jeudi, 25 janvier 2018 09:45

Tous Sados !

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Chronique de VanPelt

Le salon de l’amour et de la séduction est le rendez-vous incontournable des âmes en quête  de plaisir, de frissons et de sensations fortes.  Cette fin de semaine, les Montréalais de 18 à 77 ans accourent à cette 24e édition du salon le plus chaud de la métropole afin de mettre un peu de piment dans leur existence. Enfin, 18 ans, c’était la limite légale affichée! Aucun contrôle n’était fait pour s’en assurer. En tout cas, le salon qui a la prétention d’«améliorer la vie personnelle » – si plate et vide de sens, comme chacun sait –,  de «rehausser le style de vie » et d’« aborder tout ce qui est tabou » n’est pas un endroit pour les âmes sensibles et encore moins pour nos chères têtes blondes!

Pourtant, rien de bien méchant à première vue : jouets rose bonbon dans les rayons des nombreux sex-shops, massages, croisières romantiques, brassières, nuisettes, déguisements… non, vraiment, tout est réuni pour satisfaire les moindres fantasmes coquins de monsieur et de madame. C’est le moment tant attendu de magasiner son vagin en silicone sans avoir peur du qu'en dira-t-on. 

Néanmoins, ce dimanche, malgré la musique techno et des animateurs enjoués, on dirait que la fête s’essouffle et que l’atmosphère bon enfant a cédé la place à un calme presque angoissant. Une grande gêne collective.

Je pourrais me contenter de dire que c’est attendu lorsqu’on veut afficher publiquement une chose aussi intime et privée que le sexe. C’est l’effet escompté lorsque l’on défie ses propres barrières psychologiques, sa propre morale et la décence collective – Oui! Parce que magasiner son sex-toy seul, ça passe encore, mais le faire entouré de dames qui pourraient être ta mère, iiichhh -, mais ça serait passer à côté de ce qui, selon mes observations, a causé le plus d’émoi. 

À mesure que nous nous enfonçons dans les allées, les petits godemichets qui ressemblent à des œufs en sucre se transforment en étalages d’accessoires aux allures équestres. Puis, un peu plus loin, un évènement particulier semble capter l’attention d’un groupe de personnes que j’aperçois de dos et qui se tiennent complètement immobiles. Je m’approche pour observer à mon tour les démonstrations du «Donjon» - Oh! Pardon! Le «Dungeon»! Sorry !–

Une troupe de joyeux drilles déguisés en Catwoman enjoignaient les spectateurs à essayer leurs ateliers. Au fond, on fouette avec deux martinets une femme accrochée par les poignets à une croix ; tandis que devant, un sexagénaire ligoté sur une chaise goutait, les yeux bandés, aux délicieuses tortures de ses bourrelles. À droite, le musicien de la bande nous gratifie d’un génial solo de tamtam ; le tamtam, lui, n’est pas africain et n’a pas la peau très tendue. À gauche, deux créatures de lycra s’évertuent à enfermer un type dans une espèce de sac de couchage en latex… …une poche sous vide ou un truc dans l’genre, avec une fermeture écl… Bon! J’avoue : là, je n’ai pas compris ce que c’était!

Un maitre sadique, qui a vu notre caméra, nous demande la plus grande discrétion. Nous acceptons par respect pour les gens en train de se faire torturer les parties génitales. Tout de même, une dominatrice cagoulée accepte de nous donner une entrevue. Elle répond à nos questions et nous tend une carte. Enfin une qui accepte de témoigner à visage découvert, si je puis dire.

Nous décidons de quitter cette étrange scène pour nous aller voir le spectacle de Brent Ray, l’homme qui peint avec son membre. La foule est hypnotisée par la performance. Pantois, hallucinés, les spectateurs sont très peu expressifs. J’ai eu moi-même la désagréable sensation qu’on me prendrait pour un adepte du cock-painting si je me risquais à encourager l’artiste. On est très loin de l’ambiance électrique et orgiaque attendue.

