08.04.2018 - Rien n'arrête les adeptes du néolibéralisme : marchandisation du corps en vue

Ce qui dérange dans l’initiative du gouvernement Trudeau de remettre à l’ordre du jour politique le dossier de la gestation pour autrui n’est pas tant l’affirmation du député libéral Anthony Housefather que « les moeurs ont changé » depuis que le Canada a interdit la rémunération des mères porteuses en 2004. Le mariage gai n’était qu’à ses débuts à cette époque-là. Depuis, de nombreux couples gais ont recours à des mères porteuses à l’extérieur du pays qui louent leurs ventres en échange de dizaines de milliers de dollars. Tôt ou tard, nous devions procéder à une révision de la Loi sur la procréation assistée pour tenir compte de l’évolution des pratiques depuis 2004 et pour mieux baliser ses termes et ses conditions.

 

Non, ce qui dérange dans cette démarche, c’est l’insoutenable légèreté avec laquelle ce gouvernement aborde une question d’éthique qui confond des experts bien plus circonspects que le député Housefather, pour qui la gestation pour autrui n’est qu’une « avenue économique » parmi d’autres pour les femmes en 2018. Il est évident que les Canadiens ne seront pas indifférents aux questions lancinantes que soulève cette pratique. Ces questions, fondamentales, n’ont pas changé depuis 2004 puisqu’elles sont au coeur d’un débat sur le sens et la valeur de la vie humaine ainsi que les droits qui s’y rattachent. Si le gouvernement ne peut pas jouer à l’autruche, il ne peut pas non plus prétendre procéder à une légalisation de la gestation pour autrui (GPA) au nom de la modernité.


Le projet de loi privé que compte déposer le mois prochain M. Housefather n’engagera bien sûr que lui. Mais tout indique qu’il remplit une commande du bureau du premier ministre, pour qui la légalisation de la rétribution des mères porteuses serait, comme le prétend le député de Mont-Royal, « en droite ligne avec le programme féministe de ce gouvernement ». D’ailleurs, Justin Trudeau a accueilli à bras ouverts le débat que M. Housefather vient d’ouvrir, disant cette semaine : « Ce n’est pas une situation facile. C’est une situation complexe. Mais c’est quelque chose sur lequel il va falloir qu’on se penche. »

 

Pour en faire quoi au juste ? Une autre de ces pommes de discorde dont se servent les libéraux pour mobiliser leurs électeurs et faire braquer l’opposition conservatrice ? Espérons que le gouvernement Trudeau sera plus soucieux des sensibilités qui transcendent toute allégeance politique sur cette question. En effet, ce n’est qu’une petite minorité de Canadiens qui ne voient « aucun problème » à ce qu’une femme puisse louer son ventre au plus offrant. D’aucuns y voient une invitation à l’exploitation des femmes pauvres, déjà exclues du marché du travail. D’autres s’inquiètent que l’on fasse abstraction des droits des enfants concernés. Et si la procréation assistée est devenue une procédure médicale que les régimes d’assurance maladie sont obligés de rembourser, qu’en deviendrait-il de la gestation pour autrui ? Seulement les couples gais ou infertiles bien nantis pourront-ils avoir recours à des mères porteuses une fois que ces dernières auront pignon sur rue ?

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