mardi, 16 aout 2016 20:07

André Tardieu - Les idées de 1789

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André Pierre Gabriel Amédée Tardieu, né le 22 septembre 1876 à Paris et mort le 15 septembre 1945 à Menton (Alpes-Maritimes), est un homme politique français.

Note du Bonnet : Ce qui suit est un extrait de son ouvrage de 1936 "La Révolution à Refaire". Ici Tardieu révèle l'idéologie profonde de 1789 et de la révolution française. Idéologie qui a finit par rejoindre le Québec (tant crainte par les catholiques de l'époque) fidèlement représentée par certains partis politiques comme Québec Solidaire par exemple.

 

Comment caractériser ce cadre? M. Taine y voyait l'alliance de l'esprit classique et de l'esprit scientifique. N'est-ce point une vue trop schématique et dont les racines plongent dans l'abstrait plus que dans le réel ? Je dirai plutôt, rejoignant les travaux de M. Ernest Seillière, que les idées de 1789 sont, d'abord et surtout, une explosion furieuse d'orgueil humain.

Le XVIII" siècle est le siècle de l'orgueil poussé jusqu'à la vanité. Il l'est dans ses penseurs, comme dans ses hommes d'action. Il date de lui-même les débuts de l'histoire humaine. Aucune autorité n'arrête son jugement. Un fou alcoolique, comme Marat, pourra écrire, sans être fouetté, qu'il croit avoir épuisé toutes les combinaisons de l'esprit humain sur la morale, la" philosophie et la politique. Un cuistre, comme Robespierre, étendra au peuple entier l'infaillibilité qu'il s'attribue. Et tous les autres seront pareils.

Leurs maîtres leur ont, en effet, enseigné qu'ils tiennent la clé des secrets du monde, parce qu'ils possèdent « la science ». Cette science, qui est générale, n'a rien à voir avec les sciences, qui sont spéciales. La science, à l'inverse des sciences, n'est pas expérimentale. Néanmoins, par analogie, elle prétend, comme les sciences, n'énoncer que des certitudes. En réalité, c'est une philosophie aussi apriorique que tout autre et qui procède dans l'absolu. On n'y rencontre point de savant qui ait enrichi de découverte les sciences positives. Mais on y rencontre Condillac en disposition de construire un nouvel entendement et Jean-Jacques occupé à : instituer la Pologne », qu'il ignore. La science est la base essentielle de l'orgueil du XVIIIe siècle.

Cet orgueil se flatte de ne raisonner que scientifiquement, en partant du réel et en formulant des lois. Il est entendu que tout ce que l'homme connaît, il le connaît par ses sens. 'Les sensations sont la seule substance de l'intelligence humaine, aussi bien que de l'intelligence animale. Les sensations sont la seule source, non seulement de nos idées, mais de nos facultés. Les préoccupations métaphysiques sont écartées. Les méthodes de la physique, de l'algèbre, des mathématiques sont applicables à toute matière, notamment à la matière politique et morale. Rousseau calculera mathématiquement la part de souveraineté qui revient à chacun. D'autres, par d'autres calculs, construiront les Droits de l'homme.

De là sort l'arrogante conclusion de Voltaire que tous les êtres, sans exception, sont soumis à des lois invariables. Les sociétés humaines obéiront à ces lois, comme y obéissent les nombres, les planètes, la chaleur. La science, ainsi conçue, va renouveler les conceptions de l'humanité. Une humanité nouvelle naîtra, qui sera l'humanité raisonnable. Les idées, qu'on professait jadis sur les origines et sur les fins de l'homme, seront transformées. Devant un tel spectacle, l'orgueil des découvreurs ne connaîtra pas de limite. Projetez cet orgueil dans le temps: vous tenez l'esprit de progrès" qui se confond avec l'esprit d'orgueil et qui, avec lui, possède l'époque. Ne dites pas que, comme l'idée de liberté, l'idée de progrès, a eu un berceau chrétien, le jour où l'évangile, au lieu de placer l'âge d'or au seuil de l'histoire humaine, y a placé le péché originel. Le progrès moderne est différent. li exprime, au lieu d'une aspiration morale, une constatation intellectuelle. Le christianisme, c'est le passé. Et le XVIIIe siècle, c'est l'avenir. Aujourd'hui meilleur qu'hier et demain meilleur qu'aujourd'hui, voilà la doctrine. C'est ce qu'on appellera, pour le dresser contre la tradition, l'esprit nouveau.

(...)

