samedi, 15 juillet 2017 12:10

Des entreprises canadiennes prises la main dans le sac dans les ex- colonies africaines

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Traduction par William

Yves Engler

La saisie récente de phosphate d’une Société d’État marocaine en Afrique du Sud et au Panama est un coup dur pour les entreprises canadiennes et une victoire pour les luttes d’indépendance nationale. Ça devrait aussi gêner les médias canadiens.

Ce mois-ci des tribunaux à Port Elizabeth et Panama City ont entériné la demande faite par le Front POLISARIO demandant à l’Afrique du Sud et au Panama de saisir deux cargos transportant 100,000 tonnes de phosphate en provenance du Sahara occidental, un territoire peu peuplé dans le nord-ouest de l’Afrique occupé par le Maroc. Des troupes marocaines y prirent position en 1975 lorsque l’Espagne s’en retira et il y régna une guerre sanglante durant 15 ans qui déplaça vers l’Algérie voisine où ils vivent toujours dans des camps des dizaines de milliers de Sahraouis.

Aucun pays ne reconnaît officiellement la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Les Nations-Unies disent ce territoire  « occupé » et la quatrième Convention de Genève ainsi que le statut de Rome interdisent à une puissance occupante d’exploiter les ressources des territoires qu’elle contrôle, sauf dans l’intérêt et selon les souhaits de la population locale. En 2002, le Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques Hans Corell a décrit l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental comme une "violation des principes de droit international applicables aux activités minières dans des territoires non autonomes. »

PotashCorp de Saskatoon et Agrium de Calgary, en cours de fusion, ont un partenariat avec le Groupe OCP du roi du Maroc Mohammed VI pour l’exportation du phosphate extrait au Sahara occidental. Les deux compagnies canadiennes achètent la moitié du phosphate extrait au Sahara occidental, et c’était une cargaison d’Agrium qui a été saisie au Panama.

Pour dissimuler sa complicité dans la violation du droit international, PotashCorp prétend que les opérations de l’OCP bénéficient au peuple sahraoui. Une déclaration de PotashCorp en 2014 affirmait : « OCP a mis en place une campagne proactive d’action positive au profit des populations locales et, surtout, fait d’importantes contributions économiques et sociales à l’ensemble de la région. Par conséquent, nous croyons que ceux qui choisissent de faire une déclaration politique au sujet de l’OCP pénalisent en réalité les travailleurs sahraouis, leurs familles et leurs communautés. »

Des militants de la solidarité internationale ont demandé aux entreprises de cesser l’exploitation des ressources du Sahara occidental, conduisant le Fonds éthiques de la caisse de crédit Vancity et quatre fonds de pension en Suède et Norvège valant $ 800 milliards de se désinvestir de PotashCorp. Un certain nombre de sociétés d’engrais ont également rompus leurs liens avec l’OCP, la plus grande entreprise industrielle du Maroc. Le mouvement de libération national du Front POLISARIO et l’Union africaine proclament que transiger avec OCP pour exporter le phosphate du Sahara occidental est contraire au droit international et renforcit le contrôle du Maroc sur cette région.

Bien que seulement préliminaires, les récentes décisions des tribunaux sont importantes pour les luttes d’indépendance nationale. Le cas de l’Afrique du sud est considéré comme la première fois qu’un mouvement d’indépendance remporte une action en justice pour intercepter l’exportation de biens nationaux.

Mis à part une poignée d’articles dans la presse d’affaires, les médias canadiens ont fondamentalement ignoré le  rôle de PotashCorp et Agrium dans cette violation du droit international. Dans la période précédant le lancement en 2015 à Saskatoon deCanada in Africa: 300 Years of Aid and Exploitation, j’ai produit un texte sur le rôle de PotashCorp comme acheteur des ressources non renouvelables de l’Afrique. Le rédacteur des pages d’opinion du Saskatoon Star Phoenix, avec qui j’avais communiqué à quelques reprises en écrivant des éditoriaux pour une union, m’a dit qu’il envisageait de le publier pour m’écrire une semaine plus tard. « Salut Yves, merci, mais je ne publierai pas votre éditorial. Nous avons déjà couvert cette question et les deux parties on pu exprimer leur point de vue. » Mais quand j’ai fouillé la base de données du Star Phoenix à la recherche d’articles sur les liens de la plus grande société cotée en bourse de Saskatoon à l’occupation marocaine du Sahara occidental il y avait seulement une lettre à la rédaction de 264 mots critiquant la politique de PotashCorp deux ans plus tôt (et une réfutation d’un représentant de la compagnie). Apparemment, le rôle du titan de Saskatoon en violation du droit international ne commande pas plus que ces 264 mots.

Dans le cadre de la rédaction de cet article, j’ai fait une recherche dans Canadian Newsstream sur la couverture des liens de PotashCorp et d’Agrium avec le Sahara occidental. J’ai trouvé huit articles (dont deux dans plus d’un journal) publiés dans les principaux quotidiens sur le sujet, ainsi que trois lettres à la rédaction, au cours des six dernières années. De plus, comme si la violation du droit international n’avait d’intérêt qu’en termes de décisions d’investissement, tous ces articles sauf un étaient parus dans les pages d’affaires. Lorsque les Sœurs de la miséricorde de Terre-Neuve soumirent une résolution à l’assemblée des actionnaires de PotashCorp en 2015 concernant le Sahara occidental, la Presse canadienne le rapporta mais seulement quelques médias reprirent son communiqué.

Bien que la lutte des Sahraouis ne soit pas connue des Canadiens, elle l’est largement dans les cercles intellectuels africains. Une campagne de solidarité internationale, en particulier par un groupe à Victoria, a souligné depuis longtemps les liens d’entreprises canadiennes avec l’occupation marocaine. J’ai brièvement écrit à ce sujet dans mon Canada in Africa et dans un article publié sur un certain nombre de sites web de gauche. En septembre 2015 Briarpatch a publié en couverture A Very Fertile Occupation: PotashCorp’s role in occupied Western Saharaet la semaine dernière OurSask.ca a publié un long article intitulé Why a Segment of Saskatchewan’s Economy, and Our Ethical Compass, Hinges on an Undeveloped, War-Torn African Nation. Un militant à Regina a lancé un financement populaire pour un projet documentaire intitulé Sirocco: Winds of Resistance: How the will to resist a brutal occupation has been passed on to two women by their grandmothers.

 

Comme l’indique mon expérience avec le Star Phoenix, les grands médias ne sont pas sans connaître le sujet. Au contraire, il y a un préjugé nettement favorable au point de vue corporatif et à moins que les militants ne politisent la question les éditeurs vont continuer à ignorer la complicité du monde de l’entreprise au Canada en faveur de l’enracinement du colonialisme en Afrique.

Source : yvesengler.com

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