dimanche, 02 juillet 2017 11:13

Les médias ne rapportent pas le rôle du Canada dans la suppression des manifestations pro-Palestine

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Traduction par William

Les médias canadiens ont largement ignoré les récents efforts palestiniens pour perturber de façon non violente un demi-siècle d'occupation. Ils ont à peine rapporté une grève de la faim de prisonniers et les manifestations de solidarité associées, et encore moins l'effort du Canada pour réprimer les manifestations populaires en Cisjordanie.

Environ 1,000 Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes font la grève de la faim depuis le 17 avril. En Cisjordanie occupée des milliers de manifestants sont descendus dans la rue et font grève en solidarité avec les 6,500 Palestiniens actuellement emprisonnés par Israël. C’est une question sensible pour les Palestiniens car depuis 1967 Israël a arrêté 40 % de la population masculine de la Cisjordanie, soit 800,000 personnes.

La grève de la faim est dirigée contre le régime d'occupation, mais elle est aussi un défi au « sous-traitant de l'occupation », l'Autorité palestinienne (AP) dirigée par Mahmoud Abbas. Ramzy Baround a qualifié la grève de « révolte au sein du Fatah contre leurs dirigeants désengagés et une tentative frénétique de tous les Palestiniens de démontrer leur capacité à déstabiliser la matrice de contrôle israélo-américano-AP. » Le commentateur basé à Nazareth Jonathan Cook souligne qu’Abbas veut que la grève de la faim se termine, car elle menace ses négociations avec Donald Trump et l’« étroite coopération de sécurité avec Israël. »

L'opposition croissante à la coordination de sécurité de l'AP avec Israël est une toile de fond importante de la grève de la faim et des récentes manifestations. Pendant des années, les forces de sécurité de l'AP ont fourni des informations à l'agence de renseignement israélienne Shin Beth et Israël a souvent arrêté des militants palestiniens après qu'ils eurent été remis en liberté par l’AP. L’assassinat récent par les soldats israéliens du militant de premier plan Basel al-Araj après sa libération par l’AP a déclenché des manifestations contre la coopération du  service de sécurité de l'AP avec Israël. À la mi-mars Amnesty International a critiqué une attaque de ce service de l'AP résultant en l’hospitalisation de 17 Palestiniens qui protestaient contre la coopération de sécurité avec Israël après la mort d'al-Araj.

Comme toutes les autorités coloniales dans l'histoire, Israël a cherché à faire prendre la charge de la sécurité de l'occupation par des autochtones dociles. Ce qui est unique dans le cas des opérations des forces de sécurité de l'AP, ce sont leurs liens internationaux. Dans un reportage de 2011 détaillant la façon dont la sécurité de l’AP « sape les efforts déployés par les Palestiniens pour contester l'occupation, » Adam Shatz écrivait: « C’est un arrangement extraordinaire: les forces de sécurité d'un pays sous occupation sont sous-traitées à des tiers de l’extérieur de la région pour prévenir la résistance à la puissance occupante, alors même que cette dernière continue de saisir toujours plus de terres. »

Depuis le milieu des années 2000, les forces de sécurité palestiniennes ont été formées par des militaires et policiers américains, britanniques et canadiens au Centre international de formation de la police construit par les États-Unis en Jordanie (mis en place pour former les forces de sécurité en Irak après l'invasion de 2003). Membre du bureau du coordonnateur de la sécurité des États-Unis à Jérusalem, la mission militaire canadienne en Cisjordanie elle aussi forme et assiste les forces de sécurité palestiniennes. Surnommée l'Opération Proteus, la participation du Canada comprend des agents de la Gendarmerie royale du Canada ainsi que des représentants du ministère des Affaires étrangères, de Justice Canada et de l'Agence canadienne des services frontaliers. Dans une entrevue en septembre 2010 avec le Jerusalem Post, le ministre d'État aux Affaires étrangères Peter Kent a déclaré que l'Opération Proteus était « le deuxième déploiement du Canada après l'Afghanistan » et a reçu « la majeure partie » des 300 millions $ d’un programme d'aide de cinq ans du Canada à l'Autorité palestinienne.

