Si vous ouvrez la biographie, lien ci-dessus, on s'intéressera notamment à son séjour au Canada (paragraphe 6), où le fait venir le Père Georges-Henri Lévesque, qui venait de fonder la faculté de sociologie de l'Université Laval. On notera que les deux tomes de « La Nation » sont publiés à Montréal en 1944, aux Éditions de l'arbre. (par. 17)
L'auteur d'une thèse de doctorat à son sujet (2016) me semble très bien saisir le personnage :
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Joseph-Thomas Delos en 1948 |
« L'œuvre confidentielle de Joseph-Thomas Delos répond à l'ambition de proposer une pensée alternative chrétienne à la société libérale. Professeur de droit international public, thomiste, ce dominicain n'a eu de cesse de vouloir articuler les résultats de la sociologie à une réflexion juridique sur le bien commun. »
http://www.theses.fr/2016EHES0040
« En parlant des Droits de l'homme et du National, nous établissons volontairement un certain parallélisme entre ces droits et les Droits de l'homme et du Citoyen. Les Déclarations, qui les ont enregistrés au cours de l'histoire, montraient, par leur titre même, qu'elles rattachaient les droits du citoyen à la nature de l'homme. C'est à celle-ci aussi que nous rattachons les droits du national, mais en les distinguant des droits du citoyen. »
La terminologie anglo-saxonne et celle du nationalisme libéral emploient aussi volontiers l'une que l'autre le mot Nation dans un sens politique et étatique. Ainsi la Déclaration des droits et des devoirs des Nations ... de 1916, qui figure dans le Projet de Convention... nous donne un bel exemple de la conception anglo-saxonne :
« la nation est une personne morale et juridique, création de la loi et subordonnée à la loi comme la personne naturelle dans la société politique »
Renvoyant dos à dos le nationalisme ethnique et totalitaire ainsi que le nationalisme libéral, il distingue ensuite fortement les concepts d'État et de la nation. Compte tenu de son apport original et de haut niveau, on s'étonne que son oeuvre ne soit pas mieux connue.
«... se développera au cours du XIXe siècle une conception politique, démocratique, libérale et volontariste de la nation. Elle est pleinement respectueuse de l'individu humain; elle fait constamment appel au droit naturel ; elle est rationnelle ; on serait tenté de dire intellectualiste. Elle a deux lacunes pourtant : plus politique et plus rationnelle qu'ethnique elle confond la nation et l'État, et en même temps elle néglige un ensemble de valeurs et de forces qui, plus proches peut-être de l'histoire, de la nature et de l'instinct collectif, font cependant partie du capital humain. » ( p.137 )
J-T Delos ne s'est jamais mêlé de politique canadienne. Il a par contre fondé à Québec un Comité de la France libre avec d'autres personnes et est ensuite retourné en France. Faut dire qu'entre 1941-1945 la question nationale au Canada n'était pas dans l'actualité. Il a ensuite occupé des fonctions diplomatiques et n'a rien écrit d'aussi substantiel par la suite. Je dois dire que ses ambitions de voir naître un nouvel ordre « super étatique » ne se sont pas matérialisées, loin de là. Il était sans doute défenseur de l'Union européenne et de la formation des Nations unies. Il faut se reporter au contexte de l'époque. Cette partie m'apparaît vieillie.
Christian Néron et son idée de la nation qu'il reprend largement de Delos
https://vigile.quebec/articles/la-nation
« La familiarité entre les hommes, les similitudes de la vie en société, le prolongement des liens de solidarité dans une sorte de parenté spirituelle, continuent de façonner la structure sociale du groupe. Il se crée alors un profond sentiment d’appartenance, un sentiment d’être réellement chez soi et de pouvoir y vivre en toute sécurité. C’est la force de ce sentiment qui amène le groupe à ne plus se contenter de simplement exister, mais à vouloir se perpétuer, à se donner un projet d’avenir, et vaincre le temps en s’affirmant dans la durée. C’est à ce moment qu’il y a nation.
