lundi, 18 aout 2014 19:23

Le mouvement raciste, militariste et pro-israélien de Toronto

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Traduction par Tino

Autrefois membres d’une communauté de gens de gauche aux avant-postes des combats contre le racisme, une tranche significative de Juifs torontois sont devenus, par leur soutien inconditionnel à Israël, des chantres de la haine contre les « Arabes », ainsi que les alliés de chrétiens littéralistes de droite, bigots et homophobes.

Pendant quinze années d’activisme à Montréal, Ottawa et Vancouver, je n’ai constaté aucun équivalent au mouvement raciste, militariste et pro-israélien dont j’ai vécu les actes récemment à Toronto.  Tristement, par ailleurs, l’organisation quasi-fasciste qui mène la charge, semble de plus en plus enracinée dans une communauté qui jadis figurait au premier plan dans la lutte contre le racisme et le fascisme au sein de la ville.

Samedi, à Queen’s Park, siège de l’Assemblée législative de l’Ontario, des membres de la Ligue de défense juive (LDJ), organisation haineuse interdite aux États-Unis et en Israël, m’ont bousculé, craché dessus, ont endommagé ma bicyclette et volé mon cadenas. Mon crime ? Avoir chanté « Tuez plus d’enfants palestiniens » tandis que des centaines de partisans de la LDJ et du B’nai B’rith se réunissaient pour applaudir l’offensive sur Gaza et contre-manifester devant les militants opposés aux massacres d’Israël.

Le jour suivant, toujours à Queen’s Park, un membre de la LDJ a envoyé au sol un contre-manifestant pro-palestinien et lui a donné des coups de pied dans le visage. Une demi-heure plus tard, un autre membre a contourné une barricade sur cinquante mètres pour me rejoindre à l’endroit où je me tenais seul, à chanter au rassemblement pro-guerre, et m’a craché trois fois dessus. Les deux incidents ont été enregistrés par les caméras de médias dominants.

Nouvel arrivant dans le monde de l’activisme pro-palestinien à Toronto, j’ignorais le degré d’agressivité et d’organisation de la LDJ, qui a atteint un tel niveau que plusieurs groupes de solidarité pour la Palestine évitent d’annoncer leurs meetings de peur que la LDJ ne vienne les perturber.

Aux États-Unis, la LDJ est hors-la-loi depuis 2001. Ses membres ont été reconnus coupables d’une série d’actes de terrorisme, incluant le meurtre du directeur régional du Comité américano-arabe de lutte contre la discrimination, ainsi qu’un complot destiné à assassiner un membre du Congrès. Un membre d’une organisation associée à la LDJ en Israël a massacré vingt-neuf Palestiniens musulmans en train de prier au Tombeau des Patriarches, vingt ans auparavant. En 2011, la GRC a lancé une enquête contre un certain nombre de membres de la LDJ soupçonnés de planifier un attentat à la bombe contre la Maison de la Palestine à Mississauga.

Bien que le groupe soit associé au terrorisme, la LDJ semble trouver de l’aide parmi une large frange de la communauté juive organisée, et même à Ottawa. Stephen Harper lui a apporté un appui considérable en incluant un des membres de l’organisation dans sa délégation officielle lors de son voyage récent en Israël ; le Canadian Jewish News a récemment offert une couverture médiatique à l’avantage de l’organisation ; plusieurs rabbins ont assisté à la contre-manifestation sponsorisée par la LDJ et le B’nai B’rith samedi ; dimanche, le groupe a assuré la « sécurité » du ralliement des « Canadiens pour Israël ». Loin d’être un groupuscule isolé que l’opinion majoritaire juive tente d’ostraciser, la LDJ semble gagner en influence.

L’essor de la LDJ au Canada coïncide avec la violence extrême dont fait preuve, de manière effrénée, le gouvernement israélien, et la condamnation à l’échelle mondiale de l’expansionnisme agressif de ce pays. La communauté juive dominante marche au pas cadencé avec l’État d’Israël, et non seulement les conservateurs d’Harper l’acceptent, mais en outre le promeuvent.

Au cours des trois dernières semaines, Israël a tué plus de 1300 Palestiniens à Gaza, déplacé plus d’un dixième de la population, et détruit la plupart des moyens d’approvisionnement en eau et en électricité. Et pourtant, le gouvernement israélien reçoit toujours un appui sans équivoque du Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CERJI), du B’nai B’rith et d’autres organisations juives canadiennes d’envergure. La Fédération de l'Appel juif unifié du Grand Toronto, la principale aile philanthropique de la communauté, a ajouté, comme partie de son soutien au récent carnage de Gaza, 2,25 millions de dollars à sa contribution annuelle à destination d’Israël.