Sur ces bases, un premier devoir est conçu, qui, lui aussi, est devoir d'orgueil : détruire le passé, qui, avant l'avènement de la raison, s'est inséré entre l'homme naturel et la société moderne. C'est, d'après Condorcet, ;mettre une barrière éternelle entre le genre humain et les vieilles erreurs de son enfance; d'après Sieyès, se dégager des pré­ tendues vérités historiques, qui n'ont pas plus de valeur que les prétendues vérités religieuses; d'après Barère, recommencer l'histoire.

(...)

Dans cette bataille pour le progrès, le premier ennemi à briser sera celui en qui s'incarnent le maximum de tradition et le maximum d'autorité: la religion. Et, parmi les religions révélées, celle qui a porté au plus haut point l'autorité et la tradition : la religion catholique. C'est, déclare­ t-on, un tissu de tromperies. A quoi servirait-il d'ailleurs qu'il y eût des philosophes, s'il existait des vérités acquises une fois pour toutes? Buffon, qui s'était posé la question, y répondait que, l'es­prit humain n'ayant plus de bornes, la religion est le seul objet, à quoi il se puisse opposer.

Turgot demandait que la théorie du progrès fût substituée au dogme théocratique de Bossuet.

De toutes parts, monte le même cri de guerre contre l'Église et contre la religion. Écoutez Voltaire : « La domination des prêtres de la reli­gion chrétienne, qui osent faire parler Dieu et sont un composé de fanatisme et de fourberie, est le plus humiliant des despotismes. » Écou­tez Diderot: "Où l'on admet un Dieu, la morale est corrompue... Si un misanthrope s'était proposé de faire le malheur du genre humain, qu'aurait-il pu inventer de mieux que la croyance en un être incompréhensible?" Rousseau pense qu'il vaudrait mieux pour l'État que l'Église n'existât point et que rien n'est plus contraire à l'esprit social que le christianisme. Il: Le Pape, avait dit Montesquieu, n'est qu'une vieille idole que l'on encense par habitude. » Dès 1774, Condorcet, de­ vançant d'un siècle les apostrophes de M. Gambetta, écrivait à Turgot : Il: Le colosse est à terre. Il faut achever de l'écraser. » Ce n'est pas seulement de l'anticléricalisme et de l'anticathoIicisme; c'est, suivant le mot de Joseph de Maistre, la théophobie matérialiste d'hommes qui se sont juré de ne regarder que la terre.

Commentaires   

 
+1 #1 Mariam 18-08-2016 08:10
Au final, beaucoup d'ignorance chez ces prétendues "Lumières"... Des êtres qui ont fini limités et prisonniers de leur "science", science qui n'a pas réponse à tout... Et qui ne laisse que l'âme vide et égarée, plus facilement en proie à certaines angoisses sur le sens de l’existence, le sens de la souffrance, etc.

Le regard qu'ils portent sur la religion (spécialement, la manière dont les gens la pratiquaient ), me fait penser, en partie, au regard que peut porter un enfant sur l'amour qu'il y a entre ses deux parents ( ou la manière que ceux-ci peuvent se le démontrer)... et encore celui-ci à beaucoup plus de finesse dans son esprit puisqu'il est plus exempt ( je ne dis pas totalement) de préjugés qu'un adulte.

Pensons, par exemple, au moment de l'Adoration Eucharistique où, pour tout Chrétien, dans la Foi à ce qui est invisible, l'on peut enfin s'en remettre À Dieu en personne et l'adorer dans sa Présence dans l'Ostie consacrée.
Du point de vue d'un Athée, ça peut sembler idiot de contempler un biscuit plat sans levain et surtout de s'agenouiller devant lui et de se plonger dans l'Oraison d'Adoration. Tout comme pour un enfant, qui ne comprend pas la manière dont ses parents vivent leur amour, peut grimacer quand ils voient ceux-ci s'embrasser (même bien chastement, bouche close) ou échanger des caresses.

Ces "lumières" manquaient franchement de maturité au niveau spirituel et aussi émotionnelle. C'est, hélas!, difficile de comprendre (et surtout d'accepter au niveau du cœur ...pas seulement dans l'intellect) que la Vérité entière peut nous échapper... ne pas nous appartenir. Ça demande beaucoup d'humilité. L'humilité s'acquiert lorsque l'esprit accepte et fait la paix avec l'idée de plus grand que lui... MAIS quand l'Ego devient un Baal... dur et douloureux de faire passer le message.
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