Ainsi, lorsqu’une telle communauté de conscience prend à ce point conscience d’elle-même, de son originalité, de son unicité, bref, de tout ce qui la distingue des autres communautés, on peut dire qu’elle est parvenue à un état de conscience national, qu’elle est consciente de former une personne collective à la recherche d’un bien commun qui lui est propre, d’un état social dans lequel chacun peut vivre, s’enraciner et se projeter dans l’avenir. (1)
On peut également ajouter que la nation ainsi formée constitue un cas particulier du phénomène de civilisation puisque, de toutes les formes de regroupement social qui ont pu exister depuis la nuit des temps, la nation est certainement celle qui a le plus favorisé la paix, l’harmonie et la prospérité à l’intérieur d’un regroupement.
La nation peut donc être considérée comme un enrichissement du phénomène de civilisation, une évolution naturelle qui va au-delà de toutes les formes connues de regroupement social. Ajoutons que la nation, ainsi constituée sous la forme d’une personne collective de droit naturel, possède, comme dans le cas des individus, des droits et libertés qu’elle peut revendiquer contre tous, y compris contre son propre État, et ce, conformément aux mêmes règles de justice. »
UNE COMMUNAUTÉ DE CONSCIENCE QUI CHERCHE À VAINCRE LE TEMPS ET À S’AFFIRMER DANS LA DURÉE.
- par exemple les droits des nations autochtones, ceux des Canadiens-français et ceux des Canadians - une égalité qui ne se retrouve PAS dans la Loi 99. P.e.« Droits consacrés de la communauté anglophone » minoritaire = subsistances de privilèges coloniaux. Il vaudrait mieux que les anglophones soient reconnus comme nation avec les mêmes droits que les autres nations, pas plus. Notamment pour le financement des institutions d'éducation et de santé. Notons également que la seule possibilité d'atteindre l'égalité n'existe qu'entre entités qui se reconnaissent égales. « La communauté aux droits consacrés » n'est pas un concept juridique courant, c'est un statut d'exception. Il est temps de questionner la source juridique de cet exceptionalisme et de comprendre ce qu'il cache.
C'est le droit de la personne à une appartenance socio-historique particulière. Comme Beethoven ne pouvait être qu'Allemand pour composer l'oeuvre qu'il a créé et Jean Racine ne pouvait être que Français. Comme il fallait être Canadien-français pour composer le Ô Canada en 1880. La particularité de ces oeuvres est d'enrichir l'humanité à partir d'un enracinement national. L'enracinement national produit une façon particulière d'être un humain.
- le rôle de l'État sur un territoire pluri national (comme le Canada ou le Québec) n'est pas forcément de s'identifier à une nation en particulier mais d'être garant de l'application de droits nationaux égaux entre elles. Delos prend donc ses distances de l'État nation. Et effectivement, le concept ne peut être une solution optimale pour le Québec comme pour le Canada plurinational. Au fond, il n'y a pas de différence hiérarchique entre les droits des Premières nations et les droits des Canadiens-français, les droits nationaux étant intangibles et de même valeur pour toute nation. Les premières nations n'ont pas de droits spéciaux que les Canadiens-français n'auraient pas et la post-nationalité du Canada - qui est un couvert pour la suprématie du Canada anglais - n'a pas sa place.
La terminologie anglo-saxonne et celle du nationalisme libéral emploient aussi volontiers l'un que l'autre le mot Nation dans un sens politique et étatique. En voici un exemple :
« ... la nation est une personne morale et juridique, création de la loi, et subordonnée à la loi comme la personne naturelle dans la société politique. »
« Si les nationalismes modernes ont conduit souvent et même fatalement à l'impérialisme et à la conquête, c'est que, confondant la nation et l'État, ils ont conjugué leurs dynamismes, ils ont exagéré l'un par l'autre, et les ont dévié tous les deux vers des buts autres que les leurs.»
«Ses enfants se lèvent unanimement pour défendre le sol et la patrie, la lutte pro aris et focis est celle qu'un peuple soutient avec le plus de tenace héroïsme et il ne s'avoue jamais vaincu dans le combat pour la libération du territoire»
- « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis. »
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