20.03.2017 - L’originalité et la vulgarité

Le discernement, cela signifie faire la part des choses. C’est faire preuve de perspective. La grande mésentente de notre époque porte sur la confusion à propos des mots. Ce face à quoi il faut faire preuve de discernement, et de toute urgence, c’est la pensée. Ce sont les mots. Éviter la confusion sur le sens des mots, c’est le premier pas vers une société meilleure.

L’humoriste vedette annonce que son prochain spectacle sera plus cru. Son homologue explique que son discours féministe sera plus puissant si elle sacre stratégiquement plutôt que de dire « Je m’en fiche. » Une émission télé qui récolte des cotes d’écoute dans les 7 chiffres surfe durant plusieurs minutes avec des blagues sous la ceinture. L’émetteur d’opinion à la radio n’hésite pas à pousser des jurons pour être certain que l’on comprenne bien qu’il est en colère.

Et le nouveau chef d’un parti souverainiste en perte d’influence n’est pas en reste : pour atténuer son image de hautain pédant, il utilise une métaphore« eucharistique » pour qualifier son prochain gouvernement.

Bref, il n’y a platement rien de plus conformiste que d’être vulgaire. La vulgarité, on ne la comprend qu’avec sa racine latine : « le commun ». Le vulgaire, c’est l’art gras de ne rien dire d’original.

La culture immature

La laïcisation de la société québécoise s’est notamment manifestée par cette désormais célèbre vague de films érotiques des années 1960-70 : les « films de fesses », comme on les appelait à l’époque, déplaçaient carrément les foules par millions. Deux femmes en or, Les chats bottés, Valérie… De jolis navets, certes, mais qui témoignaient d’une réaction dont les excès sont probablement proportionnels à ceux de la pudibonderie ambiante à l’époque précédente.

Après le sexe, le tabou classique, c’est le langage. La culture religieuse y est cette fois-ci narguée. On l’utilise contre elle : sacrer avec le sacré. Si auparavant on sacrait dans les chaumières et les tavernes, on le fait désormais aux heures de grande écoute, et l’artiste le plus décoré ne se gênera pas pour lâcher son juron, devant une foule hilare.

C’est vrai qu’il n’y a plus beaucoup de tabous aujourd’hui, mais l’effet pervers, c’est de n’avoir rien à dire avec cette absence de barrières. Semble-t-il que l’on a trouvé une solution : ne rien dire en blasphémant peut être drôle, alors allons-y gaiment.

Ici, l’idée n’est surtout pas d’appeler à la censure et à la continence du vocabulaire. (Votre humble serviteur a entre autres bien aimé Série noire.) Mais si on a lu et apprécié Lolita, de Nabokov, A Clockwork Orange, de Burgess, ou encore American Psycho, d’Easton Ellis, on n’est pas choqué, on a progressé. Le problème, oublié le plus souvent, est le nivèlement par le bas du choc. La vulgarité ne devient possible que par elle-même, et pour rien d’autre.

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