Réjean De Gaule
Deux figures emblématiques du Canada français, Dollard et les patriotes ont un point commun, celui de s'aventurer et de ne pas savoir s'ils en reviendront vivants. Inimaginable aujourd'hui est cette prise de risque en notre ère de poursuites pour contrer d'inoffensives diffamations langagières. Nos élites donnent l'impression qu'ils vont mourir au combat sous le coût de vilaines diffamations. Quel courage ! Toujours penser que les femmes, la reine Victoria en est la preuve, pouvaient être bien plus violentes que les hommes. Simplement, leur violence est assumée par autrui, souvent des hommes. Nos élites modernes s'y prennent de la même manière. Leur envie meurtrière est assumée par autrui. Quel courage ! Il n'en fut pas toujours ainsi. Dollard et les patriotes sont là pour nous le rappeler.
L'aventure de notre destin national
L'aventure de Dollard et des patriotes s'est fait les pieds dans le vide. Elle apparaît reliée à notre destin national. Cette aventure qu'est notre destin national en est une en terre hostile parmi d'infâmes mondialistes, d'abrutissants états-uniens, de véreux politiciens fédéraux, des juges eunuques et j'en passe. Le chemin est pavé d'obstacles, de trahisons québécoises et de mille autres dangers à notre culture. Y survivra-t-on ? Rien n’est sûre.
Touché par la grâce providentielle...
Ce qui dérange de Dollard des Ormeaux c'est le caractère sacrificiel et donc christique de son épopée. Tout symbole qui renverrait de près ou de loin à la religion catholique est fui comme la peste. Le docteur Jacques Ferron dans historiette, un ouvrage polémique dans lequel il déboulonne quelques mythes québécois, aurait préféré le sacrifice du docteur Jean-Olivier Chénier (commandant patriote de Saint-Eustache) à celui de Dollard des Ormeaux (voleur de peau de bêtes d'iroquois, les ennemis des Hurons) comme symbole national. Il est vrai que l'histoire de Dollard n'est pas sans tare. Dollard avait ses défauts. L'aspect sacrificiel est aussi questionnable. Mais celle de Jean-Olivier Chénier apparaît suicidaire. La différence entre les deux est que, dans le cas de Dollard, il y avait de l'espoir. Au départ de l'aventure, il était prévisible que les risques allaient être nombreux, mais personne ne pouvait connaître l'issue funeste de leur aventure. À Saint-Eustache, les commentaires abondent quant à la folie de combattre l'armée anglaise. La victoire apparaît impossible. Jeter les armes dans le but de négocier une paix aurait été plus sage.
Chénier serait mort abattu en sortant d'une église en feu. Le baril de poudre que Dollard fit explosé qui causa leur perte pour échapper à la horde d'iroquois sur le point de les tuer apparaît soudainement moins absurde et désespéré dans la mesure où ce fut un acte qui ne pouvait avoir été réfléchi (comme la bataille de Saint-Eustache) et qui repoussa les Iroquois qui avaient largement les moyens de mettre à sac Ville-Marie par la suite. La bande à Dollard ne pouvait jeter les armes. Tout au plus, il pouvait se laisser capturer et encore. L'acte providentiel est donc nettement plus clair chez Dollard que chez Chénier. N'était-ce pas le réputé historien Maurice Séguin qui a démontré que plusieurs marchands anglais (du Haut-Canada, l'actuel Ontario) étaient d'accord avec les revendications des patriotes ? On ne peut pas dire de Chénier qu'il ait aidé la survie d'autres patriotes autrement que par le bon souvenir qu'il a laissé auprès de ses frères d'armes. On peut simplement dire que Chénier, en prenant les armes, a pu donner l'impression aux envahisseurs que le Canada français ne courberait pas l'échine devant les soldats anglais et s'en prendre aussi gratuitement à nos hommes ne se ferait pas impunément.
Dollard et Chénier se complètent bien au panthéon des téméraires canadien-français. L'un ne devrait pas exclure l'autre. Celle dont on devrait botter le derrière c'est la reine Victoria. Est-ce qu'un tir au pigeon d'argile tente à quelqu'un ? Il y a certains symboles qui donnent l'envie d'en découdre, ne serait-ce que symboliquement.