samedi, 21 septembre 2019 11:35

Le vrai scandale n´est pas « la nuit des longs couteaux » !

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Gilles Verrier

Cette chronique ajoute à la précédente, publiée le 20 septembre. Le congrès du PQ de 1974 , réduisait les pouvoirs d'un gouvernement élu en lui interdisant de procéder avec son programme. Il adoptait à la place une « démocratie d'exception » : le référendum. Ce dernier ruinait l'avantage marginal de la nation demanderesse, en abandonnant la représentation par comté, et soumettait plus outrageusement son destin à une décision commune de deux nations inégales et opposées. Selon une équation douteuse, cela devait faciliter une première victoire électorale, mais à quel prix ?  Cela revenait à jeter ses perles pour un plat de lentilles.
Pourtant, l'enclenchement de mesures conduisant à l'égalité des nations, impossible sans négociations, avait toute la légitimité voulue sans avoir à déroger aux formes en usage dans notre régime parlementaire : l'élection.

Trente pour cent des délégués s'opposèrent à l'arnaque du cinquième congrès du PQ. Étaient-ils les seuls à voir clair ? Pour comprendre la faiblesse de cette opposition, il faut retourner un peu en arrière, pour constater que l'opinion du parti avait été vigoureusement travaillée depuis un certain temps. Aux élections de 1973, on avait distribué en fin de campagne une « carte de rappel » aux électeurs. Le texte de cette carte se lisait comme suit :
« Aujourd'hui, je vote pour la seule équipe prête à former un vrai gouvernement. En 1975, par référendum, je choisirai l'avenir du Québec. Une chose à la fois

Le rappel en question n'était pas vraiment un rappel mais une nouveauté qui contredisait le programme du parti. Regroupés au sein et en marge de la direction du parti, des éléments ont pu ainsi procéder à un coup de force. Passer par-dessus les membres pour faire la promotion d'un point de vue contraire au programme. Ainsi, les premiers partisans du référendum, qui se feront connaître pour une sensibilité démocratique qu'ils prétendront moralement supérieure, commencèrent-ils leur carrière par un putsch ! Leur connivence avec la direction du parti étant assez claire, on ne s'étonnera pas qu'ils menèrent leur opération en toute impunité. Effectivement, le parti ne prendra aucune mesure contre eux. Cet épisode illustre toute la puissance des forces qui, derrière le rideau, travaillaient à faire fléchir le Parti québécois, un phénomène qui avait pris de l'ampleur depuis l'arrivée de Claude Morin dans ses rangs, en 1972.

Dans son livre, Mes premiers ministres, Claude Morin dévoilera candidement les origines bâtardes du référendisme :
 « L’idée du référendum, écrit-il, me fut involontairement suggérée en 1969 par trois personnalités renommées de l’establishment politico-technocratique anglophone fédéral (…) : Gordon Robertson, secrétaire du cabinet fédéral et, à ce titre, premier fonctionnaire d’Ottawa, Robert Bryce, ancien sous-ministre fédéral des Finances et éminent mandarin d’Ottawa et Al Johnson, sous ministre de la Santé nationale et du Bien-être social ».

Le plan de Claude Morin datait de 1969, il réussira pleinement cinq ans plus tard, en 1974.

*  *  *

Le récit officiel du souverainisme nous martèle inlassablement que les chefs ont toujours fait le maximum mais que c'est le peuple qui n'a pas suivi. C'est ce discours d'un peuple peureux à qui il ne faut jamais dire les vraies affaires, d'un peuple qui s'est dit non à lui-même, etc... C'est un tel discours culpabilisant, qui justifie la démission des chefs politiques et cache leur couardise. Ce récit, devenu l'histoire très officielle, est repris depuis des décennies par la presse, les biographes complaisants, les essayistes et les politiciens, tous partis confondus. Pour prendre un exemple parmi une profusion, le journaliste Louis Cornellier écrira en 2003 : «...l'étapisme a presque mené à la victoire souverainiste et [...] les stratégies de Morin, parce qu'elles étaient sensibles à la modération notoire des Québécois, ont su tirer le meilleur parti possible des circonstances, dans le respect de la démocratie

Qui le dira enfin ?  La vérité c'est que le nombre de voix exprimées en faveur d'une refonte constitutionnelle majeure, qui respecte l'identité et l'égalité des nations, justifiait amplement que l'on ne déclare pas forfait, ni à l'un ni à l'autre des deux référendums. Qui dira que des négociations, telles que demandées dans la question référendaire de 1980, il y en eut bel et bien quelques mois plus tard ? Mais ni Lévesque ni Morin, qui pilotaient la délégation du Québec, ne firent leur devoir. Ils n'élevèrent pas le débat constitutionnel au niveau qu'exigeait leur engagement politique. Ainsi, la question nationale ne sera jamais soulevée au cours des négociations constitutionnelles de 1981. Le seul exercice du genre depuis 1865. Le vrai scandale il est là, pas dans la nuit des longs couteaux.

Au même titre, les circonstances de l'adoption du processus référendaire sont un exemple d'un récit mensonger doublé d'une grande manipulation. La véritable histoire du néo-nationalisme ressemble plus au complot d'un parti infiltré agissant contre la volonté d'émancipation d'une nation. La tendresse envers certains chefs malheureux, qui ont tant souffert de ne pas être suivis, le culte envers un parti bidon, la manipulation continue du sentiment populaire avec lequel on a tant joué, tout cela a fait son temps. 

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