mercredi, 28 janvier 2015 19:14

Mon devoir de mémoire

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Ray Y. Adamson

Il faut dire merci à Sophie Durocher. La veille du 70ème anniversaire de la libération d'Auschwitz elle a encouragé ses lecteurs à visiter le Centre commémoratif de l’Holocauste de Montréal dans sa chronique intitulée « Auschwitz: ne pas oublier ».

OUVERTURE D'ESPRIT

Je suis un grand consommateur d'information et j'avoue être écœuré de l'interminable matraquage médiatique de ce qu'un mauvais esprit a nommé la « Shoah-business ». L'antisémite Dieudonné ? Non. En fait, c'était le ministre israélien des affaires étrangères Abba Ebban, mais peu importe. J'ai alors décidé de mettre de côté mes préjugés et de faire mon devoir de mémoire comme tout bon citoyen le devrait.

UNE BÂTISSE IMPOSANTE

L'immeuble abritant le Musée de l'Holocauste de Montréal est impressionnant tellement il est grand. Devant l'entrée flottent quatre drapeaux : d'un côté ceux du Québec, du Canada et de Montréal. Le drapeau israélien a l'honneur d'occuper l'autre côté à lui tout seul. À gauche du poste de garde, l'entrée du Mémorial est occupée par une caissière. L'entrée est exceptionnellement gratuite en ce triste jour d'anniversaire, mais une question me chicote aujourd'hui : est-il acceptable d'une perspective morale d'exiger de l'argent en ce lieu ? Il n'y a pas de caissière aux cimetières québécois. Est-ce un mémorial ou un musée? La réponse à la fin de ma visite.

 

 

IL Y A QUELQU'UN ?

Avec toute la promotion de l'élite intellectuelle insoumise de notre fière nation, je m'attendais à ce que l'endroit soit bondé. Que nenni ! Est-ce que la Shoah n'intéresse pas grand monde, même gratuitement ? Peut-être que les gens travaillaient. Les Russes auraient dû libérer le camp un samedi, ça aurait fait plus d'audience je crois.

VISITE GUIDÉE AVEC UNE PROFESSIONNELLE

Nous étions néanmoins une dizaine de personnes, certaines attendaient qu'un tour guidé commence. Je suis arrivé juste à temps et une gentille dame sépharade et francophone nous a accompagnés à travers le Mémorial. En premier, elle a démontré que les Juifs sont des gens comme les autres et qu'ils viennent d'origines sociales et économiques variées. Elle a expliqué les divisions sépharade et ashkénaze. Tout allait bien jusqu'à la deuxième minute où j'ai entendu une phrase qui m'a interpellé.

QUI A FORMÉ CETTE « GUIDE » ?

Selon cette dame, « 60% des Juifs de Montréal vivent sous le seuil de la pauvreté. On ne les voit pas mendier dans la rue, parce qu'il y a la Tsedaka1, car les Juifs doivent s'occuper, ils doivent s'occuper des Juifs. En fait, tout le monde doit payer ». Je ne m'attarde pas aux statistiques mêmes surprenantes mais ce fragment de phrase - tout le monde doit payer - a résonné dans mon oreille jusqu'à ce que la dame nous parle du Traité de Versailles.

Si sa première phrase n'était qu'une expression innocente de sa conception de solidarité sociale, la prochaine m'est vraiment apparue comme teintée de vengeance mystique : elle affirma que suite à leur défaite, les Allemands ont été contraints de « payer une grosse dîme ». Une dîme. Comme ce qu'on payait à Église, la taxe religieuse née de l'offrande d'Abraham à Melchisédech. Encore là, peut-être n'est-ce qu'un malheureux choix de termes.

 

 

En nous montrant des exemples de propagande nazie, toujours véhiculée par certains aujourd'hui, elle nous explique qu'il y a « sept milliards d'êtres humains sur la planète, parmi lesquels 14 millions de Juifs dont la moitié se trouve en Israël. C'est physiquement et mathématiquement impossible pour eux de contrôler le monde ». Bon là j'étais d'accord ! Sept millions qui servent de chair à canon en Israël ne dominent pas le monde. D'ailleurs, Israël n'existait pas encore à l'époque des Nazis. Mais les Rothschild étaient des banquiers très puissants. Ils le sont toujours. Ce n'est pas totalement dénué de bon sens de croire que les puissants de ce monde exercent un certain contrôle, à travers leurs sociétés d'élites comme les Bilderberg. Même après l'échec du communisme russe, trois quarts des oligarques entourant Vladimir Poutine sont juifs...comme en occident. Je ne vois pas pourquoi la caricature qu'elle nous a montrée de Rothschild tenant le monde est antisémite. Elle aurait très bien pu être anti-élitiste. S'il avait été musulman crierions-nous à l'islamophobie ?

 

 

J'étais surpris d'apprendre durant ce tour que nous ne sommes pas créatifs, car durant les autodafés, ce sont les livres des Juifs qui furent brûlés. Notre guide a expliqué que « brûler les livres juifs, c'est envoyer toute la créativité du monde au feu ». Je me suis senti soudainement très petit et j'ai eu honte de ma non-judéité.

