Abdallah Haniyeh traîne sa carcasse massive entre les rayons d’une supérette de Gaza. Il tient une feuille manuscrite où il a consigné la vingtaine de produits importés qu’il voudrait proposer au gérant de l’enseigne. Shampooing, dentifrice, mouchoirs, produits détergents : ce lundi, le marchand n’écoulera rien. La machine à moudre le café bourdonne dans le vide. Pas un seul client dans la supérette. Il y a un an, Abdallah Haniyeh avait quatre employés. Aujourd’hui, il envisage de renvoyer le dernier. « La situation est catastrophique. Depuis quatre mois, je n’ai pas vendu un seul chargement. On a beaucoup de produits, mais pas un acheteur. » L’un de ses amis commerçants a cédé son affaire pour rembourser des crédits bancaires. Au moins a-t-il échappé à la prison.
La bande de Gaza ne s’effrite pas, elle s’effondre. Secteur après secteur, famille après famille, entraînés vers le fond. Les observateurs en sont persuadés : déjà accablé par trois guerres et le double blocus égypto-israélien en vigueur depuis 2007, année de la prise du pouvoir par le Hamas, le territoire palestinien s’approche du fossé.
La dégradation s’accélère depuis la fin de l’année 2017 à un rythme qui alarme les responsables militaires israéliens. Tous les voyants sont au rouge. Gaza ressemble à une expérience inédite en laboratoire, dont la finalité semble être de mesurer la résilience de 2 millions de cobayes vivant sous une cloche hermétique.
La nouveauté du moment, la voici : l’argent a disparu. Avec un taux de chômage de 50 %, il a toujours brûlé les doigts. Mais, cette fois, l’embolie guette. La réconciliation impossible entre factions palestiniennes ennemies – le Fatah du président Mahmoud Abbas et le Hamas –, l’absence d’un véritable gouvernement à Gaza, la réduction de 30 % des salaires des fonctionnaires par l’Autorité palestinienne depuis mars 2017, le blocus, l’offensive de l’administration Trump contre l’Office de secours et de travaux...
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