10.08.2017 - De la décadence culturelle

Jamais le Québec n’a été si anglophone et jamais le Canada n’a été si bilingue, pouvait-on lire dans les journaux à l’occasion de la parution des données linguistiques du premier recensement de l’ère Trudeau. Déjà s’emballent les sbires du sans-frontiérisme et les chantres du libéral-progressisme : le Québec s’assouplit, s’ouvre au monde, et le Canada n’a jamais été si prompt à embrasser son noble multiculturalisme.

Le Québec, dont les velléités nationalistes ont contribué à ce qu’il soit si souvent décrit par ses ennemis nationaux comme une enclave peuplée de psychorigides à tendance xénophobe, aurait-il aujourd’hui enfin décidé de participer à la vertueuse aventure canadienne ?

Ne soyons pas dupes du pitoyable festivisme de notre époque, il n’en est rien. Derrière ces chiffres se cache une tout autre réalité, beaucoup plus politique et beaucoup moins mièvre : le Québec est une culture et le Canada, pays culturellement stérilisé par le multiculturalisme de la Charte canadienne de 1982, devient aujourd’hui le porte-étendard conquérant du rouleau compresseur civilisationnel anglo-protestant.

Multiculturalisme triomphant

Le penseur français Régis Debray publiait récemment chez Gallimard un nouvel opus intitulé Civilisation, riche réflexion sur le déclin de l’Europe et l’infini pouvoir de conquête de l’esprit « gallo-ricain ». Il y oppose deux concepts fondamentaux : culture et civilisation.

Une civilisation est offensive ; elle conquiert et convertit. Une culture est défensive ; elle résiste et survit. L’auteur fait appel à la lucidité de Paul Valéry, qui voyait venir le déclin de l’Europe au sortir de la guerre de 1914-1918 : « Ne sachant nous défaire de notre propre histoire, nous en serons dégagés par des peuples heureux qui n’en ont point ou presque point. »

Revenons maintenant à l’état du Québec d’aujourd’hui dans ce Canada multiculturel triomphant. À l’heure où la quasi-totalité de l’élite médiatico-intellectuelle d’Occident devient incapable de réfléchir en dehors des ornières hégémoniques du libéral-progressisme, les Québécois sentent leur force nationale les abandonner et se voient même encouragés par les nouveaux curés du politiquement correct à laisser aller au diable vauvert leurs aspirations collectives au nom de préceptes moraux qu’il est interdit de remettre en question (ouverture à l’autre, pax liberalis). L’économique nous soumet à ses caprices, le rationalisme matérialiste écrase la pensée libre et le droit remplace lentement le politique.

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