 

 

La Nuit de Cristal fut un pogrom contre les Juifs du Troisième Reich qui se déroula dans la nuit du 9 novembre au 10 novembre 1938. Madame explique: « Kristallnacht, c'était organisé par Goebbels. 7 500 magasins attaqués. Des synagogues brûlées. Si un appartement était connu comme appartenant à un Juif, tu pouvais y entrer, voler, violer, éventrer, faire n'importe quoi ». Je ne savais pas que des Juifs étaient éventrés durant la Kristallnacht. Un historien devrait creuser le sujet, peut-être que ce récit colle avec la réalité. Mais hélas! je crains que c'est comme ça que les bobards de guerre sont créés. Celui-ci est nouveau, ce n'est même pas un bobard de guerre officiel.

 

 

La cruelle ironie : « Les Allemands ont vu que "une balle, un Juif" c'était trop cher, alors ils ont utilisé le système ferroviaire - qui était construit par les Juifs, d'ailleurs - pour les emmener et les tuer ». Et moi qui pensais que l'économie était le point fort des Juifs et l'industrie celui des Allemands ! La vérité, c'est l'inverse finalement.

« En deux heures, ils faisaient tout. Tu descendais du train. Ils te rasaient. Ils récupéraient tes dents - car à l'époque il n'y avait pas de plombages, les dents étaient en or - et ils t'envoyaient aux douches. Ils prenaient ta peau, parce qu'ils faisaient des abat-jours avec ». J'ai voulu demander si les nazis récoltaient les peaux avant ou après le gazage, le cyanure du Zyklon-B étant hautement toxique, mais je me suis retenu. Ce bobard de guerre a depuis longtemps été prouvé comme frauduleux. Je me suis rappelé que j'étais là dans un lieu de recueillement. Je faisais, en marchant pas à pas, mon devoir de mémoire. Il était donc préférable pour moi de rester à l'écoute et de respecter les victimes - malgré les mensonges qu'on faisait à leur égard.

 

 

Comme à Yad Vashem, haut temple shoatique, devant le mur des collaborateurs on oppose le mur des Justes. Il faut bien le rappeler à l'Humanité : malgré que le Mal nous habite tous, il y a une lueur d'espoir car certains non-juifs ont su sortir de leur état sauvage naturel pour sauver des déportés. Ce fait est digne de mention car le Musée nous a appris que nous étions tous coupables, du plus petit d'entre nous jusqu'au au Pape. Même les Québécois dans leurs petits villages lointains ont une part de responsabilité dans la Shoah. Voyez ci-dessous ce qu'ont écrit les antisémites à Sainte-Agathe. C'est écrit direct en bilingue pour sauver du temps2.

 

 

 

Cependant, j'aimerais revenir à ma première question: est-ce un musée ou un mémorial ?

La dernière pièce visitée nous offre cette scène : une flamme éternelle au-dessus d'une colonne. Celle-ci était importée par des Montréalais d'un temple juif détruit à Varsovie, si je ne m'abuse. Pendant qu'elle nous parlait, la guide caressait l'objet entre la colonne et la flamme, ce qui m'a un peu dégoûté quand j'ai appris que c'était des cendres des victimes brûlées. Apparemment, des Montréalais sont partis récupérer les restes de morts dans des fours crématoires d'Auschwitz. Il y avait là pour moi quelque chose d'obscène. J'étais mal à l'aise de la voir faire ces caresses macabres. J'ai pris une pierre comme elle a demandé et je l'ai posée sur la colonne. Elle disait que les Juifs errants dans le désert n'avaient pas de fleurs; ils mettaient des roches. Feu, cendres, pierres. Ça puait la mort. Cet endroit n'est pas un musée. C'est un endroit où l'on pratique le culte de la mort - et dans ce culte, point de rédemption.

 

 

 

Je ne peux pas oublier une des choses que ma guide a dite : « Toute cette industrie de la mort que les Allemands ont commencée ne leur a pas coûté un sou. Ils ont pris l'argent des Juifs ». Depuis soixante-dix ans, on peut dire que la situation s'est totalement inversée. Les mots suivants sont inscrits en haut des bougies représentant les six millions de morts de la Shoah : Nous sommes les héritiers...

En effet, nous héritons tous de quelque chose. Certains de la culpabilité et d'autres...de la dîme.

 

 

1. Terme hébreu désignant dans le judaïsme le principe religieux de l’aumône

2. Citation de l'éternel Elvis Gratton

 

Commentaires   

 
0 #1 JV 19-03-2015 16:02
Il n'y a jamais eu d’écriteaux "Interdit aux chiens et aux juifs" sur les plages du Québec. Cette pratique, il est vrai était largement répandu en Ontario. Encore la Chutzpah éternelle. Toujours culpabiliser le bon goy, lui qui paye sa "dime" chaque jour au marché via le racket du "tout casher".
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