lundi, 14 septembre 2015 11:18

La religion de la démocratie

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Juriste Curé


Le 15 septembre ce sera la journée internationale de la démocratie. De prime abord, le mot « internationale » devrait susciter la méfiance. On essaie ainsi de faire croire que la planète entière appuie la cause alors que personne ne sait ce qui est célébré et au nom de qui. Fêtons-nous le droit de vote, les institutions internationales qui promeuvent la démocratie comme l’ONU (la structure de l’ONU n’a pourtant rien de démocratique) les élections à date fixe, l’hégémonie planétaire de la démocratie, le taux d’abstention ? Bref, un vide de sens qui en dit long.

 

Et puis la Démocratie.  Quelle belle cause, tout de même ! Parlez-en aux Irakiens, aux Libyens, aux Tunisiens, aux Égyptiens et à pratiquement tous les pays africains… Inventée pour freiner plus efficacement les rébellions populaires en occident, elle a, bien souvent, par la suite, provoqué des guerres civiles dans les territoires peuplés de groupes mus par une logique tribale, clanique [1].  Mais ce n’était pas de la vraie démocratie, comme l’URSS n’était pas un vrai régime communiste et les États-Unis pas un vrai régime capitaliste, ce qui explique leur résultat décevant, affirmeront leurs plaideurs respectifs. Et moi de dire : « À quand un régime qui serait capable de suivre à la lettre le système théorique qu’il préconise ?! » La réponse est évidente : ça n’arrivera jamais ! La théorie demeurera toujours la théorie et la pratique demeurera la pratique, sans que les deux ne se rejoignent complètement. À moins qu’un jour les humains se transforment en robots…


C’est pour cela que j’arrive, malgré tout le mal que la démocratie engendre, à apprécier les gens qui se plient en quatre pour faire fonctionner la démocratie localement. Leur implication neutre ou partisane qui requiert beaucoup de temps est une preuve de leur grande croyance et dévotion. Saint-Pierre les attend au paradis à n’en point douter.


Pour ma part quand ils se pointent à la maison pour me convaincre de voter pour l’un ou l’autre, je les confonds avec des témoins de Jéhovah. Sincèrement désolé de vous dégager à grand coup de pied au derrière. Vieux réflexe, tout simplement.


D’autre part, il se peut que Saint-Pierre soit réticent, malheureusement, à les laisser entrer par la grande porte, puisque nombre d’entre eux piaffent contre la population qui « ne se grouillent pas le Q », à la manière dont Robert Charlebois le chantait autrefois. Cette impatience face au commun des mortels qui a déjà deux millions de soucis à la maison reflète un profond nombrilisme. Parce que moi je peux et je fais, tout le monde peut et doit faire. Logiquement et au regard d’un brin de pragmatisme, ça ne fonctionne pas comme ça.


Ces activistes piaffent parce que le peuple se complait dans le statu quo. Ne serait-ce pas plutôt les gens au pouvoir qui « ne se grouillent pas le Q » et imposent la démocratie parce qu’ils n’ont pas le courage ou un contrôle suffisant de leur politique pour prendre les décisions difficiles à prendre ?


Au Québec, ceux (le clergé, l’état provincial) qui, par le passé, ont eu peur de prendre les décisions et qui s’en sont remis à la démocratie (notamment des référendums) pour éviter de prendre les décisions compliquées, décisives, n’ont bien souvent pas eu le choix de leur propre délibéré. La décision se prenait stratégiquement en sachant très bien que l’institution au dessus d’eux était bien plus puissante qu’eux (les guerres militaires,économiques, diplomatiques, le leur ont rappelé immanquablement), que le changement ne dépendait pas d’eux et leurs idées, mais de qui allait les suivre, et sachant très bien que le pouvoir au-dessus d’eux ferait tout pour les ramener dans le droit chemin, au moindre signe d’insoumission. Il fallait donc être très rusé pour, d’une part, satisfaire la population, et d’autre part, ne pas déplaire aux dominants. Ce qui s’appelle le rapport de force. Les indéfectibles de la démocratie préfèrent se fermer les yeux et n’analysent que les affrontements idéologiques entre partis politiques (souvent par les sondages), rarement les rapports de force. Et c’est bien dommage.

