Le seul concept de la beauté masculine qui, sans qu’elles puissent davantage qu’aucun autre l’avoir créé elles-mêmes doit cependant aux femmes sa consistance comme la précision des images qui s’y rattachent est celui de l’“élégant”, du “chic”, du “fringuant”. Ce que ces mots désignent pour elles est sexuel. C’est le sexuel seul, jamais l’asexuel ou le transsexuel, chez l’homme, qui agit sur la femme, et non la beauté qu’elle demande qu’il lui donne, mais le désir. Ce n’est ni l’élément apollinien, ni donc par conséquent non plus l’élément dionysiaque qui la retient en lui, mais l’élément faunesque ; non l’homme précisément, mais le mâle7 ; et avant tout le symbole même de sa sexualité, à savoir le phallus. On s’est refusé à voir jusqu’à présent ce que le membre de l’homme représente psychologiquement pour la femme, comme toute jeune fille déjà, et à quel point l’image, sans souvent qu’elle en ait conscience, en domine toute sa vie. Je ne veux pas dire du tout que la femme trouverait l’organe masculin beau, ou même joli. Elle le ressent plutôt comme l’homme la tête de la méduse, comme l’oiseau le serpent : il l’hypnotise, l’ensorcelle et la fascine. Il représente pour elle la chose certaine, ce quelque chose pour quoi elle n’a pas de nom mais à quoi elle ne saurait échapper, en un mot son destin. C’est ce qui fait qu’elle craint tant de voir l’homme nu et, lorsqu’elle en a le désir, ne le lui laisse pas voir, car elle sent que cela signifierait sa perte. Le phallus est ce qui rend définitivement la femme ESCLAVE. C’est ainsi cette partie du corps de l’homme qui le dépare et fait qu’il est laid nu (ce qui est confirmé par les sculpteurs, qui la recouvrent d’une feuille d’acanthe ou de vigne), c’est cette partie qui excite et remue le plus profondément les femmes, et cela dans son état le plus désagréable à voir, en état d’érection. Et c’est bien là la preuve la plus incontestable que les femmes ne cherchent pas dans l’amour la beauté, mais bien tout autre chose..."
Source : Otto Weininger - Sexe et Caractère