07.04.2015 - Les évidences impopulaires de l’économie : le marché du travail

Quel modèle du marché du travail utiliser pour bien le comprendre ?

Par Hadrien Gournay.

Parmi tous les sujets où le public adopte une conception erronée des processus économiques, le fonctionnement du marché du travail est probablement celui qui oriente le plus d’enjeux contemporains. Il intervient de la manière la plus évidente dans la compréhension des problèmes posés par la remise en cause possible des 35 heures ou pour juger de la pertinence de l’allègement des heures supplémentaires et du slogan « travailler plus pour gagner plus ». Ces débats politiques voire politiciens récents ne sont pourtant que la partie immergée de l’iceberg. De manière moins visible, une bonne intelligence des mécanismes économiques à l’œuvre sur le marché du travail est indispensable pour appréhender les enjeux de questions aussi diverses que la mondialisation, la réforme des retraites, la désindustrialisation ou les effets de l’innovation technologique sur l’emploi. Aussi, lors de débats télévisuels ou radiophoniques des intervenants de plus en plus nombreux rappellent que « le travail n’est pas un gâteau à partager » mais la vivacité des échanges, la nature des débats ou le format des émissions ne permettent guère d’approfondir la démonstration ni au public de saisir la portée générale de l’erreur qu’il adopte sans en avoir toujours conscience. Le temps de réflexion que télévision et radio n’autorisent pas, l’écrit et internet le permettent. Tentons de combler une lacune.

 

Distinguons la conception populaire statique du marché du travail du modèle dynamique préféré par les économistes avant de montrer en quoi celle-ci est supérieure.

 


Conception populaire statique contre modèle dynamique des économistes

La conception populaire a pour elle l’apparence de la logique et du bon sens. Les principes qui la gouvernent peuvent être résumés ainsi : le chômage étant défini comme la différence entre la population active employée et la population active totale, les variations ayant lieu sur ces deux fronts expliquent les évolutions de la situation de l’emploi.
Si la population active augmente pour différentes raisons, parce que de nombreux jeunes se présentent sur le marché du travail, que des femmes, plus nombreuses que naguère souhaitent s’épanouir professionnellement, que l’âge de la retraite est repoussé ou que de nombreux immigrés entrent dans notre pays, le chômage sera accru du même nombre de personnes. À l’inverse, une diminution de la population active, qui peut se produire lorsque l’effectif des générations prenant leur retraite est plus important que celui des catégories, jeunes ou immigrés, qui entrent sur le marché du travail, le nombre de chômeurs est réduit d’autant en tendance.
Dans les deux cas, le nombre d’emplois est supposé indépendant de la taille de la population active.

Notons ici que certains partis n’ont pas une vision particulièrement cohérente de mécanismes dont ils défendent la réalité lorsque leur prise en compte justifie des mesures en accord avec leur sensibilité politique générale, mécanismes qu’ils rejettent lorsque cela impliquerait de s’en éloigner. Beaucoup à gauche et même au-delà sont scandalisés par le discours du Front National qui, pour réduire le chômage, propose de mettre fin à l’immigration ou d’inciter les femmes à retourner au foyer, mais les mêmes estiment que retarder l’âge de départ à la retraite sera synonyme de chômage pour les jeunes.

 

Dans ce cadre, la hausse du chômage est également associée aux destructions d’emplois liées aux gains de productivité ou à la mondialisation dans les pays pour lesquels les importations excédent les exportations. Ces conséquences sont à la fois une diminution de l’emploi total et une hausse équivalente du chômage, toutes choses égales par ailleurs, mais aussi en tendance. La précision est importante car la première conséquence pourrait apparaitre sans la seconde si ces destructions s’inséraient dans des fluctuations d’emplois globalement équilibrées au lieu de s’y ajouter. Dans le cas de la mondialisation les exportations pourront parfois compenser les importations sur le front de l’emploi mais ce ne sera pas toujours le cas. Alors que les mécanismes économiques semblent tendre spontanément à l’accroissement du chômage, seules les interventions publiques paraissent favorables à l’emploi. Les plus simples consistent à enrayer les rouages du développement du chômage décrits plus haut mais d’autres possibilités s’offrent au politique. La limitation du temps de travail, conçue pour partager la quantité de travail totale entre un plus grand nombre de personnes, ou la création d’emplois aidés, subventionnés par la puissance publique, sont tout aussi bénéfiques.

 

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