21.02.2018 - Le gouvernement canadien espionne ses citoyens

Le ministre canadien de la Défense, Harjit Sajjan, a réitéré son soutien aux nouvelles capacités offensives de guerre cybernétique qui seront accordées au Centre de la sécurité des télécommunications (CST) – l'agence canadienne du renseignement sur les transmissions et partenaire étroit de la National Security Agency (NSA) américaine – dans le cadre du Projet de loi C-59 du gouvernement libéral.

Les libéraux font la promotion du Projet de loi C-59 en le présentant comme un correctif à la Loi C-51, une mesure draconienne que l'ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper avait adoptée en 2015 – avec l'appui des libéraux – sous prétexte de combattre le «terrorisme».

Les «réformes» prévues dans le Projet de loi C-59 laisseront intacts la plupart des pouvoirs étendus conférés aux agences de sécurité en vertu de la Loi C-51. Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), principal organisme de sécurité nationale du pays, conservera le pouvoir d'enfreindre pratiquement toute loi afin de «perturber» activement les menaces à la sécurité nationale. À certains égards, surtout en ce qui concerne la cyberguerre, le Projet de loi C-59 va encore plus loin que la Loi C-51.

Présentant le mois dernier ces nouveaux pouvoirs comme une simple «évolution de notre capacité à nous opposer à différentes menaces», Sajjan a déclaré que «nous nous réserverons toujours le droit de pouvoir défendre nos soldats, quel que soit le type de tactique utilisée contre eux».

La tentative de décrire les nouveaux pouvoirs cybernétiques du CST en termes «défensifs» est un mensonge éhonté. Pour la première fois dans l'histoire du CST, cet organisme très secret sera légalement autorisé à lancer des cyberattaques offensives contre des objectifs étrangers, qu'il s'agisse d'individus, d'organisations étatiques ou de présumés groupes terroristes considérés comme une menace pour la «sécurité nationale». Dans le passé, la fonction du CST se limitait – du moins officiellement – à la collecte de renseignements, à la défense des réseaux gouvernementaux et à soutenir le SCRS, la GRC et autres organismes canadiens de sécurité.

En vertu de la Loi C-51 et du Projet de loi C-59, le CST est également habilité à appuyer le SCRS dans l'exercice de ses pouvoirs de perturber les menaces internes à la sécurité nationale, y compris vraisemblablement par l'utilisation de tactiques de guerre cybernétique.

Des chercheurs du Citizen Lab de l'Université de Toronto et de la Clinique d'intérêt public et de politique d'Internet du Canada (CIPPIC) ont fait une analyse détaillée du Projet de loi C-59 qui met en lumière tout son caractère antidémocratique. Ils ont noté que les cyberattaques et les campagnes d'espionnage du CST ont «le potentiel d'interférer sérieusement avec les droits et libertés protégés par la Charte».

Selon le rapport: «De la diffusion massive de fausses informations au vol d'identité, en passant par la divulgation de documents étrangers dans le but d'influencer des résultats politiques et juridiques, la désactivation d'accès à des comptes ou réseaux, les attaques de déni de service à grande échelle et les interférences avec le réseau électrique, les possibilités d'activités envisagées dans le Projet de loi C-59 ne sont limitées que par l'imagination.»

Le Citizen Lab souligne également une «échappatoire» contenue dans la nouvelle Loi sur le CST qui permettrait à l'agence dans ses opérations à l'étranger de «causer la mort ou des lésions corporelles», et d'interférer avec le «cours de la justice ou de la démocratie».

Les nouveaux pouvoirs accordés aux organismes de renseignement en vertu du Projet de loi C-59 découlent de la reconnaissance par l'élite dirigeante que le contrôle du cyberespace est essentiel pour mener la guerre et réprimer l'opposition sociale au pays.

