11.06.2018 - Isolationnisme économique et politique protectionniste : Donald Trump est-il un nouveau Herbert Hoover?

« Considérer les importations [américaines] d’automobiles comme une menace à la sécurité nationale serait une catastrophe économique auto-infligée pour les consommateurs américains, les concessionnaires et les employés des concessionnaires. » Cody Lusk, président de l’American International Automobile Dealers Association, le mercredi 23 mai, 2018.

« Beaucoup de pays ont eu recours au protectionnisme douanier quand leurs économies allaient mal. Cela ne fonctionne presque jamais. Mais Donald Trump serait le premier dirigeant à le faire quand l’économie est en plein essor. Il essaie de résoudre un problème qui n’existe pas. L’industrie automobile américaine est en bonne santé. » Rufus Yerxa, président du National Foreign Trade Council, le mercredi 23 mai, 2018.

« La dépression de 1929 était si généralisée, si profonde et si longue parce que le système économique international était déstabilisé due à l’incapacité du gouvernement britannique et au refus des États-Unis d’assumer la responsabilité de le stabiliser en s’acquittant de cinq fonctions :

(1) Maintenir un marché relativement ouvert pour les marchandises excédentaires;

(2) fournir des prêts anticycliques à long terme, ou à tout le moins des prêts à long terme, stables ;

3) assurer un système de taux de change relativement stable ;

(4) faire en sorte de coordonner les politiques macroéconomiques ;

(5) servir de prêteur de dernier recours en actualisant ou en fournissant des liquidités en cas de crise financière. » Charles Kindleberger (1910-2003), historien économique américain, et auteur du livre La Grande Crise mondiale 1929-1939, 1973, (révisé et complété en 1986).

« Lorsque tous les pays se tournèrent vers la protection de leurs intérêts particuliers, l’intérêt public mondial tomba à l’eau et avec lui les intérêts privés de tout le monde. » Charles Kindleberger (1910-2003), historien économique américain et auteur de La Grande Crise 1929-1939, (1973, révisé et complété en 1986).

Le président étasunien Donald Trump semble orienter ses politiques de manière à isoler l’économie américaine des économies voisines, et même de l’économie mondiale, et semble ainsi disposé à rompre avec trois quarts de siècle de coopération économique plus étroite entre les pays, telle qu’élaborée après la Seconde Guerre mondiale. Ce faisant, il y a un danger réel que le système économique international soit structurellement déstabilisé pour des années à venir, ce qui ne signifie pas qu’un tel système n’ait guère besoin de subir des réformes.

Ce que de nombreux économistes appréhendent, c’est cette approche de Trump en matière de coopération économique internationale — ou absence de coopération — laquelle semble être un dangereux retour aux années ’30. — Si son gouvernement allait poursuivre sur cette lancée, cela pourrait se traduire par d’importants effets de distorsion des échanges internationaux et provoquer des dislocations économiques dans de nombreux pays, avec des conséquences économiques et industrielles fortement négatives, tant pour l’économie américaine que pour les autres économies industrielles, dont une grande part de la présente prospérité repose sur les échanges internationaux.

En effet, compte tenu de la forte interdépendance des économies modernes et de la coopération technologique et industrielle qui s’est tissée entre elles au cours des dernières décennies, grâce à une forte expansion du commerce international réciproque, la perspective d’un retour en arrière pourrait s’avérer fort risquée et pourrait s’accompagner de conséquences économiques graves, possiblement très graves.

Donald Trump : un apprenti sorcier dans le commerce international ?

Est-il possible que le président américain Donald Trump se révèle être une sorte d’apprenti sorcier, eu égard à sa politique commerciale protectionniste ? Ce politicien semble, en effet, se complaire à provoquer des conflits commerciaux avec les autres pays industriels, allant du Canada, en passant par l’Europe, jusqu’à la Chine. Ce faisant, il pourrait déclencher une série d’événements, lesquels pourraient s’avérer être impossibles à contrôler ou à arrêter une fois mis en marche, avec des conséquences économiques très négatives. Quelles conséquences ? Ce pourrait être une sévère récession économique, du genre de celle vécue en 2008-2009 avec la Grand Récession, ou, potentiellement, dans le cas le plus extrême, ce pourrait mener à une dépression économique, semblable à celle que le monde a connue avant la Seconde Guerre mondiale.

En effet, pendant la grande dépression de 1929-1939, le commerce international, mesuré en dollars, chuta de 65 %, la production totale des États-Unis baissa de 47 %, les salaires de 42 % et le taux de chômage atteignit le niveau de 25 %. Ce fut véritablement un désastre économique, causé en grande partie par de mauvaises politiques économiques. Qui voudrait répéter une telle catastrophe ?