Le domaine du rapport de force a été, volontairement ou pas, un domaine trop souvent occulté. Ce qui fait en sorte que des activistes (notamment les militants de l’assemblée constituante) s’imaginent que le changement rencontre des obstacles en raison de la seule lâcheté du peuple. Selon eux, le peuple pourrait, s’il le voulait, s’approprier les leviers du pouvoir et fonder sa constitution. Que s’imaginent-ils ? Qu’il n'y aura aucune résistance de la part des puissants ? Qu’on va leur céder ce pouvoir par une intervention du Saint-Esprit ? Face à Dieu, il faut être exemplaire. Exemplaire c’est l’inverse de l’inertie jumelle de la paresse,  certes ! Mais exemplaire ne signifie pas naïvement.


    


 

Puisqu’on parle de pouvoir aussi bien en parler pour de vrai. J’ouvre ici une petite parenthèse. Il est écrit dans l’évangile selon Matthieu, selon Marc et selon Luc : « Rendez à César ce qui est à César ; et à Dieu ce qui est à Dieu.» [2] Soit dit en passant, nous avons ici la définition originale de la laïcité. Mais c’est un autre sujet. Cette parole de Jésus lancée à des pharisiens et hérodiens et rapportée dans les évangiles selon Marc, Matthieu




et Luc signifient que la croyance – peu importe qu’elle soit en la démocratie ou en Dieu –n’est pas une affaire d’État. Permettez-moi de rappeler que le Coran, livre sacré de l’Islam, reconnaît Jésus comme un prophète. Autrement dit, la séparation de l’Église et de l’État devrait être prise en considération par les fidèles de ces deux religions. La ligne n’est évidemment pas facile à tracer entre le pouvoir et la croyance. Les principes religieux doivent guider le cœur des politiciens. Mais la survie politique allant inévitablement au plus fort, au vainqueur, limite à celui qui est prêt aux plus grands nombres de bassesses, les valeurs religieuses ne peuvent être prises en compte dans tous les contextes. Au final, ce contre quoi la majorité des gens s’indignent par rapport à la religion (sa récupération à des fins politiques, ce moment où les évêques deviennent des politiciens ou des financiers), ne peut provenir de l’origine de ces religions. Et si ça ne vient pas de l’origine, ça vient inévitablement de ceux qui la corrompent, autrement dit, ultimement de ses ennemis, car bien sûr, depuis la nuit des temps, ce n’est pas la religion qui a pénétré la politique, mais bien la politique qui a pénétré la religion. Nul doute qu’elle s’est un peu laissée pénétrer… mais je m’égare. En résumé, ce n’est pas la religion qui s’est servie de la politique pour soumettre le peuple, mais bien la politique qui s’est servie de la religion pour soumettre le peuple. Pareil pour cette religion sans Dieu qu’est la démocratie. Le politique s’est servie de la démocratie pour soumettre le peuple. C’est important puisque ça permet de comprendre le rapport de force. Ça permet de comprendre comment celui qui domine aujourd’hui est arrivé à dominer.

 

Je reviens sur le sujet de la naïveté. Si, par naïveté ou par confiance aveugle en la démocratie, on ne « rend pas à César ce qui est à César », qui en profite ? Les élites mondialistes bien sûr ![3] Celles-ci, je vous garantis qu’elles ne se font pas prier pour prendre ces décisions difficiles à prendre. Imputable de rien et souffrant ainsi d’une indifférence chronique, leur décision mènerait à une catastrophe planétaire qu’il n’en souffrirait même pas. Tout ce qu’on pourrait faire alors c’est




chanter la chanson Six pieds sur terre de Luc de La Rochelière dont le refrain entonne : « Bon Dieu, promets moi que l’enfer existe. » Bref, ne pas « rendre à César ce qui est à César », c’est s’en remettre à la fatalité. Une fatalité que Dieu « le tout puissant » ne peut empêcher, selon Jésus lui-même.

 



Quand on prend conscience de notre impuissance face au mondialisme, on comprend mieux la nécessité d’un vrai « César » pour gouverner à tout de moins les différentes civilisations. On comprend mieux la raison qui motive le FMI, la Banque mondiale, l’ONU d’imposer planétairement la démocratie afin d’affaiblir ce « César ». Il en vient à avoir les mains tellement liées par la démocratie que, par la suite, il n’a plus les reins assez solides pour s’opposer au mondialisme et ne peut ainsi plus défendre la population. On comprend ainsi que la démocratie est aux différents États occidentaux ce que l’État islamique est à l’islam. C’est-à-dire que le premier n’a rien à voir avec le second, ce premier est une création étrangère qui vise à affaiblir le second. On comprend ainsi mieux la nécessité de refuser la démocratie comme autrefois certains ont refusé la religion devenue corrompue [4].

