mardi, 27 mars 2018 10:45

Entretien avec un cryptoanarchiste

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Entretien par VanPelt et Victor Rumilly

L’année dernière aura été marquée par la croissance spectaculaire du Bitcoin et d’un engouement croissant pour la technologie blockchain. Derrière cette technologie et la spectaculaire montée du court des cryptomonnaies se trouvent les passionnés de la première heure : les cryptoanarchistes.

Simples spéculateurs ou véritables acteurs politiques? Profiteurs ou révolutionnaires? Ont-ils trouvé la faille dans le système et leur combat est-il le nôtre? CryptoBéru, trader et Masternode Québécois, a accepté de rencontrer LBDP.

 

La cryptoanarchie

VanPelt : Quel est ton parcours ?

CryptoBéru : J’ai une formation d’infographiste. J’ai travaillé en imprimerie pendant des années. J’ai commencé comme lettreur à la main, mais j’ai fait plein de choses différentes. J’ai été infographiste à mon compte avec des jobs d’appoint. Je suis né à Montréal, j’ai été indépendantiste toute ma jeunesse. Pendant longtemps j’ai eu un rapport très émotionnel à l’identité nationale. Je n’ai pas rejeté l’idée de nation, mais je me concentre plus sur ce qui peut servir l’individu.

Au départ, j’ai miné[1] du Bitcoin. Mais le minage me coutait cher en cartes graphiques. Après avoir remboursé mes dettes, je me suis mis à trader de la crypto. C’est là que j’ai réussi à monter mon capital. J’ai arrêté de trader quand j’ai commencé à toucher des dividendes de DASH. Je n’ai plus besoin de travailler et j’ai de meilleurs revenus maintenant que quand je travaillais. 


VanPelt : Est-ce que tu te paies des soirées dans des hôtels de luxe avec des putes et de la coke?

CryptoBéru : Noooooon! Ce n’est pas ma nature. Je suis quelqu’un d’assez frugal. Je me contente de peu. Quand je suis allé au Mexique, cet été, j’ai vu d’autres personnes qui étaient devenues financièrement indépendantes et je n’ai pas vu d’excès. Ils ne se définissent pas par ce qu’ils possèdent.

 

Victor Rumilly : C’étaient des nerds?

CryptoBéru : Ouais. Un mélange de nerds informatiques et économiques. Les libertariens américains sont assez nerds! 


VanPelt : Le nerd n’est pas attiré par le luxe?

CryptoBéru : Nan. On n’a pas un rapport émotionnel à l’argent. Être riche, ce n’est pas une fin en soit. Pour les traders traditionnels, la réussite c’est leur statut. Leur identité est directement liée à leur statut : leur réputation, les vêtements qu’ils portent, les milieux qu’ils fréquentent… Moi, je n’en connais pas, des gens comme ça.

 

VanPelt : Est-ce que tu es un nerd?

CryptoBéru : Oui, surement. Il suffit d’étudier quelque chose de manière obsessive et tu deviens un nerd. Regarde ceux qui connaissent tous les résultats du Hockey par cœur (rires)!

 

VanPelt : Que fais-tu concrètement dans le monde de la crypto ?

CryptoBéru : Je suis ce qu’on appelle un «Masternode» chez DASH. Je participe à l’infrastructure du réseau en louant des serveurs. On a un budget mensuel d’environ cinq millions qui sert à financer des projets. Des gens nous soumettent ces projets, moi et les autres Masternodes, nous les étudions et nous votons pour les financer ou pas. Mon travail, c’est essentiellement d’évaluer des projets d’investissement et je vote. C’est en faisant ça que je suis rémunéré.

J’ai fait des ateliers pour sensibiliser les gens à la crypto quand le Bitcoin était très fort. Je reste disponible pour ceux qui veulent en savoir plus sur la crypto.

 

VanPelt : As-tu un patron?