Alors qu’il est probable que la LDJ se positionnerait en faveur de l’incinération totale de Gaza, on peut se demander jusqu’où les autres organisations dominantes vont applaudir le dernier assaut à grande échelle sur Gaza, le troisième en cinq ans. L’establishment juif retirera-t-il son appui si deux mille Palestiniens se font tuer ? Ce seuil s’élèvera-t-il à cinq mille ? A moins que le B’nai B’rith et le CERJI ne décident d’épauler l’armée israélienne jusqu’à ce que ce que le décompte des victimes atteigne les cinquante mille …

Certes, il est légitime de croire que l’attitude de va-t-en-guerre encouragée par les organisations juives proéminentes ne serait pas largement partagée par la communauté qu’elles prétendent représenter, j’ai cependant assisté à de trop nombreux rassemblements bellicistes d’ampleur, été trop souvent le témoin d’explosions de racisme anti-arabe ces trois dernières semaines à Toronto, pour nourrir de l’espoir là-dessus. De larges groupes, parmi la communauté juive de Toronto, semblent mimer le militarisme raciste affiché publiquement en Israël. (Une petite recherche Google vous renvoiera vers des histoires à propos d’Israéliens chantant « mort aux Arabes », célébrant les explosions causées par l’armée à Gaza depuis les collines environnantes ou battant des militants pacifistes.)

Sur Bloor Street, il y a deux semaines, un homme d’âge moyen qui se promenait avec sa conjointe, a chiffonné le prospectus que je lui ai tendu, pointé du doigt deux hommes d’âge mur et d’aspect arabe qui répondirent, et leur a lancé un : « barbares ! ». Dans un accès de racisme tout aussi bizarre, un homme qui passait à vélo près de la manifestation de samedi, s’est arrêté pour s’y joindre et, peu de temps après, s’est mis à montrer du doigt un jeune garçon d’apparence arabe tout proche, puis à m’accuser de l’endoctriner pour qu’il devienne un tueur. Ensuite, dimanche, une femme âgée a interrompu une conversation que je tenais au téléphone à propos de la destruction de Gaza par Israël, et crié qu’elle espérait voir Israël tuer « 10000 personnes de plus ».

L’idée de voir la communauté juive de Toronto, en 2014, en première ligne dans le soutien au militarisme raciste, est profondément déprimante, voire relève d’une inversion de l’histoire. Sept décennies auparavant, la jeunesse juive éprise de justice combattait les voyous fascistes qui terrorisaient les personnes de souche autre qu’anglo-saxonne au cours des émeutes du parc Christie Pits en 1933. Vingt ans plus tard, le Congrès juif canadien contribuera, dans la célèbre affaire Noble-Alley, à emporter la décision de la Cour suprême qui poussera l’Ontario à faire passer une loi invalidant les accords de possession de terres selon des critères raciaux, une victoire majeure dans le combat pour l’égalité raciale.

Alors que six décennies auparavant, les organisations juives combattaient les restrictions à caractère racial d'accès à la propriété, il n’existe à l’heure actuelle aucune autre communauté qui appuie aussi ouvertement, et avec autant de vigueur, la suprématie raciale dans l’usage de la terre. Il y a six mois, 4500 personnes environ remplissaient le Palais des Congrès de Toronto pour honorer Stephen Harper au cours d’une collecte du Fonds national juif (FNJ). Propriétaire de 13% du territoire israélien, le FNJ exclut de ses possessions les citoyens palestiniens d’Israël, ainsi que d’autres non-Juifs.

En 2014, des membres « respectables » de la communauté juive pro-sioniste lèvent des fonds pour une organisation qui possède des domaines sur la base de critères raciaux, collaborent avec des fondamentalistes chrétiens et défendent le massacre des civils de Gaza par Israël, tandis que le noyau dur de la jeunesse participe à des manifestations de la LDJ ou s’enrôle en tant que « soldats seuls[1] » dans une armée étrangère assassine.    

Quelle honte !

[1] Ndt : « Le statut de soldat seul est le statut attribué aux soldats dont les parents vivent en dehors d’Israël au moins 9 mois par an. Ce statut offre une série de droits et privilèges. » (Source : www.tsahal.fr)

Source : rabble.ca

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