vendredi, 12 decembre 2014 01:49

Pétrole et arrogance

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Ray Y. Adamson

 

Avec une pointe d'insolence, le ministre du pétrole de l'Arabie saoudite a demandé : « Pourquoi devrais-je réduire la production? Ceci est un marché et je vends sur un marché. Pourquoi devrais-je couper ? » - Ali Al-Naimi répondait ainsi aux questions des journalistes à Lima, où se déroulaient des discussions sur le climat de l’ONU[i]. Ces mots ont été prononcés alors que le prix du baril de pétrole frôlait les 65$ - et le ministre reconnaissait que la demande mondiale était à son plus bas depuis 2003. Deux jours plus tard, le prix du baril périclitait sous les soixante dollars :

 

 
Les prix de l'énergie mercredi le 11 décembre 2014[ii]


FAIRE SOUFFRIR LES ÉTATS-UNIS ?

Aux États-Unis, le prix moyen du pétrole issu du fractionnement hydraulique est estimé à $73 le baril [iii]. Cette moyenne tient compte des « gisements » les plus importants du pays. Bien sûr, une moyenne implique que certains sont plus hauts et d'autres plus bas, tel que démontré ci-dessous :

Coûts de production du baril de pétrole par fractionnement hydraulique « fracking »


À 59$ le baril, seulement deux projets sont rentables et si la baisse des prix continue c'est la catastrophe pour toutes les compagnies pétrolières étasuniennes. Et dire que certains analystes prétendent que la chute des prix du pétrole est un complot des Arabes (qui sont pourtant à la solde des États-Unis) destiné à priver la Russie de capitaux ! [iv]


FAIRE SOUFFRIR LA RUSSIE ?

Cette théorie éclate lorsqu'on examine le prix de production par pays :


 

Coûts du prix du baril par pays[v]


Même à 50$ le baril la Russie fait des profits. Par contre, si le prix du baril poursuit sa chute jusqu’à 40$, à ce moment-là le pétrole russe serait produit à perte. C'est une réelle possibilité, d'après un responsable iranien - si l’OPEP devait se décomposer [vi]. Mais ce n'est pas chose faite et aujourd'hui les vrais perdants sont le Canada, producteur de pétrole par l'intermédiaire des sables bitumineux, l'industrie du « fracking » étasunienne, le Brésil, le Mexique, plusieurs pays hors OPEP, la Norvège et le Kazakhstan. La Chine est un consommateur net alors globalement elle tire avantage de la situation. La Russie et les pays de l'OPEP font des profits.

Admettons toutefois que le scénario évoqué par l'Iran se réalise (démembrement de l'OPEP et baril à 40$) : étant donné que le prix de production est sous les 30$ le baril en Arabie Saoudite, dans les faits c’est l’ensemble des autres pays producteurs qui vont souffrir. Voilà pourquoi le ministre saoudien a l'arrogance de maintenir son niveau de production ; c'est pour conserver sa part du marché - et même l'accroître dans un contexte d'arrêt de production chez les compétiteurs qui refuseront de produire à perte.

C'est bien possible qu'il y ait des jeux politiques en coulisses. Ça prend parfois trop de temps à notre goût...mais la vérité se révèle toujours. Entre-temps, votre serviteur voit plutôt une stratégie corporative qui permet à un protagoniste sûr de lui-même de jouer ses cartes pour ensuite rafler la mise.



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