CryptoBéru : Non. Notre réseau s’apparente davantage à une coopérative. La tâche est répartie et chaque membre remplit un rôle important.

 

VanPelt : Qu’est-ce c’est être un  «cryptoanarchiste»  pour toi ?

CryptoBéru : Ce n’est pas nécessaire de se définir comme un anarchiste pour s’intéresser à la crypto. Moi, j’avais une sensibilité de gauche, je m’intéressais à l’anarchie européenne et j’avais une fascination pour la guerre civile espagnole et certains groupes anarchistes en Espagne. Sauf que les anarchistes de gauche n’ont pas su apporter de solution concrète de développement, contrairement aux libertariens américains. Les Européens sont plus idéalistes et romantiques, alors que les Américains sont plus pragmatiques. C’est cette dernière approche qui ma séduit parce qu’elle était axée sur les résultats. Pour moi, le plus important ce n’est pas la doctrine, mais la stratégie.

Ce qui me parle le plus, c’est ce que Samuel Edward Konkin III, un anarchiste canadien, a appelé l’« agorisme ». Ça consiste à développer un modèle économique parallèle pour s’assurer de ne plus dépendre de l’état. C’est ce qu’on fait puisqu’on est en train de développer une économie décentralisée.

 

VanPelt : Qui est ton adversaire?

CryptoBéru : Plutôt que d’essayer de détruire un ancien modèle, je préfère œuvrer à en créer un nouveau en parallèle qui va le concurrencer et le rendre obsolète.

 

VanPelt : Comme l’Ananassurance (Rires)?

CryptoBéru : (Rires) Bha, c’est toujours mieux que de crier «fuck you» dans la rue! Ça ne sert à rien. Tu sais, tous les antisystèmes, peu importe leur orientation, ont des affinités parce qu’ils cherchent tous à identifier le problème. Mais c’est moins important que de se demander ce qu’on pourrait faire concrètement pour le régler.

 

VanPelt : je te posais la question parce que les dissidents se font persécuter par des réseaux bien précis. Est-ce que les cryptoanarchistes, eux, se font persécuter par des groupes en particulier?

CryptoBéru : Les institutions financières, en particulier au Canada, ont énormément de poids sur le politique. Ça ne s’entend peut-être pas dans le discours politique, mais si tu essaies de vivre en crypto, tu vas te rendre compte de tous les bâtons qu’on essaie de te mettre dans les roues juste parce que les institutions financières le veulent. Au Québec, si tu fais de la crypto, ta banque peut fermer ton compte. Ça arrive souvent. C’est pour ça que je n’ai plus de compte. Ça fait quinze ans que je n’ai plus de compte en banque.

 

Victor Rumilly : Ah bon? T’as trouvé un employeur qui paie cash?

CryptoBéru : Pas besoin : je suis payé en crypto! Mais pendant longtemps, j’utilisais des cartes de débit, VISA par exemple, et mon boss me mettait ma paie dessus. Aujourd’hui, je suis cent pour cent crypto. Parfois je vais me procurer des cartes prépayées. Pour le reste, je paie directement en crypto. Il y a plein d’endroits en ligne où tu peux acheter en crypto.

 

VanPelt :  Je pense que la dissidence et la cryptoanarchie ont des atomes crochus. Penses-tu que notre ligne et celle des cryptoanarchistes sont compatibles?

CryptoBéru : Tous les antisystèmes ne remettent pas en question la notion d’état. Ni E&R ni LBDP ne remet en question l’État. Pour ceux qui ont à cœur le pouvoir de l’état, la crypto n’est peut-être pas le modèle le plus intéressant. Les cryptoanarchistes, eux, veulent faire comme si l’état n’existait pas.

Après, tous ceux dont les intérêts ne sont pas compatibles avec ceux du gouvernement ou de l’état vont y trouver leur compte. Tu n’es pas obligé d’être anarchiste pour utiliser cet outil-là.
Regarde Dieudo! Il n’avait pas accès à un compte bancaire : il aurait pu utiliser la crypto!!!