 

 

 

[1] La démocratie occidentale tient pour acquis l’individualisme. C’est-à-dire que chaque individu choisira, selon sa conscience, l’objet de son vote. Au sein d’une logique tribale, il n’y pas de conscience individuelle, uniquement collective. Une personne du groupe est attaquée revient au même que si tout le groupe était attaqué. On a beau leur imposer la démocratie, ces groupes continuent de voter automatiquement pour leur chef. Ce qui fait que le groupe le plus nombreux, s’il n’y avait pas de corruption, gagnerait les élections à chaque fois. Les groupes minoritaires, se rendant bien compte de l’impossibilité de gagner le pouvoir, prendront souvent des moyens détournés pour l’atteindre. En dernier recours, c’est la guerre civile, souvent financée par l’occident, le moyen utilisé pour atteindre le pouvoir.

[2] Évangile selon Marc : livre 12, verset 17. Évangile selon Matthieu : livre 22, verset 21. Évangile selon Luc : livre 20, verset 25.

[3] Quand je parle des élites mondialistes, je parle de ceux qui travaillent, intentionnellement ou pas, à l’instauration d’un gouvernement mondial. La grande majorité n’a aucune attache à un territoire particulier. Ces dernières peuvent donc quitter le pays n’importe quand, en cas de catastrophe. Auront-elles tendance à déployer la même quantité d’énergie pour faire resplendir les différentes unités terriennes ? Permettez-moi d’en douter. Ces dernières vivent dans une maison qui ne leur appartient pas et pour laquelle ils ne payent pas d’allocation. Pour l’instant, tout ce qui les empêche de devenir tout puissants tel Dieu, ce sont les frontières politiques ainsi qu’une autre forme de frontière nommée « la famille ». Ce type de frontière est en déclin.

[4] Corruption qui est celle de presque toutes les puissances en fin de règne. Corruption qui a tendance à frapper davantage l’imaginaire puisqu’elle est ensuite martelée par la puissance qui la remplace.


 

Commentaires   

 
0 #9 Juriste curé 16-09-2015 18:33
Il faudra que je différencie l'idéologie ultramontaine du gallicanisme. Pour moi, ça se ressemble énormément. Les deux sont en faveur d'une participation de l'église aux pouvoir politique, avec en prime une indépendance face à Rome. Le galicanisme au 19e siècle n'est pas la galicanisme de Philippe Lebel. Autrement dit, la principale différence entre le galicanisme et l'idéologie ultramontaine, est que le galicanisme du 19e siècle était le miroir du pouvoir français. Ce dernier étant totalement corrompu par le libéralisme des lumières et la religion faisant désormais parti du pouvoir (même si de moins en moins) ne pouvait que devenir corrompue elle aussi. L'histoire diffère, mais la définition d'origine reste la même. Si j'ai cru que Groulx avait une sympathie pour le galicanisme, c'est qu'il publiait dans l'Action française. Revue française qui a été dénoncé par Rome.
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0 #8 fred 16-09-2015 15:48
Petite correction, je crois que tu voulais parler d'ultramontanis me et non de gallicanisme (qui a représenté la frange de l'Église à tendance libérale). C'est l'époque où de simple catholique extérieur au clergé, comme Louis Veuillot (en France) et Jules-Paul Tardivel (au Bas-Canada), se dressaient contre cette idéologie glissant vers l'hérésie. L'Ultramontanis me ne fut pas une création idéologique, mais une réaction à l'insidieuse hérésie du gallicanisme.
C'est pour moi le début de ce que Pau VI nommait "la fumé de Satan qui entre dans l'Église". Après le grand schisme du protestantisme, les perversions stratégiques des jansénismes et l'idéologie des lumières, le gallicanisme fut un autre assaut fait à l'Église universelle du Christ. À partir de cette division au sein du clergé naîtra un consensus d’apaisement des tensions, ce qui mènera Léon XII à faire de grave compromis, surtout en ce qui à trait au bastion Ultramontain du Canada (Mgr Laflèche en tête à cette époque). Ainsi les idées libérales ne seront plus combattues frontalement par l'Église, et cela je l'attribue aux nombreuse dissensions provenant du gallicanisme.
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0 #7 Juriste curé 16-09-2015 13:44
Bonjour Fred. En effet, le retour d'un roi créerait les conditions propice au retour d'une croyance officielle, unificatrice, non plusieurs croyances interlopes, comme présentement. Dans le galicanisme et sa version québécoise dont Groulx était, si je ne me trompe pas, un digne représentant, la religion catholique s'occupait de l'éducation et de la santé et tentait d'influencer les dirigeants en utilisant son influence auprès du peuple, pour peser dans le rapport de force avec le gouvernement. Ce qui est tout à fait dans la ligne du "rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu." En fait, la religion catholique a toujours été plus laïque que les laïcards qui nous gouvernent, qui eux donnent à César ce qui devrait revenir à Dieu. Ce qui est trompeur au sujet du galicanisme vient du fait que la population ne faisait qu'un avec l'église. Les mauvaises langues disent donc qu'elle était toute puissante. Alors qu'en fait c'était les marchands et politiciens anglais qui étaient tout puissants, mais sans qu'ils ne se salissent les mains auprès de la population. C'est eux qui tiraient les ficelles. Les chances que la responsabilité de toute forme de décadence (même celle religieuse), décadence qui est indéniable aujourd'hui, leur revienne sont donc très fortes. Voire indéniables.

