lundi, 22 juin 2015 22:10

Les 5 mensonges que l’agroalimentaire essaie de vous faire gober

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Depuis de nombreuses années, l’alimentation est l’un des sujets donnant lieu aux débats les plus houleux, à l’intersection de croyances, de la science et d’intérêts économiques. La difficulté vient du foisonnement permanent des discours contradictoires, et un des principaux créateurs de ce bruit ambiant est bien entendu l’industrie agroalimentaire. A la fois pour défendre leurs intérêts économiques et leur influence, les industriels ont su construire depuis 30 ans un discours bien rôdé.

Si vous êtes un lecteur régulier de mon site et que vous êtes déjà sensibilisés à toutes ces thématiques de santé, vous pouvez vous dire que ce sujet ne nous concerne pas et que vous êtes déjà immunisé à ce discours orienté.

Mais d’une part, vous n’avez peut-être pas rationalisé totalement votre position, et d’autre part, vous ne vous rendez certainement pas compte que ce matraquage permanent peut tout de même garder une certaine influence sur vous, et surtout sur les gens qui vous entourent.

Je vais élargir le sujet quelques instants, en faisant un peu de philosophie et de sociologie (oui je suis comme ça) mais il me semble que c’est un point essentiel à comprendre : la plupart des gens sont persuadés qu’ils sont des sujets totalement libres, capables de penser ce qu’ils veulent et de se créer leurs opinons indépendantes par la seule force de leur volonté. Un libre-arbitre total que l’on retrouve par exemple dans la philosophie de Descartes.

Mais ça, c’est dans un monde idéal qui n’existe pas. Chacun de nous est en fait influencé par des désirs, des affects et des contraintes qui se sont construits et imposés à nous depuis notre naissance. Il est plus difficile que l’on ne le croit d’être parfaitement autonome dans ses décisions et de changer ses désirs par la seule force de sa volonté. Si nous nous croyons libres, dit par exemple Spinoza, c’est parce que nous ignorons les causes qui nous font agir.

Pourquoi je vous raconte tout ça ? Parce les industriels ont eux parfaitement compris depuis longtemps les mécanismes de décisions et les processus comportementaux des consommateurs. Pourquoi pensez-vous qu’ils dépensent chaque année des dizaines de milliards d’euros en marketing ? Pourquoi ils s’intéressent de près à des disciplines comme le neuromarketing ? Pourquoi ils investissent des sommes colossales dans la récolte et le traitement des données d’achats (« datamining ») pour pouvoir prédire à l’avance ce que vous allez vouloir acheter ?  Sans vous en rendre compte, à force d’entendre en permanence les mêmes phrases rabâchées par les représentants des industriels ou les experts vendus à leur solde, votre inconscient finit par être touché et certaines répliques deviennent des croyances profondes dans la majorité du public. Et une fois que l’on a intégré cette manière de fonctionner, on commence tout de suite à identifier toutes les fois dans les médias où ces discours sont répétés en boucle.

Le choix était très vaste, j’ai d’ailleurs déjà traité de nombreux sujets sur mon site, mais j’ai choisi de me focaliser sur les 5 phrases plus « globales » qui représentent le mieux selon moi l’idéologie que tentent de véhiculer les représentants de l’agroalimentaire. 5 phrases que l’on entend trop souvent non seulement dans les médias, mais aussi dans la bouche d’une grande partie du public, qui a fini par les faire sienne à force de matraquage permanent. (cf le déterminisme cité juste avant).

 

1 – « On vit plus longtemps et en meilleure santé grâce à l’alimentation moderne ! »

Peut-être la plus souvent répétée par les perroquets envoyés sur les plateaux tv représenter les industriels. Pour la déconstruire, rappelons pour commencer ce qu’est « l’espérance de vie à la naissance » : elle représente la durée de vie moyenne – autrement dit l’âge moyen au décès – d’une génération fictive soumise aux conditions de mortalité de l’année. Elle caractérise la mortalité indépendamment de la structure par âge (définition de l’INSEE). Si par exemple on diminue fortement la mortalité infantile, par extension cette moyenne augmentera elle aussi de manière notable. Comme dans tous les pays développés, la mortalité infantile a été divisée en France par 40 en un siècle, en grande partie grâce à une meilleure lutte contre les maladies infectieuses et respiratoires, et non pas grâce à l’agroalimentaire.

