samedi, 22 octobre 2016 12:01

Crimes canadiens en Haïti: au-delà de la complicité

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Traduction par William

À la lumière des rapports explicites et bien documentés au sujet des droits de l'Homme en provenance d'Haïti, le gouvernement du Canada doit répondre à un certain nombre de questions graves. A savoir, si «l'ordre a bien été restauré» depuis la «démission» du président Aristide, alors comment expliquer que plusieurs milliers de partisans d'Aristide ont été tués, tandis que des dizaines de milliers d'autres ont été contraints de fuir, forcés de se cacher, ou emprisonnés après le 29 Février?

Rien de cela n’a été relaté dans les grands médias, nous faisons face à une dissimulation générale de la réalité en Haïti. Bien que les archives historiques puissent un jour prouver le contraire, il est douteux que le Canada n'ait jamais été si lourdement impliqué dans une intervention illégale en Amérique latine et dans les Caraïbes comme il l'a été dans le cas d'Haïti.

Le 17 janvier 2003, le Canada a organisé une réunion, l'«Initiative d'Ottawa sur Haïti» , à laquelle le coup d’état a été discuté et des plans préliminaires étayés (L'Actualité, le 15 mars 2003). Cette réunion a été organisée par Denis Paradis, alors ministre pour l'Amérique latine et de la Francophonie. Y ont participé plusieurs diplomates de haut niveau de l'UE, de la France, du Salvador, de l'OEA et des États-Unis. Quelques mois plus tard, Marc Lortie participait à une réunion de suivi où se trouvait aussi un responsable de la Maison Blanche au Salvador.

Alors que les libéraux préparaient le coup d'état en Haïti, ils débattaient aussi au sujet de l'idée de participer ou non à la guerre illégale en Irak. Évidemment, Chrétien était déjà en train d’atténuer le choc de sa décision de ne pas participer à cette dernière. Depuis le début, les États-Unis savaient que le Canada (et la France) joueraient un rôle déterminant dans leur entreprise impériale en Haïti.

Paul Arcelin, soi-disant "auteur intellectuel" du "soulèvement rebelle," a rencontré Pierre Pettigrew, le 5 février, quelques semaines avant le coup d'état. Pourquoi Pettigrew a-t-il rencontré ce conspirateur connu? Quel était le sujet de cette réunion? Quelques jours après le coup d'état, Arcelin a confié à Sue Montgomery de la Gazette qu'il avait discuté de «la réalité d'Haïti» avec Pettigrew, qui «a promis de faire un rapport au gouvernement canadien». Pettigrew, qui est familier avec Haïti étant donné que sa circonscription montréalaise est le foyer de la plus forte concentration de Canadiens d’origine haïtienne au Canada, devait forcément avoir connaissance du passé criminel d’Arcelin. En 2003, Arcelin a été arrêté avec Guy Philippe pour avoir fomenté l’une des nombreuses tentatives de coup d'état. Tout en le niant à l'époque, et après avoir été libéré par les autorités dominicaines, Arcelin admit à Montgomery qu'il avait pendant deux ans été occupé «10 à 15 heures par jour» avec Philippe à renverser Aristide.

Pas une seule publication grand public n’a contesté la position «officielle» sur Haïti. En conséquence, le public n'a aucune idée des atrocités commises en son nom. Le 29 juillet dernier, le commandant des Forces canadiennes en Haïti, le lieutenant-colonel Jim Davis, a reconnu publiquement dans une téléconférence qu’au moins 1000 corps avaient été enterrés dans une fosse commune par la morgue d’État dans les trois semaines suivant le coup d'état.

Davis a également défendu (plutôt que de désavouer) les actions des forces multinationales, le 12 mars, lorsque 40 à 60 civils ont été massacrés. Selon plusieurs témoins, ce qui a eu lieu était une invasion militaire de nuit. L'invasion est maintenant connue des Haïtiens sous la désignation du «massacre de Belair». Davis n'a pas contesté le fait que les forces d'occupation ont tué ces personnes et charrié les corps dans les ambulances postées à proximité en prévision du carnage. Il y a encore la question en suspens de savoir si oui ou non les troupes canadiennes ont participé à ce massacre. Malgré les démentis officiels au sujet de sa présence en Haïti, des membres de la Force opérationnelle interarmées 2 (JTF2) du Canada, un "commando secret" y sont arrivés quatre jours avant le coup d'état, ont été photographiés le 3 mars et étaient, paraît-il, «armés jusqu'aux dents."

Fâcheusement, plusieurs journalistes conventionnels ont entendu Davis faire ses aveux, mais ont jusqu'à présent refusé de publier les informations. Toute enquête sur cette grave question devra passer par les grands médias, qui semblent avoir violé presque toutes les normes éthiques qu'ils prétendent défendre.

L'ampleur de cette catastrophe est difficile à mesurer. Même en termes financiers bruts, le montant des recettes fiscales que le Canada a consacrées aux opérations militaires et de «sécurité» en Haïti - plus de 230 millions $ à ce jour - éclipse celle du très médiatisé «scandale des commandites». Bien sûr, aucun prix ne peut être attaché à la perte massive de vies humaines résultant directement des actions du Canada. Même si la vie d'un pauvre haïtien ne pèse pas lourd pour le gouvernement libéral, elle n'en demeure pas moins protégée par la Déclaration universelle des droits de l'Homme et plusieurs autres chartes internationalement reconnues (et ratifiées).

Le gouvernement canadien doit avouer sa faute et le mur du silence doit être brisé. Toutes les personnes impliquées doivent être tenues de rendre des comptes, y compris Bill Graham, coordonnateur du coup d'État et récemment nommé ministre de la Défense; l’ancien secrétaire parlementaire Denis Coderre; Paradis, récemment relégué à l'arrière-ban; le ministre des Affaires étrangères Pettigrew; et, bien sûr, Paul Martin.

Source : canadiandimension.com

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