 

VanPelt : Ouais, pareil pour les comptes d’E&R[2] qui ont été clôturés!

CryptoBéru : Oui. Ça les rend vulnérables d’ailleurs. C’est exactement ce que j’ai ressenti quand j’ai mis mon argent à la banque et qu’on a commencé à me dire «ça, vous avez le droit de le faire avec votre argent, mais ça vous n’avez pas le droit!». C’est une situation complètement inacceptable!

Un groupe qui se présente comme antisystème, comme E&R, c’était sûr qu’on allait les attaquer sur leur portefeuille. Ils ont le pouvoir de le faire!

 

VanPelt : La crypto, c’est l’indépendance financière retrouvée pour les médias alternatifs?

CryptoBéru : Bha oui! Personne ne peut t’empêcher d’utiliser de la crypto. C’est impossible! C’est techniquement impossible!

 

VanPelt : Le seul risque, c’est que la monnaie perde toute sa valeur.

CryptoBéru: Oui.

 

VanPelt : Est-ce que les États peuvent réellement contrôler ou arrêter l’activité économique sur blockchain?

CryptoBéru : Non, c’est du vent. Faudrait couper internet, sauf que les états sont dépendants d’internet aujourd’hui.

Les vraies blockchains décentralisées, tu ne peux pas contrôler l’émission de devises. Tu ne peux pas couper les vannes du jour au lendemain.

 

De l’usage de la cryptomonnaie

VanPelt : La crypto suscite un intérêt toujours croissant. L’utilise-t-on à bon escient aujourd’hui ?

CryptoBéru : Dans le cas de Bitcoin, on peut dire qu’il y a une grosse utilisation parce que le réseau prend en charge énormément de transactions et il ne peut guère en gérer plus, il arrive à sa limite. Probablement qu’une très grande partie de ces transactions est de nature spéculative.

 

VanPelt : C’est donc la spéculation qui attire les gens vers la crypto?

CryptoBéru : Oui. Au départ, les gens avaient les mêmes motivations que moi : devenir indépendant des institutions bancaires, du gouvernement… Aujourd’hui, c’est pour les cash.


VanPelt : Mais ça marche? Le néophyte qui débarque aujourd’hui dans la crypto, qui se fait une culture économique sur le tard, est-ce qu’il peut vraiment espérer faire autant de profit que ceux qui avaient déjà commencé en 2013?

CryptoBéru : C’est possible si ça devient quelque chose d’encore plus gros à l’avenir. J’aime comparer la crypto à internet. Ce qu’on est en train de vivre, c’est la même situation que ce qu’on a connu avec internet au début des années 2000. Il y a eu une bulle spéculative à ce moment-là parce que les gens ont senti que ça allait devenir quelque chose de gros dans les années qui s’en venaient, alors les gens ont investi dans différents projets. Des projets pouvaient connaitre des capitalisations de plusieurs dizaines de milliards. Ça pouvait sembler absurde, mais ça ne voulait pas dire qu’internet n’allait pas devenir quelque chose de gros. C’est la même situation en ce moment. Les gens savent que ça va être important, mais on n’est pas encore capable de dire qui seront les gros joueurs du milieu.

 

VanPelt : la «Killer app.[3] » n’est pas encore arrivée?

CryptoBéru : Je pense que les cryptos qui sont sur la bonne voie sont celles qui proposent une utilisation plus facile, plus intuitive et plus grand public de la cryptomonnaie. Une utilisation aussi simple et fluide que Paypal, disons. Ça s’en vient d’ailleurs. Tu vas sur un site, tu veux payer, tu écris ton pseudonyme et tu confirmes sur cellulaire. Après, il faut voir si les boites privées en veulent. Si on peut faire ça avec Amazon, on aurait qu’à remplir son panier, indiquer son mode de paiement, et c’est tout. Tu recevrais une alerte sur ton cell, tu confirmerais et c’est réglé. Plus besoin de transmettre d’informations personnelles. Tu ferais une transaction complètement anonymement.

