samedi, 09 novembre 2013 18:00

Le malaise du 11 novembre

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Ray Y. Adamson 

L’histoire appartient aux vainqueurs et la mémoire, bien qu’on y fasse un devoir à chaque année, est colorée par ceux qui façonnent l’histoire. Sans aucune ouverture d’esprit préalable, il suffit de visiter un musée à Dresde ou à Hiroshima pour constater que notre notion de qui sont les gentils et qui sont les méchants doit être recentrée. De plus, celui qui s’intéresse à la période d’entre deux guerres, telle qu’elle était vécue en Allemagne suite au Traité de Versailles, réalise rapidement que la responsabilité de la Deuxième guerre mondiale n’appartient pas exclusivement à l’oncle Adolf.

La sauvagerie n’est pas l’apanage de nos anciens ennemis, et la punition collective imposée par un honteux traité en 1919 – voilà deux sujets qui méritent réflexion dans le cadre de la célébration de l’armistice du 11 novembre 1918. La raison est simple : tel qu’énuméré plus haut, c’est la valeur de justice, la soif de liberté et le désir de ne plus jamais reproduire cette atrocité qu’est la guerre que nous voulons exprimer en honorant nos soldats et leurs sacrifices.

Or, pourquoi nos soldats sont-ils morts? Il est souvent dit qu’ils sont morts pour la démocratie (liberté, justice, paix) ou par la locution ambigüe anglophone « for the preservation of our way of life ». Qu’en est-il vraiment? Notre « way of life » – la démocratie – peut-on vraiment dire que la Grande guerre l’ait préservée? D’ailleurs, la démocratie n’était même pas un enjeu en ‘14-‘18. Cette notion absurde que notre liberté était en péril pour toute autre personne que les soldats et les victimes de la guerre n’est qu’un produit de l’outil de rhétorique susmentionné servant à justifier la machine de guerre.

Ainsi nous pouvons porter notre attention sur la question de la quête de justice. Ce n’est pas une justice de trainer le monde entier à la guerre pour venger l’assassinat d’un arche-duc. Au terme de la guerre, ce n’est pas non plus de la justice d’étouffer le peuple de la nation perdante avec la dette de la guerre tout en lui empêchant de la rembourser par l’imposition de sanctions économiques. Quand on sait que l’Allemagne a effectué son dernier paiement de « réparations » de la Première guerre mondiale le 3 octobre 2010 – près d’un siècle après la guerre – on peut se demander si le mot justice ne change pas de sens au gré de celui qui l’utilise.

Pour la question de la soif de liberté, il faut rappeler que le Canada ne se faisait pas attaquer, donc il faut arrêter de dire que les vétérans se sont battus pour « notre » liberté. Il est vrai toutefois qu’en récompense de leurs sacrifices le Canada a mérité de s’affranchir un peu de la domination britannique (siège indépendant à la Conférence de paix de Paris, siège à la Société des nations), mais ce n’est pas cette liberté qu’ils vendent dans les livres d’histoire, à l’école. Pour clore le sujet de la liberté, il est clair pour tous qui voient le lien entre la dette et la servitude qu’à la suite de la Première guerre mondiale, nous étions moins libres qu’à ses débuts. Les premières obligations canadiennes étaient émises à 5.5% en 1917 et aujourd’hui nous payons toujours le service d’une dette qui ne fait que croître.

Est-ce même nécessaire d’adresser le troisième item – de se souvenir afin de ne plus jamais reproduire l’atrocité qu’est la guerre? Lorsqu’on qu’on se souvient que la Première guerre mondiale est nommée la Guerre qui mettrait fin à toutes les guerres, on peut bien rire de ce vœu pieux!

Il faut une place pour les rituels, et il est très important d’honorer nos soldats et célébrer l’armistice. Toutefois il est essentiel de le faire suite à une introspection, avec objectivité et surtout avec honnêteté. Ces braves gens ont suivi des ordres et fait d’énormes sacrifices dans le cadre de leur travail. Même les généraux ne portent pas la responsabilité de la guerre, celle-ci est d’ordre politique. Cette guerre n’était ni juste, ni nécessaire. Elle s’est soldée par un traité imposé avec une malveillance qui est directement responsable des tensions et souffrances ayant menées à la Deuxième guerre mondiale.

Il nous faut apprendre et enseigner les bonnes leçons : une paix doit être équitable et il ne peut y avoir de justice sans amour. Lorsqu’on aime quelqu’un, on ne le lie pas avec les chaines de la servitude. Les soldats de l’ennemi se sont aussi battus vaillamment et leur nation méritait la dignité. Si seulement les vainqueurs avaient fait preuve d’un comportement charitable envers l’ennemi, je ne sentirais pas un malaise en ce 11 novembre.

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