samedi, 29 octobre 2016 10:13

Lumière sur le monde secret des forces spéciales du Canada

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Traduction par William

2 octobre 2015 – par Yves Engler

La semaine dernière le ministre de la Défense, Jason Kenney déclarait que si réélu les conservateurs augmenteraient considérablement les forces spéciales du Canada. Kenney ajoutait qu'ils ajouteraient  665 membres  au Commandement des opérations spéciales des Forces armées canadiennes (COMFOSCAN) au cours des sept prochaines années.

Pourquoi? Que font ces «forces spéciales»? Qui décide quand et où les déployer? Dans quel but? Toutes ces questions sont restées sans réponse (les médias grand public ne s’en sont même pas souciés).

Ce que nous savons c’est que depuis le milieu des années 2000 les forces spéciales du Canada ont progressivement augmenté à  1,900 membres . En 2006 ,l'armée a lancé COMFOSCAN pour superviser la FOI2 (JTF2 en anglais), l'Escadron d' opérations spéciales aéroporté, l’Unité interarmées d' intervention du Canada et le Régiment d' opérations spéciales. A partir de cette année, les 750 membres du Régiment d' opérations spéciales reçoivent la même formation que les commandos du FOI2, l'unité la plus secrète et qualifiée des Forces armées canadiennes. Après avoir doublé ses effectifs, passant de 300 à 600 hommes, le FOI2doit quitter la région d’Ottawa pour une base de 400 acres près de Trenton, en Ontario, au  coût de $ 350  millions.

Bien que leurs opérations soient « entourées de secret " – s’est plaint en 2006 un comité sénatorial sur la sécurité nationale et la défense – des commandos FOI2 ont été déployés à plusieurs reprises depuis la création de l'unité en 1993.

Un certain nombre de médias ont rapporté que les forces spéciales canadiennes ont combattu en Libye en 2011 , en violation de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l' ONU, qui interdit explicitement « une occupation étrangère   de toute forme sur une partie quelconque du territoire libyen."

Le 29 Février 2004, des soldats de la FOI2 auraient «  sécurisé » l'aéroport à partir duquel le président élu Jean-Bertand Aristide d'Haïti a été exfiltré ( « kidnappé » dans ses mots) vers la République centrafricaine à bord d’un avion du Corps des Marines américains.

Après l'invasion US / Grande-Bretagne de 2003, des commandos FOI2 ont été aperçus aux côtés de leurs homologues britanniques et américains en Irak. Alors qu'Ottawa a refusé de  confirmer ou nier les  opérations de la FOI2, en Mars 2006  le Pentagone et le Foreign Office britannique «  ont mentionné le rôle de soutien  joué  par la FOI2 dans le sauvetage des militants pacifistes chrétiens britanniques et canadiens retenus en otages en Irak."

Dans son livre Nous étions invincibles, l’auteur Denis Morisset, ex-FOI2, décrit sa mission dans la jungle colombienne pour rescaper des travailleurs d’ONG et d’organisations religieuses « parce que les guérilleros des FARC menaçaient la paix dans la région ». Les soldats canadiens ignoraient qu’ils avaient récupéré le fils d’un leader colombien, ce qui incita les FARC à leur donner la chasse pendant quelques jours . À deux reprises les forces canadiennes furent exposées au feu de la guérilla des FARC. Deux soldats canadiens furent blessés par balle et l’un deux quitta l’armée immédiatement après l'opération avec le syndrome de stress post-traumatique. En fin de compte, les Canadiens ont été sauvés par des hélicoptères américains, comme la mission FOI2 faisait partie d'une initiative américaine.

Morisset relate également de façon poignante une opération en 1996 pour amener le général canadien Maurice Baril, en charge d'une force de l'ONU de courte durée dans l'est du Zaïre (Congo), rencontrer le chef rebelle Laurent Kabila soutenu par le Rwanda. Le convoi vint sous le feu des Congolais, que des hélicoptères américains Apache et Blackhawk contre-attaquèrent, sauvant leurs alliés canadiens. Une trentaine de Congolais périrent  sous le feu combiné des hélicoptère et du détachement FOI2.

Vers la fin 2001 la FOI2 envahit secrètement l'Afghanistan aux côtés d’agents américains et britanniques. Au cours des six premiers mois de leurs activités, les membres de la FOI 2 ont affirmé avoir tué 115 combattants talibans ou Al Quaida et capturé 107 chefs talibans. Au début de 2002 , les Britanniques ont commencé à avoir des doutes sur les tactiques utilisées par les forces spéciales canadiennes et américaines. Dans son «  Shadow Wars: Special Forces in the New Battle Against Terrorism »  David Pugliese rapporte que « les Britanniques se souciaient que les raids en cours [par les Américains et les Canadiens] donnaient aux Afghans l'impression que la coalition était juste une autre armée d’invasion  étrangère qui n’avait aucun respect pour la culture ou la religion du pays ».

Selon les documents que CBC Nouvelles a obtenus grâce à la Loi d'accès à l'information, un membre de la FOI2 révéla s’être senti " encouragé " pas ses commandants à commettre des crimes de guerre. Le soldat, dont le nom n'a pas été révélé, a affirmé qu’un camarade de la FOI2 a abattu un jeune Afghan les mains levées en signe de reddition. Ses allégations d'actes répréhensibles furent présentées  à ses officiers supérieurs en 2006 mais l'ombudsman militaire n'a pas commencé son enquête avant juin 2008. Ce soldat de la FOI2 a déclaré au bureau de l'ombudsman  « que même s’ il a rapporté ce qu'il a vu à sa chaîne de commandement, il ne croit pas qu’ils enquêtent, même s’ils sont «très gentil avec lui.» Après trois ans et demi, le Service national des enquêtes des Forces canadiennes a libéré les commandants de toute accusation en Décembre 2011, sans toutefois communiquer les détails des allégations, y compris qui a été impliqué ou quand et où s’est produit l’incident. Le public était censé tout simplement faire confiance au processus.

Il semble que les conservateurs appuient les forces spéciales précisément parce que ces unités d'élite ont des liens étroits avec leurs homologues des États-Unis et que le gouvernement n'ait pas à divulguer d’informations sur leurs activités. Ottawa peut déployer ces troupes à l'étranger sans que le public en soit informé de quelconque façon. Selon le Major BJ Brister, le gouvernement fédéral préfère les forces d'opérations spéciales à cause de la « déniabilité » qui leur est attachée.

Source : yvesengler.com

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