Le danger de l’achat en ligne, c’est ça aujourd’hui. Quand on a une affaire comme Equifax[4], qui se trouve être une base de données de l’ensemble des informations sensibles de chaque individu et qui les regroupe à la même place, c’est une manière complètement absurde de développer le commerce en ligne. C’est pour ça que l’achat en ligne en crypto ça sera une Killer-app.

 

VanPelt : À ton avis, demain, la crypto monnaie sera la nouvelle arme du libéralisme sauvage ou la solution tant attendue pour une société plus libre?

CryptoBéru : C’est un outil. Ça sera ce qu’on en fait. Par contre, c’est définitivement en faveur de l’individu. Les banques, elles ont trop de misère à l’intégrer. Elles n’arrivent pas à se l’approprier. Ils essayent difficilement de trouver une manière de l’utiliser à leur avantage, mais ce n’est pas vraiment possible parce que les obligeraient à abandonner certaines de leurs prérogatives. Si elles ne peuvent plus jouer l’intermédiaire entre deux personnes…elles ne servent plus à rien.


VanPelt : Pourtant, on voit des institutions financières récupérer la technologie Blockchain à leur avantage. Blythe Masters avec Digital Asset[5] par exemple. Qu’est-ce qu’ils cherchent à faire?

CryptoBéru : Ils essaient de pervertir ces modèles-là pour en tirer un certain monopole. Blythe Masters était chez J-P Morgan avant. Quand tu vois comment Jami Dimon, le directeur de J-P Morgan, a réagi à Bitcoin[6]! Tu vois qu’il y a plusieurs tendances et que l’ancienne économie, ce n’est pas aussi monolithique qu’on le pense. Il y a des gens pour qui la stratégie sera de combattre la crypto et d’autre pour qui ça sera de trouver à en tirer quelque avantage.

On a aussi eu le rachat de Poloniex par Circle, détenu en partie par Goldman Sachs[7]. Une banque d’investissement qui rachète une des plus grandes places de marché de crypto en ligne quatre cents millions de dollars, c’est édifiant.

Je pense qu’il y a assez de place pour eux, mais il faudra qu’ils revoient leur modèle. Ça me fait beaucoup penser aux compagnies de téléphone au moment où internet est arrivé : ceux qui ont pris le virage s’en sont bien sortis, les autres sont morts. 

 

VanPelt :  As-tu des exemples d’actions antisystèmes concrètes menées par les cryptoanarchistes.

CryptoBéru : Aujourd’hui, le système de financement direct de Wikileaks se fait en Bitcoin, Zcash et Monero[8] .  Dash finance des actions au Vénézuéla. Le Vénézuéla est devenu l’un des pays ayant le plus d’activités économiques en crypto. Ben Swann a été sponsorisé par Dash après les persécutions qu’il a subies suite à son émission Reality Check sur le PizzaGate[9][10].

 

VanPelt : Qui décide de sponsoriser un libre penseur chez Dash et est-ce que ce serait possible au Québec?

CryptoBéru : Ça dépend de la visibilité. Ben Swann génère des millions de vues à travers le monde. Le sponsoriser, c’est aussi bon pour le rayonnement de Dash.

 

VanPelt : Ils pourraient sponsoriser LBDP, Soral ou Dieudonné?

CryptoBéru : C’est possible, mais la priorité de Dash ce n’est pas le soutien à des causes politiques. Il n’y a pas de ligne politique à proprement parler. Il choisira plutôt de développer son modèle économique dans des endroits qui en ont besoin, comme le Zimbabwe ou le Vénézuéla. Les masternodes de Dash sont des anarchistes, alors ils auraient surement des scrupules à financer des médias comme CNN (rires).

Victor Rumilly : Ouais, il faut attendre que l’état québécois faillisse pour avoir leur soutien (rires).