De manière plus large pour toute la population, le 20e siècle a vu l’émergence des antibiotiques, l’amélioration de l’hygiène, etc. Comme vous pouvez le voir sur ce graphique, les maladies infectieuses représentaient la majorité des causes de décès il y a 100 ans, alors que nos fléaux modernes sont les maladies cardiovasculaires et les cancers, des maladies qui elles peuvent au contraire être liées à l’alimentation moderne et industrielle pleine de calories vides !

Enfin,on voit l’obésité qui ne cesse de progresser sans interruptionnon seulement dans les pays développés mais aussi dans les pays en développement.En France par exemple, le taux d’obésité chez les adultes a été multiplié par 3 en 30 ans ! Et que dire des maladies chroniques : par exemple, le nombre de diabétiques, une conséquence directe de la malbouffe et de l’explosion de la consommation de sucre et de produits raffinés (pour le diabète de type 2), a doublé en 10 ans ! Par ailleurs, l’espérance de vie commence même à décliner dans les populations les plus touchées, notamment dans certaines régions des Etats-Unis les plus pauvres et les plus « en avance » en termes d’obésité et de malbouffe, une vision de ce qui attend peut-être le reste de la population…

Ce qui me permet de conclure sur un dernier critère dont les industriels ne parlent jamais :l’espérance de vie en bonne santé / sans incapacité(EVSI), qui permet de mieux estimer la « qualité » des années de vie. Pour faire simple, vivre jusqu’à 100 ans dont 50 à être atteint de pathologies lourdes n’est peut-être pas l’objectif de chacun. Après des décennies de progression,cette EVSI a commencé à stagner voir même à régresser légèrement ces dernières années en France.

J’aurais pu aussi évoquer le fait que, contrairement aux idées reçues, nos ancêtres du paléolithique avaient plutôt une bonne espérance de vie s’ils arrivaient à survivre aux infections et aux accidents, ou que les fruits et légumes d’aujourd’hui sont de plus en plus pauvres en micronutriments, entraînant de fait des carences de plus en plus importantes, mais je pense que ce 1erargument des industriels est déjà définitivement détruit !

 

2 – « L’agriculture intensive permet de nourrir le monde. »

Quand ils ne nous aident pas à vivre jusqu’à 100 ans, les industriels jouent les Mère Teresa en nourrissant les affamés dans le monde… Ce n’est même pas une blague, certains l’affichent très clairement dans leurs objectifs, comme le montre par exemple cette image tirée du site de Monsanto.

On pourrait écrire une thèse de 500 pages sur les problèmes posés aujourd’hui par le modèle de l’agriculture intensive, mais examinons rapidement les éléments clés :

  • Plus de 800 millions de personnes, soit plus d’une sur dix, souffrent encore de la faim dans le monde.
  • En parallèle,2 milliards de personnes seraient en surpoids ou obèses, ce qui permet déjà de se questionner sur la répartition, et non pas sur l’augmentation de la production.
  • Plus grave,selon la FAO, un tiers des aliments produits pour la consommation humaine serait perdu ou gaspillé, entre les pertes à la production jusqu’au restes jetés par les consommateurs, en passant par les invendus détruits par les supermarchés. Non seulement c’est directement de la nourriture en moins pour ceux qui ne mangent pas à leur faim, mais c’est aussi un gaspillage énorme d’énergie, de ressources et de main d’œuvre utilisés pour la produire.

Enfin, et c’est certainement le point le plus important, les tenants de l’agriculture intensive prétendent bien entendu que leur modèle est le seul possible pour nourrir la planète, et qu’il faudrait donc se résoudre à sacrifier la qualité pour avoir la quantité. Ce qu’on a appelé la « révolution verte » a eu son utilité pour nourrir les peuples à la sortie de la 2eGuerre Mondiale, et les agriculteurs de l’époque n’ont fait qu’appliquer ce que les politiques leur demandaient.

