8 commentaires
Lionel Rumilly
Groulx aurait aimé que le peuple québécois s'aime... L'a-t-il amené à s'aimer pour ce qu'il était vraiment ? Est-ce que Capitaine América représente un personnage que les Étasuniens peuvent aspirer à devenir ? Ne leur fait-il pas illusion sur ce qu'ils deviennent ? C'est-à-dire de paresseux lâches, esclaves de la marchandise.
Contrairement aux héros américains (Super-man, Wonderwoman et Capitaine America donc), nous pourrions aspirer à devenir des héros «groulxiens». Ça nous est accessible. Seulement, il faut y croire. Le héros groulxien comme n'importe quel super-héros est embelli. Il est un peu plus réaliste qu'un héros marvel ou DC comics, mais, moins spectaculaire, il est un peu moins séduisant d'y croire. Le héros groulxien satisfait le contre-révolutionnaire, alors que le héros marvel ou DC comics satisfait l'idéal révolutionnaire caché en nous. L'objectif de Groulx n'est pas de proposer aux Québécois de se substituer à Dieu comme dans marvel ou DC comics – renverser Dieu aurait un penchant révolutionnaire -, l'objectif est d'offrir un modèle qui rend la servitude envers Dieu attachante. Le précédent article sur la biographie de Groulx exprimait la différence que je fais entre révolutionnaire et contre-révolutionnaire (1). Plate comme est la mécanisante vie moderne, nous nous satisfaisons mieux du divertissement qu'incarne le super-héros de Marvel ou de DC comics. Transparente et exhibitionniste comme l'exige la vie d'héroïne moderne, croire en l'héroïsme groulxien n'a rien de facile. Nos héros, on les veut parfaits. Le héros grouxlien bien qu'idéalisé a trop eu de détracteurs pour être parfait.
Susan Mann Trofimenkoff décrit Groulx comme « un poète, un fabriquant de mythe, un poseur de défi, un idéologue. » (2). Il est assez vrai que Groulx jouait régulièrement dans ces eaux. Dans ce même article analysant le thème des femmes dans l'oeuvre de Groulx, l'auteure écrit : « On le croirait gêné d'admettre que « ses femmes, si fortes et si admirables », puissent avoir de graves défauts. » Le vieux garçon qu'est Groulx a en effet une perception de la femme que le mariage ne lui a pas rendu réaliste. Groulx avait de trop grande ambition pour elles. Groulx voulait faire des femmes, qui ont mis au monde le Québec, des héroïnes, des « wonderwomen ». À la différence de wonderwoman (héroïne aux pouvoirs divins), les héroïnes groulxistes ont des pouvoirs plutôt terre à terre, assez normaux. Elles sont travaillantes, elles ont du caractère, elles sont pieuses et croyantes. Ces pouvoirs sont accessibles à la population. Faire croire aux gens qu'ils ont les moyens, s'ils agissent bien, de bien servir Dieu m'apparait plus honnête que de faire croire aux gens qu'ils pourraient avoir les capacités de le remplacer.
On a aussi beaucoup reproché à Groulx d'embellir les personnalités historiques canadiennes françaises, notamment Louis-Joseph Papineau et Dollard-des-Ormeaux. Groulx voulait offrir des héroïnes mais aussi des héros canadiens-français aux jeunes. Dollard-des-Ormaux en est le plus frappant des exemples. D'un point de vue, Dollard aurait été celui qui, en faisant rebrousser chemin aux Iroquois, aurait sauvé sacrificiellement la colonie de Montréal. D'un autre point de vue, généralement anti-Groulx, son expédition qui a sauvé Montréal avait pour but de dépouiller les Amérindiens des peaux. En somme, Dollard serait un vulgaire voleur comme il y en avait tant d'autres à cette époque. Groulx avoue du bout des lèvres une imperfection à Dollard dans «Dollard est-il un mythe ?». Il avoue qu'il est fort propable que Dollard piquait des peaux aux Amérindiens. Mais, pour défendre Dollard, il ajoute que personne ne pourrait lui en crier gare, puisque la survie dans la colonie dépendait de ses peaux. Cela n'en fait donc pas moins un héros. Dans «Dollard est-il un mythe ?», Groulx persiste et signe : Dollard est bel et bien un héros et son altercation avec les Améridiens avait été planifié. Groulx contredit ainsi la thèse d'une simple coïncidence entre un vol de peaux parmi d'autres et la sauvegarde de Montréal par l'intervention de Dollard qui a fait rebrousser chemin aux Iroquois. Ce débat historique passionnant n'enlève pas l'aspect mythologique que Groulx insufflait à son histoire. Le mythe ne disqualifie pas son travail d'historien. Peut-être aurait-il dû choisir entre historien se réclamant d'une scientificité et créateur de mythe ?
La survivance canadienne-française : un succès dont nous serions, Canadiens-français, seuls responsables ?
