jeudi, 20 novembre 2014 10:00

Francis Delaisi - La machine à faire des dollars

Evaluez cet article
(0 vote)

Francis Delaisi (de son vrai nom François-Almire Delaisi), né le 19 novembre 1873 à Bazougers et mort le 22 août 1947 à Paris, est un écrivain, journaliste, syndicaliste, militant pro-européen et économiste français.

"...Ily a 25 ans, les Etats-Unis étaient un pays sans capitaux : refuge d’émigrés fuyant les pays d’Europe orientale ou ils mouraient de faim et n’ayant d’autre fortune que leurs bras et leur audace. La plupart n’étaient pas établis dans le Nouveau Monde depuis deux générations, ils n’avaient pas eu le temps de s’enrichir. Les grosses fortunes dont on parlait, étaient dues à la chance (découverte d’un gisement d’or ou de pétrole), elles enchantaient les masses comme un gros lot gagne à la loterie.

Mais pour équiper les mines ou les chemins de fer, il fallait que le banquier Pierpont Morgan s’occupât de placer des titres à Londres, à Paris, à Amsterdam, Bruxelles ou Zurich. Si bien qu’en 1914, les Etats-Unis avaient envers l’Europe une dette de plus de $ 5 milliards.

Survient la guerre, et brusquement la situation est renversée. Les Américains deviennent les principaux fournisseurs des armées alliées, et à ce titre, ils réalisent de gros bénéfices. Ils sont payes, partie en or ($ 2 milliards), partie en titres américains qu’ils avaient places chez nous et qu’ils « rapatrient ».

 

Puis, en avril 1917, ils entrent eux-mêmes dans la « croisade » et il est décidé que chacun des « associés » payera les achats faits chez lui par ses partenaires.

De 1917 à 1919, la dette publique des Etats-Unis passe de $ 1 milliard à 26.

En 3 ans, le public américain qui, la veille encore, devait emprunter à l’étranger, souscrit sans désemparer $ 24 milliards de fonds d’Etat, dont 15,3 pour les dépenses du gouvernement et $9.714 millions pour le compte des Allies. On se demandait avec quel argent ?

Cependant la paix signée, il entreprend généreusement de réparer les ruines que la guerre a causées et de remettre en marche l’économie mondiale. De 1921 à 1929, il souscrit encore pour $ 17 milliards de titres dont $8 milliards ½ sont employés aux Etats-Unis et $ 9 milliards, comme nous l’avons vu, sont repartis largement sur tous les autres continents.

Si bien, qu’en 15 ans, ces pauvres émigrants, qui pour s’installer, avaient emprunte à l’Europe $ 5 milliards, se trouvaient maintenant créanciers de l’étranger pour $18 milliards, et je ne compte pas les $ 23 milliards qu’ils avaient employés sur place pour les besoins de leur gouvernement et de leurs entreprises.

Ce sommes sont tellement énormes ce revirement tellement brusque, qu’on en arrive à se demander si le monde, qui a cru à l’enrichissement (si subit) des Etats-Unis n’a pas été victime d’une illusion, et si nous ne sommes pas là en face d’un de ces « miracles du crédit » qui finissent souvent par de cruelles déceptions.

En fait, le krach américain de 1929 et la série de catastrophes qui ont atteint depuis lors tous les pays (à commencer par l’Amérique elle-même) montrent assez clairement que l’édifice n’était pas solide.

En ce moment où beaucoup de gens comptent encore sur le concours américain et espèrent voir se renouveler le miracle du redressement de l’Europe et du monde par l’or américain, il nous a paru nécessaire de montrer par quels moyens étranges fut finance ce redressement et pourquoi il a été suivi de la crise dont depuis dix ans le monde ne parvient pas à se dégager.

En fait, ce n’est pas seulement la faillite du système américain que nous allons décrire c’est celle de l’Economie Libérale toute entière.

Et cela nous fera mieux comprendre la nécessité ou nous sommes à reconstruire l’Europe, tout au moins selon des méthodes nouvelles..."

 Source : Francis Delaisi - La Révolution Européenne (1942)

Ajouter un Commentaire

Veuillez noter que votre commentaire n'apparaîtra qu'après avoir été validé par un administrateur du site. Attention : Cet espace est réservé à la mise en perspective des articles et vidéos du site. Ne seront donc acceptés que les commentaires argumentés et constructifs rédigés dans un français correct. Aucune forme de haine ou de violence ne sera tolérée.


Code de sécurité
Rafraîchir