Mais opposer une agriculture intensive qui serait l’aboutissement du progrès humain grâce à ses pesticides et ses OGM développés en laboratoire, face à une agriculture plus « paysanne », raisonnée, biologique, locale, qui elle serait une agriculture de « grand-papa », pour ne pas dire d’arriérés anti-science, est soit être ignorant de la réalité, soit être totalement de mauvaise foi…

L’agriculture « bio », pour employer un terme générique, est devenue elle aussi de plus en plus pointue dans ses techniques, à tel point qu’une étude récente de laProceedings of the Royal Society a montré quela différence de rendement n’était que de 8% en utilisant des méthodes comme la rotation de cultures. Pour citer le Pr Claire Kremen, directrice de cette étude :« Augmenter la part de l’agriculture faisant appel à des pratiques durables n’est pas un choix, mais une nécessité : nous ne pouvons tout simplement pas continuer à produire de la nourriture sans prendre soin des sols, de l’eau et de la biodiversité ». Certains agriculteurs,comme ce producteur de tomates, ont même développé des techniques encore plus efficaces sans pesticide, « en aidant simplement les plantes à se défendre toutes seules ».

Au contraire, à force de ne pratiquer que les monocultures en faisant pousser toujours les mêmes plantes au même endroit, on épuise les sols, ce qui oblige à ajouter toujours plus d’engrais, et on favorise un milieu favorable au développement des maladies et des insectes, et donc une utilisation plus encore plus importante de pesticides. Le cercle vicieux d’un système qui marche complètement sur la tête, et qui au final nous livre des fruits et légumes de plus en plus pauvres en vitamines et minéraux.

Comme je vous l’expliquais dansmon article sur Kellogg’setma vidéo sur l’histoire des régimes, non seulement le problème n’est pas un manque de productivité pour nourrir la planète, mais il a même fallu trouver de nouveaux débouchés pour la surproduction céréalière à partir des années 1970, comme l’alimentation animale, les sirops sucrants ou les huiles végétales. Ce qui fait qu’aujourd’hui,2/3 des surfaces agricoles seraient consacrées à l’élevage et l’alimentation animale, les troupeaux en Europe étant par exemple nourris au soja et au maïs OGM issu d’Amérique du Sud, avec tout l’impact écologique que cela entraîne. Sans même rentrer dans le débat « faut-il devenir végétarien » qui est plus complexe que certains veulent bien le croire, on pourrait déjà expliquer comment dans les élevages traditionnels, où les animaux mangent de l’herbe et où les agriculteurs produisent sur place l’alimentation complémentaire, les fermes peuvent être en autosuffisance en recyclant notamment le fumier pour enrichir les sols, comme l’ont fait les fermiers depuis des milliers d’années. Bien sûr, cela sous-entendrait au moins de manger moins de viande et plus local.Je vous invite à regarder cette vidéo pour aller plus loin sur le sujet.

On pourrait encore parler de la permaculture, de la pollution des eaux, de la destruction de la biodiversité, des surfaces toujours plus importantes consacrées aux agrocarburants (« un crime contre l’humanité » selon l’ancien rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation de l’ONU Jean Ziegler), mais je pense que vous avez saisi l’essentiel.

 

3 – « Les industriels soutiennent les agriculteurs. »

De Monsanto qui aide les paysans des pays en développement à produire plus à Danone qui travaille main dans la main avec les producteurs de lait, en passant par les biscuits Lu qui prennent en compte « la santé et la sécurité des agriculteurs », on pourrait se dire que ces derniers ne doivent leur salut qu’à l’industrie agroalimentaire !

Pour faire le lien avec le point n°2, on peut déjà évoquerles effets de la mondialisation agricole sur les pays les plus pauvres, qui ont dû emprunter de l’argent au FMI et à la Banque Mondiale depuis 30 ans,ces derniers les ayant forcés en échange à libéraliser leurs marchés agricoles et à remplacer leurs cultures traditionnelles par des cultures d’exportation comme le coton. Maisface à une concurrence de pays développés plus productifs possédant une agriculture fortement subventionnée, les revenus de ces paysans sont à la merci des prix du marché, une spéculation des produits agricoles dirigée par des banques et des multinationales. Ces petits paysans faisant faillite, ils émigrent vers les villes, grossissant les rangs des demandeurs d’emploi, ou vers les pays « riches » à la recherche d’un avenir meilleur, ce qui ne fait qu’accentuer encore plus la dépendance alimentaire de ces pays, d’où les émeutes de la faim qui ne vont cesser de se multiplier dans les années qui viennent.  

La situation dans les pays développés n’est pas forcément meilleure :20 000 emplois sont détruits chaque année dans les fermes françaises, le nombre d’agriculteurs étant passé de plus de 5 millions il y a un siècle à moins de 500 000 aujourd’hui, avec une concentration toujours plus importante des exploitations (on note même une accélération de la chute du nombre des petites exploitations ces dernières années).Une destruction des emplois qui favorise à côté le travail précaire et intérimaire, ainsi que le recrutement de travailleurs illégauxpour tout de même faire face au besoin de main d’œuvre.

