La motion de condamnation du mouvement BDS votée au Parlement est une attaque contre la base électorale du Parti Libéral du Canada.
Ray Y. Adamson
ENTRE L'AMOUR ET LE DEVOIR
Le gouvernement de Justin Trudeau s'est mis dans une situation assez embarrassante le 22 février 2016: il a réussi à soutenir un allié étranger (Israël) tout en condamnant ses alliés domestiques : une partie sa base électorale. Il est d'autant plus gênant que la loi était proposée par ses ennemis politiques : les conservateurs de Stephen "Hey Jude" Harper. Présent au vote[i] pour lever sa main vers Jérusalem, ce dernier a pleinement savouré le moment. Jouissance décuplée pour les conservateurs car le Ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion avait violemment protesté contre le projet de loi. Dion a brillé par son absence lundi et n'a donc pas voté contre. Sa femme la dominatrice Janine Krieber n'aurait peut-être pas apprécié, son grand-père ayant séjourné à Dachau. À part un peu de division chez les Libéraux, le vote était quand-même écrasant avec 229 pour et 51 contre la motion de condamnation. Anthony Housefather est apparemment sorti tout sourire de la Chambre des communes, parlant aux journalistes de son expérience de « juif québécois » en faculté de droit à McGill, fier de condamner la liberté d'expression seulement quand elle affecte Israël.
PRESSIONS ISRAELITES
Le mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) canadien fait peur aux sionistes car il affaiblit Israël économiquement. Priver les compagnies qui financent l'entité sioniste est tellement efficace que le 21 janvier 2015 les communautés juives gravitant autour du Parti Conservateur ont forcé John Baird, prédécesseur de Dion aux Affaires étrangères, à signer une entente avec Israël promouvant les échanges commerciaux et condamnant le mouvement BDS (voir notre article Le protocole des sages du Canada et la criminalisation du mouvement BDS). Baird démissionnait deux semaines plus tard, et une fois au pouvoir Dion a discrètement retiré le « Protocole » du site web des Affaires étrangères. Sous la pression politique écrasante, le document a été remis en ligne autour du 18 février dernier[ii] un porte-parole de Dion blâmant un « bogue internet routinier » pour la disparition de l'entente.
BASE ÉLECTORALE LIBÉRALE
Ce vote - et sa proposition habile par les Conservateurs - est une attaque en règle contre les électeurs libéraux qui se trouvent dans un (ou souvent plusieurs) des groupes suivants: vivant au Québec ou en Ontario, jeunes, de gauche, idéalistes et issus de l'immigration. On peut grouper la base électorale libérale lésée en trois parties : les gauchistes fédéralistes citadins du Québec, les immigrants et finalement les étudiants.
1- L'injustice du régime israélien frappe l'imaginaire des canadiens francophones, généralement dotés de valeurs chrétiennes comme la compassion, la renonciation à la violence, le pardon, l'amour et al. Les Québécois sont donc naturellement ouverts d'esprit aux messages véhiculés par la campagne BDS. Le mouvement BDS canadien a sévèrement attaqué les Conservateurs aux dernières élections fédérales, tirant les électeurs vers les libéraux. Une campagne d'affichage dérangeante visait spécifiquement le parti de Harper durant la campagne électorale menant au vote du 19 octobre 2015. Sans le vouloir, les partisans de BDS-Québec ont été les alliés objectifs du Parti Libéral, je le sais pour l'avoir observé, ayant moi-même modestement participé.
2- C'est une évidence que les immigrants d'origine arabe sont critiques des politiques israéliennes. Ceux-ci se chiffraient à 750,925 (en 2011) selon Statistiques Canada, dont environ 250,000 vivent dans la grande région de Montréal, et 160,000 à Toronto[iii]. Avec au moins 250,000 nouveaux immigrants par année composé au minimum 12% d'origine arabe selon l'Institut Canado-Arabe - les Libéraux attaquent les communautés dites multiculturelles qui ont contribué à ses (souvent faibles) majorités aux dernières élections. C'est sans compter les 25,000 réfugiés syriens ayant droit de vote dans trois ans juste avant les prochaines élections!
3- Finalement, les étudiants sont rarement partisans de la droite conservatrice. Ils ont tendance à voter à gauche, et du coté fédéraliste ça veut dire (historiquement) Libéral. Dans les hauts-lieux du savoir, de la pensée critique et du débat, les étudiants savent que leur liberté de conscience est maintenant officiellement attaquée par l'État.
VOTE INVERSE, PRO-BDS À L'UNIVERSITÉ MCGILL
Le hasard fait bien les choses: le jour du vote au Parlement condamnant les groupes BDS, l'Association des étudiants de McGill a voté pour boycotter Israël! Ça veut dire que le humus de Sabra, une marque qui appartient à PepsiCo et la société israélienne Groupe Strauss, ne sera plus être mis en vente sur le campus. Avec cette décision, les étudiants de McGill estiment faire preuve de solidarité avec les gens qui se font opprimer et humilier quotidiennement en Palestine.
L'année dernière, lors de la présentation d'une motion similaire à McGill, Justin Trudeau avait communiqué le message suivant par l'entremise de son compte Twitter [iv] Le mouvement BDS, comme la semaine de l'apartheid israélien, n'a pas de place sur les campus canadiens. En tant qu'ancien de McGill, je suis déçu. Assez c'est assez.
Suite au vote de son gouvernement, il a publié une image de lui en rose pour mousser l'évènement de la Fierté gaie à Toronto. J'attends toujours sa brûlante condamnation des étudiants de McGill, des jeunes qui ont sûrement voté pour lui aux dernières élections. Cependant, je doute que les condamnations officielles de Trudeau ou de la Chambre des communes puissent intimider ces étudiants, elles vont plutôt les décourager de la politique et les éloigner du Parti Libéral du Canada.
[i] Le vote No. 14 de la 1e session de la 42 législature, jour de séance No 22, le lundi 22 février 2016
[ii] sans accès au serveur du gouvernement je ne peux pas vérifier les dates exactes du retrait et rétablissement
[iii] statistiques tirées de Statistiques Canada, Recensement 2011, et du 2011 National Household Survey
[iv]« The BDS movement, like Israeli Apartheid Week, has no place on Canadian campuses. As a @McGillU alum, I’m disappointed. #EnoughIsEnough»
Commentaires
Et oui, c'est cela la langue française, la nuance à travers les mots
Merci
Ce mouvement est tenu par les Sionistes. Tout mouvement pro-palestinien médiatisé est tenu par les Sionistes.
Ce mouvement joue donc le jeu du méchant sado pour mettre Israël (maso) dans la position de la victime (dont il a tant besoin).
Là n'est pas la question de savoir qui n'est pas gangrené par le sionisme. Souhaiter qu'ils dégagent du pouvoir n'a rien d'irréaliste c'est un souhait. Ce qui peut être irréaliste c'est de le faire. Les souhaits ne se concrétisent pas toujours.
Nommes-moi un pays en occident qui, actuellement n'est pas pas gangrené par le sionisme.
Ce qui peut être irréaliste c'est de réussir à les dégager du pouvoir tellement ils sont bien organisés en réseaux. Par contre je ne vois pas pourquoi c'est irréaliste de vouloir les dégager.
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