Et pour poursuivre sur ce que je disais à Mike. "la démocratie et l'économie de marché sont intimement liées". Je me reprend. Comme c'est le capital qui dirige la démocratie, il y a un lien entre l'économie de marché et la démocratie. Tu as raison.
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0 #6 fred 16-09-2015 10:06
"Pour moi la démocratie est contre la nature même du pouvoir. "

Cette affirmation renvoie à plusieurs réflexions intéressantes. Du côté des Russes, la notion de "symphonie des pouvoirs" aurait put en expliquer une facette. La Monarchie sous Saint-Louis une autre et Lionel Groulx aurait eut une façon très moderne d'exposer ce type de concepts, bien adapté à la réalité de notre nation héritière de la France pré-républicain e. Nous aurions tous grand intérêt à recourir à Groulx, surtout en ces temps où la population ressent plus que jamais le grand vide politique dans lequel elle est noyée.
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0 #5 Juriste curé 15-09-2015 13:46
Je ne suis pas convaincu que l'économie de marché ait un lien avec la déchéance de la démocratie. Pour moi la démocratie est contre la nature même du pouvoir. La nature du pouvoir c'est l'éthique du vainqueur. En donnant le pouvoir à la population ou en donnant l'illusion de lui donner, il est évident que, ne raisonnant pas en fonction de la victoire, cette population se détournera un jour ou l'autre de l'objectif d'être plus fort. En oubliant cette objectif, elle se fera dominer par un autre.

L'économie de marché comme la démocratie est un moyen d'affaiblir le César. Mais ces deux moyens de l'affaiblir ne travaillent pas ensemble. Elles ont le même objectif, mais sans être des partenaires.
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0 #4 Ray Y. Adamson 15-09-2015 13:28
Mike, j'ai milité longuement en politique et j'ai "la sensation que le vote ne sert à rien", voilà pourquoi je participe à ce média alternatif!
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0 #3 Mike Deschamps 15-09-2015 08:28
Nous sommes dans une structure politique où la démocratie et l'économie de marché sont intimement liées. Cette structure tend de plus en plus à être une ploutocratie et c'est vrai que cela ressemble de moins en moins à une véritable démocratie. Il faudrait probablement revoir notre système politique si on ne veut pas avoir la sensation que le vote ne sert à rien.
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0 #2 Juriste Curé 14-09-2015 15:27
Bonjour eren. Tu as tout à fait raison. Quoique je ne sois pas un fan du point de vu de Zinoviev sur la démocratie, le terme est galvaudé.

Comme je l'explique, tous les termes sont galvaudés par le réel.La même chose adviendrait de tous les type de démocratie. Mon texte en est un qui prend en compte ce qui peut être fait, en fonction du contexte.

J'aurais pu être plus explicite. Mais selon moi, la démocratie dans le sens de la participation du peuple au pouvoir, peu importe le modèle ou la pureté de celle-ci serait une embuche pour les "César" ou, si vous préférez, les vrais dirigeants, ceux qui auraient des intérêts qui iraient dans le sens du peuple qu'ils gouverneraient.
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0 #1 eren 14-09-2015 14:04
Petite remarque. Le terme «démocratie» est utilisé ici dans le sens où on l'entend à notre époque, c'est-à dire dans un sens faussaire. Il faudrait parler de parlementarisme sous emprise de partis politiques, eux-mêmes sous l'emprise de réseaux d'oligarques.

Ne serait-il pas souhaitable de pouvoir nommer distinctement ce système pour éviter de le confondre avec un système politique avec lequel il a peu de choses en commun ?

Par exemple, Alexandre Zinoviev parlait d'occidentisme pour désigner le modèle idéologique, social et politique spécifiques aux pays occidentaux. Et l'occidentisme tel que décrit par ce penseur n'a strictement rien à voir avec la «Démocratie».
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