Une concentration qui ne fait qu’aggraver le cercle vicieux : en Europe, les subventions de la PAC (Politique Agricole Commune) sont proportionnelles à la taille des exploitations,les grands céréaliers recevant donc la majorité des aides (20% des agriculteurs reçoivent 80% des subventions). Par contre, il n’y a bien sûr pas de critère environnemental qui favoriserait des comportements plus écologiques…  L’indexation des matières premières (céréales, lait, etc.) sur les cours du marché empêchent beaucoup d’agriculteurs de pouvoir prédire leurs revenus le mois suivant et de savoir s’ils seront en déficit. Tout le monde a en tête par exemple les manifestations à répétition des producteurs de lait, dont la situation ne va faire qu’empirer dans quelques semaines avec la fin des quotas laitiers, une dérégulation du marché qui va renforcer la concurrence entre les pays et pousser à une réduction des coûts de plus en plus importante.

Les industriels n’ont pas le bien-être des agriculteurs au centre de leur préoccupation, mais peut-être que c’est le cas de leurs représentants ? La bonne blague… Xavier Beulin,le président de la FNSEA, 1er syndicat agricole français, est aussi président de Sofiprotéol, une multinationale leader dans les agrocarburants et l’alimentation animale, autant dire qu’il ne va certainement pas remettre en question un système qui subventionne massivement les grands céréaliers ou défendre les éleveurs qui veulent nourrir leurs animaux en pâturages…

Ici on pourrait aussi évoquer le taux de suicide chez les agriculteurs, la dépression chez les ouvriers agricoles faisant un métier de chien, les petits paysans ruinés par les OGM en Inde ou les maladies liées à l’exposition aux pesticides, mais l’argument n°3 a été suffisamment déconstruit je pense.

 

4- «  Il faut manger de tout ! »

Une phrase qui semble de bon sens à première vue : il faut avoir une alimentation diversifiée, c’est évident. Mais que devient ce conseil dans un monde rempli à 80% de produits transformés ? « Manger de tout » devient «manger surtout nos produits » dans la bouche des industriels. Si vous observez bien, une des phrases les plus présentes dans les publicités de produits industriels est « le produit X a toute sa place au sein d’une alimentation équilibrée » – traduction : « n’écoutez pas ceux qui vous disent d’arrêter les calories vides de nutriments que l’on vous vend, si vous mangez 3 feuilles de salade à côté, vous avez le droit à votre Coca et à votre Kinder Bueno ! ».

Raison pour laquelle je suis contre cette phrase au final. Si je devais la modifier, je dirais « il faut manger de tout dans les vrais aliments, frais, bruts, de saison et local ». Paradoxalement, il y a aujourd’hui un vrai problème de diversité, entre l’agriculture intensive qui repose sur les mêmes 4 grandes monocultures (blé, maïs, soja, riz) et les consommateurs qui eux-mêmes mangent toujours les mêmes aliments, alors que nos ancêtres chasseurs-cueilleurs mangeaient au moins une centaine d’espèces de plantes sur l’année selon les estimations. Bref, Naturacoach 4 – Industriels 0 

 

5 – « Il faut savoir se faire plaisir. »

Un prolongement de l’argument précédent, dont la traduction serait : « il est impossible de se faire plaisir de toute façon sans avaler des tonnes de sucre blanc, de farine de blé moderne et d’huiles raffinées ». Comme des images valent mieux qu’un long discours, voici simplement quelques photos de mes recettes (sachant qu’une gourmandise reste une gourmandise, donc pour une consommation occasionnelle).

De cette analyse, vous pourrez deviner les solutions : relocaliser au maximum les productions agricoles, changer totalement le système des subventions pour favoriser les petits producteurs respectueux de l’environnement, empêcher les agriculteurs de devenir prisonniers de modèles économiques comme les OGM et le rachat obligatoire des semences chaque année, aider les pays les plus pauvres à revenir à une autosuffisance alimentaire…

De votre côté, vous pouvez déjà comprendre l’importance de votre façon de faire vos courses et du pouvoir de votre carte de crédit. Apprendre à bien manger pour votre santé et pour celle de la planète ne sera bientôt plus un choix mais une nécessité de survie.

Source : naturacoach.com

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