Depuis leur arrivée au pouvoir en 2015, les libéraux de Justin Trudeau ont accru la participation de l'impérialisme canadien à toutes les guerres et offensives stratégiques militaires de Washington, en déployant notamment des centaines de soldats en Europe de l'Est dans le cadre de l'encerclement agressif de la Russie et pour participer à des exercices militaires provocateurs contre la Chine dans la région Asie-Pacifique.

Depuis le début de la campagne hystérique menée par le Parti démocrate aux États-Unis autour d'allégations non fondées d'ingérence russe dans les élections américaines de 2016, les gouvernements du monde entier ont utilisé ce même prétexte pour augmenter les pouvoirs de leurs agences de renseignement. La ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland, un faucon antirusse, a dit en mars dernier que le Canada devait se préparer contre le piratage russe lors des prochaines élections fédérales canadiennes, même si le CST a déclaré en juin dernier qu'il n'avait jamais décelé la moindre tentative d'ingérence de la part d'une puissance étrangère dans une élection canadienne.

Participant au Forum sur la sécurité à Halifax en novembre dernier, le chef de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a encouragé tous les membres de l'Alliance à renforcer leurs protocoles de cybersécurité et à partager leurs «meilleures pratiques». Stoltenberg a accusé la Russie de mener une campagne de désinformation numérique contre les soldats canadiens déployés en Lettonie dans le cadre du renforcement militaire de l'OTAN contre la Russie en Europe de l'Est. Sans fournir de détails, il a déclaré que les médias sociaux diffusaient des histoires fausses ou trompeuses accusant les soldats canadiens de mauvaise conduite ou vivant aux dépens de la Lettonie.

Le gouvernement Trudeau et ses alliés de l'OTAN invoquent l'épouvantail russe pour mieux préparer leur propre agression.

Comme fait remarquer Christopher Parsons, chercheur au Citizen Lab de l'Université de Toronto, le nouveau mandat du CST «normalisera» les activités de piratage et de désinformation parrainées par l'État canadien – exactement ce que le Canada accuse régulièrement la Russie de faire.

Alors que les libéraux ont tenté de camoufler le Projet de loi C-59 avec la création d'un nouveau «comité de surveillance» pour superviser les activités du CST et du SCRS, les chercheurs du Citizen Lab soulignent que dans les faits, les cyberattaques se dérouleront «sans surveillance significative». Les opérations de cyberguerre nécessiteront en effet l'approbation du ministre de la Défense nationale et du ministre des Affaires étrangères, mais non celle du nouveau commissaire au renseignement indépendant, en plus de rester secrètes en permanence.

Armé de nouvelles capacités offensives, le CST s'intégrera encore plus aux Forces armées canadiennes (FAC) pour jouer un plus grand rôle dans la guerre impérialiste à l'étranger. La nouvelle politique de défense libérale rendue publique en juin dernier, qui annonçait une augmentation de 70 % des dépenses militaires au cours de la prochaine décennie, appelait à la création d'une nouvelle catégorie d'emploi de cyberopérateur pour «augmenter le nombre de militaires affectés à des fonctions de cyberguerre».

Le CST collabore depuis des années avec les Forces armées. En 2016, Ryan Foreman, porte-parole du CST, a admis que l'Agence aidait les FAC dans le cadre de l'opération Impact, nom donné à la mission canadienne de soutien de l'intervention militaire dirigée par les États-Unis au Moyen-Orient. Le CST a aussi joué un rôle clé pendant la guerre en Afghanistan, fournissant aux militaires canadiens la moitié des renseignements utilisés sur le champ de bataille pour suivre et surveiller les militants et chefs talibans.

Les activités du CST au pays sont, tout comme ses activités à l'étranger, en grande partie inconnues de la population, car les organismes de renseignement ont légalement le droit de protéger la «nature secrète» de leurs activités au nom de la sécurité nationale.

Les représentants du gouvernement cherchent depuis longtemps à dissimuler le fait que le CST espionne les Canadiens en affirmant que l'organisme ne se préoccupe que des «menaces étrangères», même s'il est officiellement mandaté pour appuyer le SCRS, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et d'autres services de police pour contrer la «subversion intérieure».

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