VanPelt : Il faut qu’ils financent le PQ à ce moment-là (rires)!

Victor Rumilly : C’est ça (rires)!

CryptoBéru : (Rires)! J’attends de voir comment les caisses populaires vont réagir face aux cryptos parce que c’est un modèle coopératif, donc un modèle qui pourrait bénéficier de la crypto. Plus qu’une banque classique! S’ils sont assez visionnaires, ils peuvent trouver quelque chose pour eux.

 

Amérique latine, nouveau pôle de la cryptoanarchie?

VanPelt : Tu étais à Acapulco pour une série de conférences importante.  Peux-tu nous en parler?

CryptoBéru : C’était la quatrième édition d’Anarchapulco, au Mexique. En fait, c’est un gars qui s’appelle Jeff Berwick, un Canadien d’origine, qui habite au Mexique en ce moment et qui faisait des podcasts sur YouTube, qui est à l’origine de l’évènement. Acapulco était l’endroit idéal pour l’organiser : c’est une ville touristique en déclin avec beaucoup d’infrastructure d’accueil. C’était un peu vide. Ça a eu le mérite d’y ramener un peu de monde.

Au début, ça ne rassemblait que quelques centaines de personnes, puis ça a augmenté. Cette année, nous étions mille-cinq-cents. Ça s’étale sur cinq jours et c’est essentiellement des conférences centrées sur l’anarchie et l’aspect anarcho-capitaliste.

 

VenPelt : Et qui y va?

CryptoBéru : La plupart sont des personnes qui ont déjà une certaine indépendance financière parce que ce sont ceux qui ont été les premiers à s’impliquer et à s’investir dans la cryptomonnaie. Ils viennent de partout dans le monde. Il y a beaucoup de Canadiens en tout cas.

C’est la première fois que je me retrouve parmi des gens qui me ressemblent : même référence, même idéologie politique...

Ça fait du bien de ressentir qu’on appartient à quelque chose de plus grand que soit.

 

VanPelt : Est-ce que le Mexique voit ça d’un bon œil?

CryptoBéru : Je ne pense pas que l’état mexicain soit tellement plus permissif ou plus bienveillant qu’un autre vis-à-vis de ce type d’évènement ou de la cryptomonnaie en général. Je sais qu’Agustín Carstens, le directeur du Bank of International Settlements (BIS), qui est un peu la banque centrale des banques centrales, est un Mexicain. Il a pris la position la plus opposée à la crypto que j’ai pu voir pour un leader institutionnel. Quant à la population en général, elle n’est pas encore très au courant : c’est encore trop nouveau. J’ai essayé de trouver une manière d’utiliser des crypto à Acapulco et je n’ai rien trouvé du tout, à part dans l’évènement bien sûr.

 

VanPelt : Le Vénézuéla mise gros sur une cryptomonnaie souveraine, le petro. Ton avis sur le sujet?

CryptoBéru : Il est encore tôt pour en parler. On sait que ça va être corrélé au cours du pétrole et que ça va être émis par une sorte de banque centrale. Donc, ce n’est pas du tout un modèle décentralisé. C’est crypto dans le sens que c’est virtuel. L’idée c’est de se servir de leur ressource naturelle principale, le pétrole, pour financer la devise nationale qui ne vaut presque plus rien. L’adosser à une ressource, ça limiterait l’inflation.

 

VanPelt : les autres devises virtuelles s’intéressent également au Vénézuéla, n’est-ce pas?

CryptoBéru : Oui! En fait, ça fait partie des premiers marchés qui pourraient bénéficier du produit qu’on offre. Comme ils vivent avec une devise qui est moribonde, ça nous intéresse. On propose une monnaie d’échange. Si quelqu’un peut tirer quelques bénéfices de notre produit, alors c’est naturel pour nous d’investir. D’ailleurs, on a un bon pourcentage de notre fonds de développement qui est consacré à ces régions-là. Pareil en Afrique, au Zimbabwe.

