lundi, 11 aout 2014 06:37

Perte de démocratie au Canada

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Ray Y. Adamson

  « La démocratie n'est pas automatique, et elle ne saurait rester forte ni saine sans des valeurs sous-jacentes et la ferme volonté de les protéger. » - Élections Canada[i]

 

 

Le Parti libéral du Canada s’est doté d’un nouveau règlement : les députés de cette formation politique n’ont plus le droit à la liberté d’opinion en matière d’avortement. Le chef du plus vieux parti du pays a déclaré que tout nouveau candidat devra se plier à la politique « pro-choix » du PLC. Les autres candidats seront bloqués[ii]. Les aspirants-candidats devront signer un affidavit manifestant leur engagement en ce sens et affirmer qu’ils voteront selon cette politique si l’occasion se présente, à défaut de ne pas être retenus comme candidats.

« Peu importe leurs points de vue, toutes les Canadiennes et tous les Canadiens sont les bienvenus au sein du Parti libéral du Canada. Toutefois, sous ma direction, les nouveaux députés libéraux devront toujours voter en faveur des droits fondamentaux de la femme. Lorsqu'on parle d'appuyer les droits des femmes, notre Parti doit parler d'une seule et même voix ». – Justin Trudeau[iii]

L’avortement a été décriminalisé par la Cour suprême du Canada dans le cas Morgentaler en 1988[iv] dans une décision qui – contrairement à une idée largement répandue – ne garantit pas le droit illimité à l’avortement, mais requiert que toute législation soit conforme à la Charte canadienne des droits et des libertés. S'il est tout à fait légal pour le Parlement de légiférer afin de limiter cette pratique, par exemple pour imposer une limite à l’avortement itératif, un tel projet n’a jamais été entrepris.

Il faut reconnaître que la société canadienne a accepté l’avortement depuis vingt-cinq ans. Cependant, le décret de Justin Trudeau transcende la question de l’avortement. En effet, que l’on soit pour ou contre l’avortement il est clair que le débat ne peut plus se faire au sein de son parti. On peut rester impassible en apprenant que pour chaque cent naissances par des adolescentes ontariennes, 152 grossesses sont interrompues[v] – ou on peut en être profondément bouleversé, peu importe! Le dogmatique Trudeau a érigé un tabou et dangereux précédent. Pouvons-nous sincèrement croire en la démocratie canadienne lorsque la discussion est carrément interdite?

Démocratie, définitions[vi] :

  1. - Système politique, forme de gouvernement dans lequel la souveraineté émane du peuple.
  2. - État ayant ce type de gouvernement.
  3. - Système de rapports établis à l'intérieur d'une institution, d'un groupe, etc., où il est tenu compte, aux divers niveaux hiérarchiques, des avis de ceux qui ont à exécuter les tâches commandées.

 

Le PLC vient de créer une situation impossible pour ses membres : en assemblée générale les avis dissidents sur ce sujet ne seront pas tenus compte. La carrière politique libre est irréalisable pour les aspirants-candidats, dont trois ont déjà été élus sous les couleurs rouges et blanc et pour qui le retour au parti est maintenant officiellement interdit; ceux-ci s'étant déjà prononcés publiquement contre l’avortement dans sa forme actuelle[vii]. Finalement, il sera insupportable pour les citoyens canadiens ayant des opinions à faire valoir à leur gouvernement-serviteur et dont les élus seront limités dans leurs choix par des politiques dictatoriales.

Il s'avère que le Nouveau Parti démocratique s’est doté d’un règlement similaire depuis les années où il était relativement inconnu. Cela est inscrit dans son livre orange[viii]. Il ne reste plus aucun parti fédéral ayant des ramifications nationales qui laisse la liberté de conscience aux députés – sauf pour le Parti conservateur. Ce dernier peut bien être au gouvernement aujourd’hui mais il ne représente presque personne dans l'est du pays. Les conservateurs ont remporté seulement cinq des 75 sièges du Québec car le reste de leur plateforme est peu attrayante, et les québécois ne voteront pas plus conservateur pour la liberté de conscience de ce parti. De toute façon, Stephen Harper s’est engagé à ne pas rouvrir le débat[ix]. Il n’existe plus de choix politique pour les Canadiens en matière d’avortement, et ce d’un océan à l’autre.

Au-delà de l’avortement, il reste le principe de liberté de conscience. Quelle est cette démocratie dans laquelle le droit à l’opinion n’existe plus? Quel est ce Canada où on ne pourra jamais voter selon sa conscience au Parlement car les partis auront verrouillé l’accès aux sièges? Il est grand temps de repenser notre système électoral, car notre démocratie est en grave danger.

 

 

Crédit photo :  Adrian Wyld / The Canadian Press

 

[i] http://www.elections.ca/content.aspx?section=res&dir=ces&document=part2&lang=f

[ii] http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-canadienne/201405/...

[iii] http://www.liberal.ca/fr/salle-des-nouvelles/blogue/justin-trudeau-droit...

[iv] http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/1988/1988canlii90/1988canlii90.html

[v] http://powerstudy.ca/wp-content/uploads/downloads/2012/10/Chapter10-Repr...

[vi] Selon le dictionnaire de français Larousse

[vii] http://www.985fm.ca/national/nouvelles/la-position-pro-choix-de-trudeau-...

[viii] http://xfer.ndp.ca/2013/policybook/2013-04-17-PolicyBook_F.pdf

[ix] http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-canadienne/201405/...

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