Tandis que les médias regardaient ailleurs, au cours de la dernière décennie des dizaines (peut-être des centaines) de millions de dollars en argent de l'aide canadienne sont passées à la formation et au soutien d'une force de sécurité palestinienne servant l'occupation israélienne. Des documents internes du gouvernement déterrés par Lee Berthiaume de Postmedia confirment que c’est l'objectif principal du programme d'aide de 300 millions $ sur cinq ans du Canada aux Palestiniens.

« Il y’a eu de plus en plus de références dans les derniers mois au cours des réunions bilatérales de haut niveau avec les Israéliens à l'importance et la valeur qu'ils accordent à l'aide du Canada à l'Autorité palestinienne, notamment en matière de sécurité/réforme de la justice, » dit une note de novembre 2012 signée par l’ancien président de l' Agence canadienne de développement international Margaret Biggs. « Les Israéliens ont souligné l'importance de la contribution du Canada à la relative stabilité obtenue grâce à la coopération en profondeur sur la sécurité entre Israël et l'Autorité palestinienne. »

La note fortement censurée suggère que l'objectif de l'aide canadienne était de protéger du retour de bâton populaire le corrompu Mahmoud Abbas, dont le mandat électoral a pris fin en 2009. Biggs y expliquait que « l'émergence de manifestations populaires dans la rue palestinienne contre l'Autorité palestinienne est préoccupante et les Israéliens ont imploré la communauté internationale des donateurs de continuer à soutenir l'Autorité palestinienne. »

Berthiaume a effectivement confirmé que l'argent de l'aide canadienne est utilisé pour entraîner une force de sécurité palestinienne à servir de bras armé de l'occupation israélienne, mais cette information surprenante est simplement demeurée lettre morte. Bien que l'article de Berthiaume ait été publié dans plusieurs journaux Postmedia, cette nouvelle ne fut reprise dans aucun des grands journaux, dans lesquels il n’y  eut pas plus de suivi au sujet de la note interne de Biggs ou de l'Opération Proteus (à l'exception d’articles dans des journaux locaux couvrant des policiers ou soldats en partance pour cette mission).

Deux ans avant la révélation de Berthiaume, j'avais envoyé un courriel au correspondant du Globe and Mail  au Moyen-Orient, Patrick Martin, au sujet de l'aide du Canada/mission militaire de soutien de l'occupation israélienne de la Cisjordanie. Je lui ai écrit: « Salut Pat, ne sais pas si vous avez vu le commentaire de Peter Kent sur l'Opération Proteus, la mission militaire du Canada en Cisjordanie. Dans une récente interview avec le Jerusalem Post Kent a qualifié PROTEUS de « deuxième déploiement du Canada après l'Afghanistan » et a dit qu'il reçoit « la majeure partie de l'argent » d’un programme canadien d'aide aux Palestiniens de 300 millions $ sur cinq ans. Cette question a été à peine discutée et je pensais que cela pourrait vous intéresser. Ci-dessous un texte que j'ai écrit récemment en partie là-dessus. »

Martin a répondu: « C’est une bonne idée », mais le Globe n'a encore pas publié quoi que ce soit sur l'Opération Proteus ou le commentaire de Biggs à l’effet que l'aide canadienne à l'Autorité palestinienne a été conçue pour supprimer la protestation populaire d’un peuple souffrant sous une occupation illégale depuis 50 ans. (Pendant le voyage à Ramallah de John Baird en 2012 Martin cita le ministre des Affaires étrangères du Canada disant qu’il était « incroyablement heureux » de la situation de la sécurité en Cisjordanie, dont Baird disait qu’elle profitait à Israël).

Il n’est pas trop tard pour que le Globe et d'autres médias couvrent le rôle du Canada dans la suppression de « manifestations populaires » en Cisjordanie. L’Opération Proteus continue avec le brigadier-général Conrad Joseph John Mialkowski qui vient d'être nommé le nouveau chef de la mission militaire. Lorsque le programme d'aide de cinq ans du Canada à l'Autorité palestinienne s’est conclu en 2013 le gouvernement Harper l’a prolongé et le site Web du gouvernement révèle que 30 millions $ ont été dispensés aux Palestiniens en 2014-15 (la dernière année citée).

Les médias canadiens devraient couvrir la grève de la faim des prisonniers et son défi à la coopération de sécurité de l'AP avec Israël. Mieux encore, ils devraient rapporter le rôle du Canada dans cette occupation par Israël depuis 50 ans.

Source : yvesengler.com

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