 

VanPelt : Les autres devises font ça aussi?

CryptoBéru : Les autres devises n’ont pas nécessairement autant de budget que nous. Nous sommes assez uniques à ce niveau-là. On peut vraiment autofinancer tous nos projets de développement. Par contre, le Vénézuéla est un pays ou l’échange en crypto est plus toléré qu’ailleurs. Que se soit en Bitcoin, en Litecoin ou autres, tu auras plus de chance de pouvoir les utiliser là bas.

 

VanPelt : Quand on parle de l’Amérique latine, on en vient très vite au sujet des cartels. La crypto est souvent montrée du doigt par les médias du système comme la monnaie des narcotrafiquants. En particulier le Monero, connu pour son opacité. Est-ce que la crypto est réellement devenue l’apanage des malfaiteurs ou c’est du bruit?

CryptoBéru : Il y’a des banques qui se sont faites pogner à blanchir des milliards pour les cartels mexicains (Wachovia[11], HSBC[12], Robobank[13]). Si les cartels utilisaient des cryptos en ce moment, ça ne représenterait même pas un pour cent de leur activité. Ça serait absurde de prétendre que la crypto serait la monnaie du trafic. Tu sais, la nature d’une devise est agnostique. Tu ne peux pas réduire une activité économique à ses travers. Une pièce d’or pourrait autant servir à vendre de la drogue que de la nourriture. Après, effectivement, Monero offre un anonymat qui permet de dissimuler des activités illicites.

 

VanPelt : Ouais. On fout deux types du FBI à tes trousses et ils te retrouvent, il parait. 

CryptoBéru : Avec Bitcoin, c’est sûr! Ce n’est absolument pas anonyme. On te retrouvera comme tu veux. Ça sera même plus facile qu’avec du dollar. Avec Monero, ce n’est pas possible : l’ensemble de la blockchain est bloqué. Bitcoin n’a pas un degré d’anonyma très élevé, mais certaines monnaie insistent sur l’anonymat et s’arrangent pour que les transactions soient intracable (Zcach, monero, Dash).

 

Cryptomonnaie et indépendance financière

VanPelt : Quels bénéfices des associations politiques comme les nôtres pourraient tirer de la cryptomonnaie?

CryptoBéru : Premièrement, en adoptant la crypto, on intègre un marché et une communauté. C’est marginal pour l’instant, mais c’est en croissance. L’avantage principal, c’est l’indépendance. Quand tu as des outils qui te permettent de garder tes ressources à disposition et de les utiliser comme tu le veux, tu te mets à l’abri de la censure. Wikileak en est un parfait exemple. Ça, pour moi, c’est l’application principale.

 

VanPelt : Oui. On oublie que la technologie blockchain s’applique aussi bien à de la monnaie virtuelle qu’à du contenu de tous genres.

CryptoBéru : Oui! Aujourd’hui, YouTube est critiqué pour sa tendance à censurer du contenu. S’ils en ont le pouvoir, c’est parce que ça reste une plateforme centralisée. C’est pour ça que Dtube[14] qui est en train de devenir un concurrent important de YouTube. Dtube est construit sur une blockchain : Steem[15]. Il publie tous les jours du contenu incensurable.

 

VanPelt : Est-ce qu’utiliser la crypto pour trouver une indépendance financière serait en contradiction avec nos valeurs ?

CryptoBéru: Je te répondrai par une autre question : Est-ce que le fait d’avoir ton épargne dans une institution bancaire, ce n’est pas déjà en contradiction avec tes valeurs ?

VanPelt : (rires)

CryptoBéru: Regarde la manière don fonctionne les banques. Elle est là la contradiction, je trouve.

 

VanPelt : D’accord, mais alors on s’y prendrait comment? Il faudrait spéculer nous même, se faire sponsoriser ou faire un appel aux dons?

