16.01.2016 - Les Pays-d’en-Haut, avez-vous dit ?

Note du Bonnet : à l'intention de l'auteur, il nous étonnerait que Dolan l'indolent ne consacre une de ses "œuvres" à la défense de ce bon peuple des régions sur lequel il n'hésite pas à cracher son fiel dès lors que son travail d'avant-garde est incompris par ces manants ...

Qui plus est, un film à la gloire de l'âme profonde catholique du Canada français figurerait-il en tête d'affiche dans la très judéo-protestante et libérale-libertaire Hollywood ?

Après le western-spaghetti et le western-«sci-fi», le western-poutine?

Deux œuvres qui évoquent notre passé arrivent sur les écrans ces jours-ci. La première, sur le petit écran, est une télésérie québécoise, une œuvre qui fait écho à une vision rabougrie de notre histoire et suggère qu’un pan important de notre aventure collective se trouve dans un ensemble de petites intrigues paroissiales ayant pour toile de fond le développement de quelques villages au nord de Montréal. L’autre, une grosse production hollywoodienne nous propose une anecdote parmi d’autres de la grande épopée états-unienne de la conquête de l’Ouest en masquant le fait, comme d’habitude, qu’elle est surtout la nôtre. Deux œuvres, deux miroirs déformants qui travestissent notre histoire véritable et nous renvoient à une petitesse, voire une insignifiance historique qui n’est justement pas la nôtre.

Vous aurez d’abord reconnu la télésérie Les pays d’en haut, nouvelle mouture télévisuelle qui prend racine dans un roman, Un homme et son péché, de Claude-Henri Grignon. Je n’ai rien à redire sur l’œuvre elle-même, mais beaucoup sur ce que d’autres en disent et ce qu’on a voulu en faire. J’entendais des commentateurs à la radio parler du propos de cette œuvre comme l’équivalent québécois de ce qu’a été la conquête de l’Ouest pour les États-uniens. J’étais estomaqué. Allons donc ! La grosse affaire ! Un curé de campagne qui ouvre des nouvelles terres à l’agriculture au nord de la vallée du Saint-Laurent. Veut-on vraiment convaincre une nouvelle génération de Québécois que c’est là notre grande épopée ? Une conquête héroïque du Nord… en banlieue de Montréal ? Sont-ce vraiment ces petites histoires qui ont inspiré à Félix-Antoine Savard ce commentaire sur les hauts faits des « Canayens » ? : « Jamais peuple n’a nommé dans sa langue tant de terres ni tant d’eaux. »

Oui, notre grande aventure s’est déroulée dans les Pays-d’en-Haut, les vrais, pas ceux de notre télé amnésique et réductrice, pas les quelques villages passés Saint-Jérôme, mais les Pays-d’en-Haut que vous pouvez voir sur d’anciennes cartes du continent. Ces Pays-d’en-Haut, en fait, couvraient une grande partie de l’Amérique du Nord. Ce sont les « pays » en haut (en amont) du fleuve et des Grands Lacs. Notre grande aventure est celle des explorateurs, coureurs de bois et « voyageurs » canadiens-français qui ont affronté tous les dangers dans ces contrées encore inconnues des autres blancs. Ils ont exploré, défriché, commercé aussi loin que ce qui est aujourd’hui l’Oregon, le Yukon ou le Nouveau-Mexique, généralement en toute amitié avec les Premières Nations. Des noms de villes, de rivières et même des noms de famille, notamment amérindiens, en témoignent encore aujourd’hui.

Cela m’amène à l’autre nouveauté, la grande production hollywoodienne Le revenant. Une œuvre du cinéaste Alejandro González Iñárritu. On y suit les péripéties d’un héros états-unien évoluant dans l’environnement jadis hostile de l’Ouest américain. Un film où on voit quand même la pointe de l’iceberg ; quelques trappeurs canadiens-français y font de la figuration. L’histoire bien que romancée est véridique, c’est celle du trappeur Hugh Glass. Cette histoire comme tous les westerns made in Hollywood est une brique de plus dans l’édification de la mythologie américaine, laquelle magnifie quelques figures, toujours anglo-américaines blanches, en passant toujours sous silence, entre autres, que l’appropriation de ce qu’on appelle le « Far West » ou « Pays-d’en-Haut » a plus que tout été d’abord l’affaire des « Canayens », bien au-delà de l’étendue déjà immense de ce que fut la Nouvelle-France et bien après sa chute.

 

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