L’homme, lui, est aussi surexcité en privé que sur scène. Il nous accorde une brève entrevue, mais ne peut se résoudre à commencer avant de nous avoir fait une démonstration de ses muscles saillants.

D’autres détails seraient fastidieux. Je pourrais parler des démonstrations des webcameuses, des conférences bourrées de fautes ou pire, du kiosque des militants pour l’éducation sexuelle à l’école, mais rien ne m’interpelle plus que ce que je viens de décrire.

Bien sûr, je suis partisan et prédisposé à critiquer ce type d’évènement, mais je crois pouvoir faire preuve d’une totale objectivité en disant qu’à moins d’avoir sombré dans l’indécence la plus totale, le commun des mortels ne pouvait pas sortir de cet endroit sans sentir une pointe d’angoisse, de malaise ou, au minimum, d’interrogation.

Non, le salon de l’amour et de la séduction n’est pas un endroit chaleureux où l’on parle de séduction et encore moins d’amour. Non, nous n’y sommes pas pris en charge par des spécialistes bienveillants. C’est un endroit glauque et froid, aux lumières tamisées, où l’on cherche d’abord à nous vendre une vision de la sexualité avant d’en vendre ses produits.

On passe de l’amour à l’érotisme, puis de l’érotisme à la pornographie, puis de la pornographie aux fantasmes et du fantasme au fétichisme BDSM. Vous n’avez rien vu venir. Pourtant, le salon reproduit à merveille ce basculement dans le discours libertaire. Il est une cristallisation de la banalisation de ce qu’on est en droit d’appeler de la paraphilie. La paraphilie, c’est ce que le sexologue charlatan et père de la théorie du genre John Money qualifiait de «pratiques sexuelles inhabituelles» par euphémisme.

Il en faut de l’audace pour penser que l’on peut altérer ainsi la psychologie humaine afin d’y intégrer l’idée d’un sadomasochisme pour tous. Mais, il faut croire que le système ne recule devant rien, car ce salon est une véritable opération de massification des pratiques sexuelles déviantes.

Le sombre calendrier du système libéral-libertaire se dessine : après nous avoir arraché nos racines, notre foi et notre sexe, il espère probablement réduire le peu de sens commun qu’il nous reste afin de faire de nous des psychotiques, enclins à chercher la jouissance de n’importe quelle manière, fut-elle la plus odieuse, du moment que ça génère un maximum de profits. Je rappelle d’ailleurs que cet évènement est un salon, un sex-shop. Un sex-shop est un magasin où le sexe et l’amour ne sont que des marchandises. L’objectif initial reste la vente et personne ne dira le contraire.

Il ne s’agit pas de dénigrer les pratiques sexuelles de tout à chacun, mais de pointer du doigt un projet idéologico-politique mêlant sexe et consommation de façon habile, une arnaque déjà suffisamment décrite par Clouscard dans son génial capitalisme de la séduction.

Je ne vais pas vous mentir : j’ai quand même beaucoup ri. Et je ne vais pas jouer les pères-la-pudeur, mais malgré le ridicule de tout ce cirque, le malaise est réel. Qui n’a jamais adressé la parole à une femme masquée, un narcissique fou de son corps, un testeur de plugs anals (et fier de l’être) ne peut comprendre le sentiment de gêne mêlé de malaise dans lequel cette visite nous plonge. Par contre, à ceux qui l’ont senti, je veux leur dire : c’est NORMAL  et c’est BON SIGNE !

Commentaires   

 
0 #3 Louis-Philippe 25-01-2018 19:22
On se pourrait se demander où nous mènera cette envie incontrôlable d'exhibitionnis me et d'indécence. La sexualité perd son caractère privé pour devenir un élément de la vie publique. Pourquoi alors faire l'amour dans une chambre à coucher quand on peut le faire dans un parc, une salle de cinéma et même un lieu de travail?
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0 #2 Louis-Philippe 25-01-2018 13:43
On aurait du renommer ce salon en salon des objets sexuels et des culottes mangeables!
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0 #1 L.Rumilly 25-01-2018 13:26
Rien a ajouter. Bien dit.
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