CryptoBéru : Ce qui serait malin, c’est de publier sur des plateformes comme Steem pour être payé si ton contenu est  beaucoup consulté. Ce n’est pas un appel aux dons : sur cette plateforme, le fait de consommer ton produit génère de l’activité économique. La devise de Steem est distribuée aux publicateurs. La création de contenu est le moteur qui fait tourner le système. Vous bénéficierez directement de l’inflation. Si LBDP  a un lectorat important, vous toucherez du revenu.

Et ça, ça s’applique à tout.  Prends la musique, par exemple. La façon dont fonctionne l’industrie musicale est révoltante! Pourtant, la technologie est là pour qu’ils puissent s’autoproduire. Il va y avoir des systèmes qui vont payer directement les créateurs. C’est déjà le cas pour les blogs, les auteurs…  Si t’es musicien, que tu acceptes de diffuser directement ton produit et que les gens aiment, tu seras rémunéré.

On en n’est qu’aux prémices, mais je pense que c’est ça l’avenir.

 

VanPelt : Pour terminer. À la suite de la baisse importante du Bitcoin en janvier, les médias traditionnels ont crié à l’explosion de la bulle, à l’effondrement de la crypto, à la fin d’un rêve….et puis finalement, le Bitcoin et remonté. Qu’est-ce que t’en penses? 

CryptoBéru : Là, on entre dans la psychologie. Quand on parle de trading, on analyse des comportements collectifs et la psychologie collective. Le marché des cryptos, ça a toujours été ça. Le Bitcoin l’illustre bien : t’as une montée fulgurante, ensuite une certaine correction, il se stabilise pendant un temps puis on voit apparaitre une nouvelle bulle. On a toujours l’impression que le dernier pic[16] devient la mesure étalon, mais si on observe un marché financier quelconque, on observe toujours ce qu’on appelle de l’exubérance irrationnelle ; c’est-à-dire  que les émotions sont tellement positives qu’il n’y a plus de limite à la croissance, mais on retombe toujours sur terre à un moment donné. La prochaine fois, Bitcoin montera peut-être à cent milles. Et quand il sera rendu à cent mille, les gens vont dire « Ouais, est-ce que c’est vraiment rationnel ?» et c’est là que la correction[17] arrive. Et après, ça recommence. Les courbes que tu vois dans les marchés financiers, ce sont aussi les courbes des émotions que ça suscite.

Regarde, quand j’ai commencé à m’intéresser à Bitcoin, il valait cinq piaces et les gens disaient «est-ce que ça peut monter à vingt piaces? Bhen nooooon! Ça s’peut pas!». Regarde maintenant! Ça fait presque dix ans que je m’y intéresse et c’est toujours les mêmes questions. «Vingt piaces, ça s’peut-tu? Non! », après «Cent piaces, ça s’peut-tu? Non!», pis «Mille piaces? Non!». Aujourd’hui, est-ce qu’on pourrait imaginer qu’il monte à un million? Peut-être bien que oui!

 

Victor Rumilly : La chute récente est-elle due directement à la spéculation?

CryptoBéru : C’est possible.  Quand Bitcoin est monté à vingt mille piaces, la spéculation était tellement irrationnelle que le prix est monté à un niveau qui peut sembler irrationnel. Vingt mille, comparer à l’activité économique que ça représente, ça peut effectivement sembler irrationnel, mais ça ne veut pas dire que ça soit irrationnel si ça monte à cent mille dans un an.

 

Victor Rumilly : est-ce qu’il y a des monnaies plus rationnelles que d’autres?

CryptoBéru : Oui. Je pense que c’est le cas pour Dash, mais c’est personnel.

 

 


[1]Héberger le réseau en échange de devises virtuelle.

[3]Programme novateur justifiant à lui seul une forte utilisation.

[16]Le prix atteint le plus haut

[17]Chute soudaine du cours

Commentaires   

 
0 #1 Victor Rumilly 27-03-2018 19:03
Je souhaite que les nationalistes québécois prennent acte de cet entrevue.
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