Puis, en avril 1917, ils entrent eux-mêmes dans la « croisade » et il est décidé que chacun des « associés » payera les achats faits chez lui par ses partenaires.
De 1917 à 1919, la dette publique des Etats-Unis passe de $ 1 milliard à 26.
En 3 ans, le public américain qui, la veille encore, devait emprunter à l’étranger, souscrit sans désemparer $ 24 milliards de fonds d’Etat, dont 15,3 pour les dépenses du gouvernement et $9.714 millions pour le compte des Allies. On se demandait avec quel argent ?
Cependant la paix signée, il entreprend généreusement de réparer les ruines que la guerre a causées et de remettre en marche l’économie mondiale. De 1921 à 1929, il souscrit encore pour $ 17 milliards de titres dont $8 milliards ½ sont employés aux Etats-Unis et $ 9 milliards, comme nous l’avons vu, sont repartis largement sur tous les autres continents.
Si bien, qu’en 15 ans, ces pauvres émigrants, qui pour s’installer, avaient emprunte à l’Europe $ 5 milliards, se trouvaient maintenant créanciers de l’étranger pour $18 milliards, et je ne compte pas les $ 23 milliards qu’ils avaient employés sur place pour les besoins de leur gouvernement et de leurs entreprises.
Ce sommes sont tellement énormes ce revirement tellement brusque, qu’on en arrive à se demander si le monde, qui a cru à l’enrichissement (si subit) des Etats-Unis n’a pas été victime d’une illusion, et si nous ne sommes pas là en face d’un de ces « miracles du crédit » qui finissent souvent par de cruelles déceptions.
En fait, le krach américain de 1929 et la série de catastrophes qui ont atteint depuis lors tous les pays (à commencer par l’Amérique elle-même) montrent assez clairement que l’édifice n’était pas solide.
En ce moment où beaucoup de gens comptent encore sur le concours américain et espèrent voir se renouveler le miracle du redressement de l’Europe et du monde par l’or américain, il nous a paru nécessaire de montrer par quels moyens étranges fut finance ce redressement et pourquoi il a été suivi de la crise dont depuis dix ans le monde ne parvient pas à se dégager.
En fait, ce n’est pas seulement la faillite du système américain que nous allons décrire c’est celle de l’Economie Libérale toute entière.
Et cela nous fera mieux comprendre la nécessité ou nous sommes à reconstruire l’Europe, tout au moins selon des méthodes nouvelles..."
Source : Francis Delaisi - La Révolution Européenne (1942)