01.09.2015 - La charia au Canada : une menace pour les musulmanes ?

Au nom du multiculturalisme et de la liberté religieuse, le Canada pourrait devenir le premier pays occidental à entériner officiellement l’instauration de tribunaux islamiques sur son territoire. Une éventualité qui met le feu aux poudres.

« Je ne veux même pas en discuter : la charia pour moi, c’est non, tranche Leila, une musulmane d’origine marocaine de 33 ans installée depuis six ans au Québec. J’ai émigré au Canada pour ne plus être soumise à cette putain de loi islamique complètement archaïque. Que des intégristes tentent de l’imposer ici relève du cauchemar. Je ne peux pas croire que le Canada accédera à leur demande. »

C’est viscéral : la perspective que l’Ontario puisse donner bientôt sa bénédiction officielle à l’instauration de tribunaux islamiques en droit familial basés ouvertement sur la charia atteint Leila en plein cœur. Et déchire les quelque 600 000 membres de la communauté musulmane au pays.

Le Canada tout entier est en état de choc : pour un non-musulman, la charia évoque souvent, bulletins de nouvelles obligent, des visions de lapidation, de mort. De dureté envers les femmes : un mari peut répudier spontanément son épouse sans autre forme de procès, une mère peut perdre automatiquement la garde de ses enfants au profit du père (à 7 ans pour un garçon, 9 ans pour une fille), les fils reçoivent davantage en héritage que les filles, etc. De quoi heurter de plein fouet nos certitudes égalitaires !

Au nom du multiculturalisme et du droit à la liberté de pratique religieuse, le Canada doit-il ouvrir la porte à la charia ? Question d’autant plus centrale que les tenants de l’implantation de ces tribunaux espèrent les voir un jour prochain instaurés d’un océan à l’autre. Y compris au Québec.

Soyons bien clairs. Même si on l’ignorait pour ainsi dire tous, l’arbitrage familial basé sur la charia se pratique en Ontario depuis longtemps. Et tout à fait légalement, en vertu de la Loi sur l’arbitrage (Arbitration Act). Sauf que jusqu’à récemment, ces arbitrages se déroulaient sans bruit, à l’ombre des mosquées. Mais voilà, à l’automne 2003, coup de théâtre : un groupe de musulmans inaugure un Institut islamique de justice civile en Ontario. Et dépose une demande en bonne et due forme auprès du gouvernement ontarien pour instaurer, sous l’égide de cet institut, des tribunaux d’arbitrage islamiques. Les tribunaux opéreraient non plus en douce, mais de manière officielle et structurée.

Loi canonique de l’islam, la charia contient les prescriptions relatives à presque tous les aspects de la vie humaine (religieux, politique, social et privé). Son but est double : organiser la vie pour qu’elle soit la plus vertueuse et utile possible, et préparer les musulmans à leur salut. La charia est basée à la fois sur le Coran, la tradition, les déductions des théologiens-juristes — pour ce qui n’était pas traité du temps de Mahomet — et le consensus établi au sein de la communauté. Selon le pays, elle s’applique intégralement ou partiellement.

« Notre communauté a grandi très vite, explique l’imam Salam Elmenyawi, président du Conseil des musulmans de Montréal et chaud partisan du projet. Actuellement, au Canada, près de deux musulmans sur trois habitent en Ontario. Le temps est venu de s’organiser sérieusement. »

« Les juifs ont leurs tribunaux d’arbitrage rabbiniques depuis longtemps. Au nom de quoi n’aurions-nous pas les nôtres ? » répète aux médias l’avocat torontois Syed Mumtaz Ali, président de la Société canadienne des musulmans et leader du mouvement pour la mise en place de tribunaux, prompt à brandir le spectre de l’islamophobie. Syed Mumtaz Ali « pousse » son idée depuis longtemps. Dans une entrevue accordée au Toronto Star, en 1991, il déclarait : « Les Canadiens musulmans devraient avoir leurs propres tribunaux d’arbitrage afin de pouvoir se gouverner selon la loi de l’islam sur des questions comme le mariage et le divorce. » La reconnaissance des tribunaux islamiques ne ferait qu’accroître la richesse culturelle du Canada, concluait alors la Société canadienne des musulmans dans un rapport de 160 pages.

La Loi sur l’arbitrage de l’Ontario, instituée en 1991, permet aux personnes qui le souhaitent de régler des différends hors des cours de droit civil. Conçue d’abord pour des litiges commerciaux, on y a vite eu recours pour régler, aussi, des questions de droit familial (puisque rien ne l’interdit dans la Loi). « En vertu de cette loi, un arbitre peut mettre de côté les règles normales en droit de la famille et utiliser une version fondamentaliste du catholicisme, de la charia, bref, toutes règles ou valeurs sur lesquelles les parties se seront entendues », explique Andrée Côté, de l’Association nationale des femmes et du droit.

La revendication ravit les uns. Et horrifie les autres. Bref, elle met le feu aux poudres ! Une onde de choc si puissante qu’en juin dernier, le ministre de la Justice de l’Ontario commandait à Marion Boyd, ancienne procureure générale et ex- ministre de la Condition féminine de la province, d’évaluer si la Loi sur l’arbitrage pouvait être discriminatoire envers certains groupes vulnérables, dont les femmes. Le rapport, attendu au moment de mettre sous presse, aidera à décider si cette loi doit ou non être modifiée. Le quotidien Libération, en France, le Washington Post, aux États-Unis : partout, l’affaire est suivie de près par les médias. Le Canada pourrait donc devenir le premier pays occidental à entériner officiellement l’instauration de tribunaux islamiques sur son territoire, évalue Pascale Fournier, doctorante en droit à l’Université Harvard et spécialiste de la question de l’intégration des femmes musulmanes dans les sociétés occidentales. « Les yeux du monde sont tournés vers nous. »

La religion d’un côté, l’État de l’autre

Le Conseil canadien des femmes musulmanes, qui représente près de 1 000 membres, a déjà tranché : la Loi sur l’arbitrage ontarienne doit se limiter au secteur commercial et exclure explicitement tous les tribunaux religieux, quels qu’ils soient. La religion est une affaire privée. L’État et l’Église doivent demeurer séparés. Point final.

« Laisser l’islam se développer en marge du système de justice canadien serait de la folie pure », décrète, outrée, Homa Harjomand, Torontoise d’origine iranienne à la tête d’une pétition internationale pour dénoncer le projet de tribunaux. « L’esprit de la loi musulmane est clair : la charia place les femmes sous tutelle. »

 

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Commentaires   

 
0 #2 EL V 29-11-2016 16:20
Heu ! C'est du "réchauffé" cette "info" de 2004 !
Aucune suite n'a été donnée à cette proposition au Canada
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0 #1 Hermil LeBel 07-09-2015 12:55
Nous avons déjà la Sharia féministe en vigueur dans tout le Canada et particulièremen t au Québec où il est possible pour une femme d'expulser son conjoint, le faire séjourner en prison sur la seule base d'une parole qui ne sera jamais enquêtée s'accaparer tous ses biens y compris sa maison et son salaire. Il faut sans délai mettre un terme à cette hypocrisie qui nous est livrée sous le couvert de l'égalité !
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