15.07.2018 - Révolution inachevée en Arménie

Les cloches de la victoire retentissent dans les rues d’Erevan après la destitution du désormais ex-Premier ministre, Serge Sarkissian. Ding-dong, la méchante sorcière est morte ! Le spectre du totalitarisme et de la corruption débridée épuisant le peuple arménien déjà démuni n’est plus. Voilà le récit auquel on voudrait nous faire croire, aussi bien à l’intérieur du pays que sur la scène internationale.

 

Désobéissance civile de masse et ascension de Nikol Pachinian

 

Certes, la mobilisation populaire dirigée par Nikol Pachinian, chevalier blanc de la « révolution de velours d’amour et de réconciliation » en Arménie, a été remarquable. Le mécontentement diffus dans de larges pans d’une population arménienne désenchantée a conduit à des manifestations de désobéissance civile de masse à travers l’ensemble du pays. Des dizaines de milliers de personnes ont envahi les centres-villes pour protester contre les inégalités économiques, le népotisme et la corruption flagrante caractérisant la mainmise immuable du Parti républicain sur cette petite république postsoviétique enclavée qui compte près de 3 millions d’habitants. La tentative éhontée de Sarkissian de se maintenir au pouvoir au-delà des limites de son mandat présidentiel par un référendum constitutionnel douteux, après près de dix ans au pouvoir, a été la goutte de trop pour des Arméniens déjà fatigués par des années de malversations d’une classe dirigeante oligarchique accrochée à ses privilèges. Après plusieurs semaines de manifestations, de routes bloquées, de grèves, Serge Sarkissian a finalement cédé aux revendications populaires et démissionné le 23 avril 2018. Nikol Pachinian a été élu le 8 mai, devenant ainsi le seizième Premier ministre de l’Arménie.

 

Si les déclarations de Pachinian sur la nécessité de mettre en place des réformes démocratiques […] paraissent nobles en théorie, elles ne s’attaquent pas aux véritables racines des souffrances de l’Arménie : le capitalisme dérégulé.

 

Le discours dominant sur la révolution pacifique en Arménie, comme pour de nombreuses révoltes civiles qui ont secoué l’ancien bloc de l’Est, est d’affirmer que la corruption systémique, l’autoritarisme et le manque de transparence des affaires publiques sont à l’origine des maux qui accablent l’Arménie. Si seulement cette dernière adoptait une démocratie « libérale » à l’occidentale, dotée d’institutions efficaces et transparentes et d’élections libres et régulières, elle serait depuis longtemps déjà sur le chemin du développement économique et de la prospérité.

 

Définir le dynamique mouvement anti-gouvernement porté par des gens ordinaires simplement comme une revendication de démocratie s’encadre bien dans le paradigme néolibéral selon lequel « liberté », dans les domaines social et politique, rime avec fondamentalisme de l’économie de marché. Si les déclarations intrépides de Pachinian sur la nécessité de mettre en place des réformes démocratiques, d’extirper la corruption et de défaire les monopoles des oligarques paraissent nobles en théorie, elles ne s’attaquent pas aux véritables racines des souffrances de l’Arménie : le capitalisme dérégulé.

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