui de l'installation de la présence culturelle et éducative des États-Unis au Liban avec le mouvement de prosélytisme protestant américain qui a envoyé des missions biblistes dans la région, à commencer par la Palestine, dès 1819.

Au Liban, l'événement le plus marquant fut la fondation, en 1866, de l'université américaine Syrian Protestant College, SPC, qui sera nommée, à partir de 1920, l'American University of Beirut, AUB.

Depuis 1827, il y avait, côté français, une véritable méfiance vis-à-vis de cette présence américaine : les Français pensaient qu'elle aurait des effets nuisibles aux intérêts français aussi bien sur le plan culturel que commercial. La réplique française se résuma d'abord par le renforcement des activités missionnaires et éducatives catholiques au Liban ; par son rapprochement avec les maronites, notamment après l'expédition française en 1860 à Beyrouth qui visait à les protéger des massacres commis en 1860. En 1875, la création de l'Université Saint-Joseph, USJ, par les jésuites marqua une nouvelle étape. Dès lors, on assistait à une sorte de guerre d'influence éducative : université contre université. Beyrouth devint le terrain d'une concurrence entre deux systèmes pédagogiques : le système français et francophone, et le système anglo-saxon.


Une « francophobie américaine » au Levant

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la France a pu s'imposer comme une puissance mandatrice au Levant après un climat d'incertitude. Mais les États-Unis, se comportant comme un acteur interventionniste, avaient tenté, lors de la Conférence de la paix à Versailles en 1919, de promouvoir une solution défavorable à un mandat français au Levant. On sait que, durant la guerre, les Français et les Britanniques avaient décidé secrètement, dès l'été 1915, le partage de l'Empire ottoman dans le cadre des accords dits Sykes-Picot (1916). En mai 1919, à Versailles, l'arrangement intereuropéen sur le sort des pays proche-orientaux était loin d'être atteint. L'intervention du président américain, Woodrow Wilson, imposa ce qu'on appelle « le mandat international » au Levant sous le contrôle de la Société des nations (SDN). En même temps, il proposa l'envoi d'une commission d'enquête internationale chargée de recueillir l'avis des populations de la Syrie, du Liban et de la Palestine vis-à-vis de leurs futurs choix à l'égard des États mandataires après l'effondrement de l'Empire ottoman. C'est ainsi que la commission King-Crane fut créée afin d'enquêter en Palestine, Syrie, au Liban et en Cilicie, à partir de mai et jusqu'à juillet 1919, en recueillant des pétitions et des auditions auprès des différentes communautés. Les recommandations de cette commission remettaient en question l'accord Sykes-Picot. Mais le retour des États-Unis à une politique isolationniste en 1919, à la suite de la victoire des républicains lors des élections législatives en novembre 1919, facilita le partage de la région par les deux puissances française et britannique, sans toutefois mettre fin à l'aspect culturel et idéologique de la concurrence franco-américaine.

Le mandat français au Levant a donc débuté au lendemain de la Première Guerre mondiale, dans une période marquée par le retour des États-Unis à une sorte d'isolationnisme. Il n'empêche que dans l'entre-deux guerres, les actions des agents idéologiques et religieux américains étaient basées sur un refus moral et religieux de la colonisation européenne et de toute influence catholique en général, et française en particulier, au Levant.

 

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