“On ne naît pas hétérosexuel.le, on le devient”. C’est sur ce présupposé qu’est bâti un festival au nom aussi radical que prometteur qui commencera mardi 24 septembre à Paris : “Sortir de l’hétérosexualité”. Deuxième volet du festival “Des sexes et des ‘femmes’”, qui avait entrepris l’an dernier de dénaturaliser le mot “femme” en travaillant sur le désalignement genre/sexe, l’événement s’attaquera cette année au régime politique hétérosexuel en multipliant les perspectives critiques et les lignes de front : érotisation de la violence (avec Valérie Rey-Robert), répartition raciale du travail de care, économie du désir (avec Morgane Merteuil), production médicale de la binarité des sexes, éducation à l’hétérosexualité (avec Ovidie et Wendy Delorme), autant d’ateliers et de conférences à travers lesquels l’équipe du festival entend exposer l’hétérosexualité pour ce qu’elle est : un régime d’exploitation et une fiction politique. Pour en savoir plus, Les Inrocks ont discuté avec Juliet Drouar, Juliette (de l’émission de radio Gouinement Lundi) et Tamar, militantes féministes derrière ce festival ouvert à toutes et tous qui se tiendra du 24 septembre au 6 octobre.
Pourquoi vouloir sortir de l’hétérosexualité ?
Tamar - Avoir comme horizon de sortir de l’hétérosexualité est un projet féministe pour nous : on veut dire aux femmes que ça n’est pas leur destin de faire leur vie avec des hommes et pour les hommes, et qu’il y a des marges de manœuvre à gagner : en devenant lesbienne et en construisant une vie commune avec d’autres femmes mais aussi en faisant collectivement la critique de l’hétérosexualité pour montrer que ça n’a rien d’une évidence, et que dans la famille, l’organisation du travail ou la production des enfants, il y a des alternatives à inventer.
Certains ateliers ne s’adressent pas tant aux personnes LGBT mais plutôt aux femmes hétéros ?
Juliet Drouar - Il y a un réel intérêt pour les communautés LGBT, même si l’idée n’est pas d’adresser ces communautés en tant que minorités mais en tant que propositions politiques : sortir de l’hétérosexualité c’est autre chose que faire un coming out. On veut évacuer la notion de honte pour ré-insuffler la politique qu’il y a dans ces sorties, résistances et dissidences. C’est important pour nous de ne pas parler d’orientation sexuelle mais plutôt de rendre visible les contraintes spécifiques à un système hétérosexuel englobant.
Tamar - On a voulu que ça puisse être approprié par des personnes aux trajectoires sociales de classe, de race ou de genre différentes. On s’adresse aux femmes hétéros pour qu’elles puissent développer une critique de l’hétérosexualité qui a été longtemps faite par des lesbiennes dans le mouvement féministe, mais on estime que c’est aussi important pour elles de parler d’hétérosexualité, d’échanger sur des expériences, développer des outils et des stratégies au sein du couple hétéro. On ne fait pas d’opposition entre une réforme de l’hétérosexualité et des perspectives plus radicales qui peuvent être celles du lesbianisme voire du séparatisme : il n’y a pas d’un côté des femmes libérées qui flottent dans un hyperespace lesbien autonome – puisque les lesbiennes aussi doivent gérer l’hétérosexualité tous les jours au travail ou les transports – et de l’autre des femmes complètement aliénées dans le couple hétéro. Le festival veut articuler ces deux positions pour les faire dialoguer.
La dimension matérielle et économique y occupe une place importante…
Tamar - C’est important de mettre en avant qu’il y a une base économique à l’hétérosexualité, montrer que ça s’enracine dans des formes d’organisation de la vie, comment le désir est construit dans des échanges économiques – sujet abordé dans la conférence de Morgane Merteuil sur le travail du sexe.
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