Donald Trump est-il prêt à répéter les erreurs des années 1930 ?

Aujourd’hui, la plupart des gens ont compris que le propriétaire d’hôtels et de casinos Donald Trump est un individu égocentrique à l’extrême, lequel gère le gouvernement américain comme il le faisait pour sa propre entreprise, alors qu’il était considéré dans le monde immobilier de New York être un opérateur impitoyable. Selon ses biographes, Trump était toujours à l’affût pour tirer la couverture de son côté et il n’hésitait pas à violer des règles et des contrats, lorsque cela pouvait faire son affaire. — Cependant, un gouvernement n’est pas une entreprise privée. Le citoyen Donald Trump n’a aucun titre de « propriété » sur le gouvernement américain. Celui-ci appartient au peuple américain et sa fonction première consiste à mettre en œuvre des politiques qui favorisent le bien commun, et non les intérêts privés d’un politicien mégalomane, ou ceux des membres de sa famille ou de ses donateurs électoraux.

Nous avons une idée de la pensée économique tordue de Donald Trump, si nous considérons ce qu’il a dit, en mars dernier, quand il a déclaré, dans un médium social, que « les guerres commerciales internationales sont bonnes et faciles à gagner » ! Je n’ai jamais entendu une déclaration aussi scandaleuse et aussi irresponsable sortir de la bouche d’un chef d’État, quoique dans le cas de Trump, cela semble être devenue monnaie courante.

Trump semble ignorer les leçons de l’histoire et de l’économie. Il ne semble pas avoir la moindre idée de la façon dont le commerce international et l’investissement international fonctionnent. De même, il ne semble pas comprendre que la raison première pour laquelle le dollar américain sert de moyen de paiement international largement accepté, et de devise clé pour les banques centrales de beaucoup de pays, est la conséquence directe de la politique américaine qui, dans le passé, visait à promouvoir des relations économiques internationales harmonieuses et multilatérales. C’est une position privilégiée qui a permis aux États-Unis de retirer des avantages économiques et financiers considérables.

Les idées économiques du président étasunien Donald Trump sont primitives, obsolètes et mercantilistes. Prenons, par exemple, sa prétention absurde selon laquelle un pays ne peut sortir « gagnant » d’une relation commerciale, à moins de dégager un excédent commercial avec tout le monde. Dans un contexte de commerce multilatéral, cela est impossible, en pratique. En effet, un pays peut enregistrer des excédents dans sa balance extérieure courante avec quelques pays, mais il est normal qu’il ait aussi des déficits avec d’autres pays. C’est là une conséquence normale du commerce multilatéral, si nous supposons, pour l’instant, une absence de mouvements de capitaux entre les pays.

Cependant, quand un pays peut faire appel à l’épargne internationale pour financer ses investissements au-delà de ses épargnes intérieures, comme c’est le cas de nos jours, cela lui permet d’avoir un excès d’investissements intérieurs par rapport à son épargne intérieure (sans inflation), et de stimuler ainsi son économie. En contrepartie des entrées nettes de capitaux, il enregistrera un déficit dans sa balance courante extérieure et ses importations annuelles de biens et de services dépasseront ses exportations. En effet, quand un pays emprunte des capitaux de l’étranger, sa dette extérieure nette s’accroît, mais cela lui permet de financer une hausse dans ses importations au-delà de ses exportations et d’accroître ses investissements. Ce faisant, le pays accroît sa dette extérieure nette (le passif moins les actifs du pays vis-à-vis le reste du monde), mais bénéficie d’une croissance économique accrue.

Or, à la fin de 2017, les États-Unis avaient une dette extérieure nette qui atteignait 7 845,8 milliards de dollars. Si le gouvernement de Donald Trump voulait sérieusement que l’économie américaine dégage un excédent commercial, plutôt qu’un déficit, dans sa balance courante extérieure, il devrait cesser lui-même d’emprunter massivement auprès d’autres pays pour financer son déficit budgétaire ($ 400 milliards en 2018), et il devrait prendre les mesures appropriées pour accroître l’épargne intérieure de manière à financer la totalité des investissements intérieurs américains.

Si les États-Unis sont un emprunteur net d’épargne étrangère, au cours d’une année donnée, ils doivent nécessairement enregistrer un déficit dans leur balance courante extérieure. Et, ce ne sont pas les incantations des politiciens américains qui peuvent changer quoi que ce soit à cette situation.

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