Groulx bafouait la conception de l'histoire selon laquelle la conquête anglaise aurait eu des vertus providentielles protégeant la colonie canadienne des hérétiques Lumières françaises qui eurent ravagé le bon caractère des Canadiens-français après la Révolution Française. Cette conception de l'histoire avait pourtant un côté pratique : le Canadien-français, tout en restant catholique et français grâce au coup de main des Anglais, participait à la marche de l'Empire, donc, d'une certaine manière, il accomplissait quelque chose de positif et de constructif. Il ne se battait pas contre quelque chose, avec très peu d'espoir de vaincre, comme c'est le cas chez Groulx. Pour Groulx, la survie du français en Amérique n'est pas dû aux anglais. Groulx préférait présenter notre survie en tant que résultat de notre héroïsme de tous les jours. Construstive et positive, son histoire n'en n'était pas moins une perpétuelle opposition...
Le mythe religieux
Le péché commis par Groulx, selon un point de vue athée, fut de croire aux histoires religieuses. Dans «La Grande Dame de notre histoire», Groulx parle de Marie Guyart (Marie de l'incarnation) en ses mots : « De ce jour aussi, et l'on peut même dire bien avant ce jour, la voilà qui se dit « possédée de Dieu ». Phénomène qui nous dépasse. Ne parlons point de mystique-née, si tant est que pareil miracle se puisse produire. Mais il appert, à coup sûr, que Dieu s'est emparé de cette âme avec une sorte de violence. On pense à l'antique prise dépossession des prophètes. Âme élue et d'une élection éminente, parmi les mystiques, Marie Guyart se livre à la contemplation aussi facilement qu'elle respire. Même au service de son frère, dans le brouhaha des affaires, elle reste contemplative. Elle-même nous en a laissé le témoignage : « Ni le bruit des rues ni ce que j'avais à traiter avec les marchands ni tous les soins dont j'étais chargée ne me pouvaient tirer de la liaison intérieure que j'avais avec la Divinité. De toute évidence, Dieu tient cette femme, l'envahit jusqu'en ses replis les plus profonds. Possession totale et pour jamais. »
Qui aujourd'hui prendrait le témoignage d'une mystique pour vérité ? Et bien voilà pourtant l'héroïne groulxienne démaquillée.
Le rêve de Groulx
La plaque commémorative devant l'édifice de la fondation Lionel Groulx, rue Bloomfield à Outremont, reprend une de ses citations : « Jusqu'à la fin de ma vie, j'aurai révé grand, désespérément grand, pour mon pays et les hommes, mes frères, qui l'habitent. »
La grandeur qu'il recherchait le rendait idéaliste dans le cœur cynique des perdants... autrement dit, le cœur cynique de l'élite québécoise.
Est-ce sain de faire croire aux enfants des histoires défiant toute logique leur permettant de se créer un idéal repoussant les limites permises au citoyen ordinaire ?
Est-ce sain de démolir les mythes qui permettent à ces enfants de rêver ?
La réponse n'est pas simple et vous le verrez dans la suite de cet article qui portera sur le personnalisme dont plusieurs héritiers de Groulx furent les propagateurs.
(2) https://www.erudit.org/en/journals/haf/1978-v32-n3-haf2102/303716ar.pdf
Commentaires
Pour dévier du sujet, le chanoine Groulx était un grand défenseur du catholicisme traditionnel, il admirait St-Pie X et avait en horreur les faux rénovateurs.
@Mike Deschamps. Je crois que la réaction de Gilles vient du fait que j'aille déjà remis en question son travail via Groulx http://www.lebonnetdespatriotes.net/lbdp/index.php/dossierslbdp/la-parole-a-nos-lecteurs/item/15973-fran%C3%A7ois-asselineau-sexprime-sur-la-question-catalane.
Donc, je ne serais pas surpris si c'était mon travail et non l'identité française, encore moins votre travail qui soit remis en question ici.
@Gilles Verrier Vous m'avez recontré et vous ne le savez pas. C'est pourquoi je n'ai aucune rancune à votre égard. J'en aurais si vous saviez que c'était moi et que vous m'aviez rien dit en personne.
J'espère simplement, monsieur Verrier, que les remises en question de vos articles ne sont pas synonyme de manque de patriotisme...
Sinon, bien... je préfère me joindre aux français ! qu'aux quelques rares québécois sectaires. On a bien plus de fun !
Pas de chance, l'auteur de cet article, Lionel Rumilly est un Québécois, pas un sale Français donneur de leçons.
Tu préfères peut-être les immigrants qui crachent à longueur de temps sur le Québec ?
Si tu veux sortir du pays, tu n'as pas le choix de prêter serment à la Reine...
J'aime bien les amis français et je leur suis très reconnaissant de leur appui mais je les vois mal occuper un rôle patriotique prépondérant - et encore moins se faire donneur de leçons - dans un pays où ils viennent de débarquer. Et je me dis, Oh là ! Qu'est-ce que ce serait dans leur propre pays si leur patriotisme se déployait avec autant d'ardeur !
Le Québec a besoin d'une France forte et souveraine.
Sinon d'immigrants éveillés qui donnent un exemple de retenue à tous les immigrants dans nos affaires intérieures. Autrement nous sommes dans le credo mondialiste.
S’abonner au flux RSS pour les commentaires de cet article.