mercredi, 24 octobre 2018 13:25

Le crucifix du garagiste

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Réjean DeGaule

Imaginez-vous un vieux garage mal entretenu. Un garage bric-à-brac qui tient en place par une intervention du Saint-Esprit. Ce garage est situé dans un village francophone dans lequel le bilinguisme est si absent de la parlure populaire que des étudiants anglais d'une université ontarienne viennent y passer l'été afin de faire semblant d'apprendre la seule langue qu'on y parle : le français. Ce garage se trouve en plein centre d'un village gaulois qui résiste encore et toujours à l'envahisseur et qui fait venir son poisson de Lutèce, alors qu'il est situé sur le bord de la mer. Ce garage semble être le havre de jasette de tous ceux qui ont du temps à tuer durant la semaine. Depuis que le flannage au centre d'achat est devenu démodé, proscrit ou non recommandé (il est plutôt difficile de connaître la raison de la diminution de son achalandage), ce garage apparaît accueillir bien des gens qui ont d'autres raisons d'y venir que la réparation de leur voiture. Avec la salle d'attente pour la prise de sang du CLSC, ce garage apparaît être l'un des lieux de rencontre de villageois les plus populaires. L'âge vénérable du garagiste ne se compte pas. Ce dernier est si âgé et fait ce travail depuis si longtemps, qu'il est difficile de l'imaginer ailleurs que dans un garage. Vu son âge, on le croirait plus à l'aise à la retraite, mais lui-même ne se voit pas ailleurs que dans son garage et prend davantage de plaisir à servir les gens et rafistoler les voitures.

En région éloignée des grands centres urbains du Québec, le garagiste expose généralement un calendrier de femmes nues, de voitures sports ou de publicités de camions semi-remorque à coté des clés à molette, des gaskets (joint d'étanchéité), des peintes d'huiles et tout l'attirail de patenteux, mais pas ce garage. Non, ici tout ce qu'on aperçoit bien en évidence (peut-être en raison du désordre l'entourant), c'est le crucifix. Ce crucifix ne rend pas l'endroit plus catholique qu'un autre. L'esprit du garage serait différent que le crucifix s'accorderait mal à l'endroit, comme une fausse note dans un chant grégorien.

Dans ce garage, on peut déduire que la majorité des clients ne vont plus à l'église depuis fort longtemps. Le crucifix... Quel crucifix ? Ha oui, je ne l'avais jamais remarqué, dirait plusieurs clients de toujours. Le crucifix et le vieux garagiste font donc partie des meubles. Peu importe leur croyance, les clients y demeurent nombreux et personne ne s'est jamais questionné sur la possibilité de retirer ou de garder le crucifix. Raison pour laquelle, il y est encore.

François Legault garagiste...

Tout comme ce garage, l'Assemblée nationale québécoise, symboliquement, ne construit rien, mais répare et entretient le matériel fabriqué ailleurs sur la planète et conduit pas des Québécois.

Si le garagiste était conscient de son importance, autant pour le propriétaire de voiture que pour la compagnie qui fabrique des voitures qui brisent, il pourrait se permettre d'être malhonnête autant avec l'un qu'avec l'autre. Et c'est souvent le cas. Mais en région éloignée, la réputation locale a une grande importance sur la pérennité de l'entreprise. Même le calendrier de femmes nues pourrait être enlevé du coffre à outil de l'arrière boutique si une pression en ce sens se faisait sentir par les clients.

Il reste à espérer que les demandes des clients (les Québécois) seront raisonnables, que personne ne demandera de calendrier de femmes nues comme emblème de la nation, car le client pourrait le demander; et que le gouvernement caquiste, comme si sa survie en dépendait, agirait en garagiste d'un village gaulois qui résiste encore et toujours à l'envahisseur anglo-américano-sioniste.

Retirer les symboles anglicans

Pour se faire, pourquoi ne pas commencer par retirer les symboles anglicans qui entourent le président de l'Assemblée nationale ? Pour quelle raison, la CAQ a-t-elle tenue à préciser qu'elle garderait le crucifix à l'Assemblée nationale, alors que la question ne se posait pas ? Placer les projecteurs sur le crucifix est le meilleur moyen pour qu'il soit enlevé un jour. Si la CAQ veut montrer qu'elle travaille pour les personnes qui l'ont élu, pourquoi le retrait des symboles anglicans de l'Assemblée nationale n'a jamais été évoqué ? Y a-t-il jamais eu un Québécois dans une messe anglicane ? Pourquoi préserver les vestiges de pièces d'une compagnie qui a vendu ses restants qui brisaient tout le temps, sinon que le garagiste voulait rendre hommage aux compagnies qui lui ont permis de ne jamais manquer de travail en vendant des voitures qui brisent ?

Bien sûr, il faudrait remplacer ces pièces.

Neutralité religieuse

Au nom de la laïcité interprétée comme une forme de neutralité religieuse, remplacer les symboles anglicans par une page de calendrier de femmes nues placée à coté d'un christ sur sa croix (symbole soi disant non catholique, non religieux, symbolisant plutôt la séparation de l'église et de l'état[1]), au dessus du siège du président de l'Assemblée nationale serait totalement cohérent puisque non religieux et permettant aux symboles de respecter la sainte parité des hommes et des femmes. La plaisanterie est un peu grossière, mais en enlevant la signification religieuse du crucifix, le sacré disparaît et l'on permet absolument tout. La population non croyante l'acceptera peut-être mieux en tant que symbole non religieux, simple souvenir de notre histoire, mais le crucifix serait ainsi vidé tout son sens. Si on le préserve au dessus de la chaise du président de l'Assemblée nationale, mais qu'on ne veut plus lui attribuer de connotation religieuse, aussi bien l'enlever, car, de toute façon, il ne voudra ainsi plus rien dire dans quelques temps.

Le crucifix est volontairement une démonstration de catholicité

Pour ceux qui s'imaginent qu'en plaçant le crucifix à l'Assemblée nationale les intentions furent d'en faire un symbole de séparation de l'église et de l'état (opposé aux anglicans) plutôt que religieux ou catholique, je les invite à lire ce blogue de l'historien Gaston Deschênes qui rappelle que le crucifix fut installé suite à une intervention de Nil-Élie Larivière, un garagiste de Rouyn devenu député de l'Action libérale nationale, qui trouvait qu'il manquait un crucifix à un parlement qui se voulait catholique : https://blogue.septentrion.qc.ca/gaston-deschenes/2007/04/03/duplessis-le-crucifix-et-le-garagiste-derouyn/

[1] Pensée populaire sur le web en provenance de certains youtubeurs qui tournent les coins ronds lorsque vient le temps de raisonner et qui ne méritent pas que je cite leur nom ou surnom.

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