UNE TONNE PAR JOUR

Entre 2000 et 2005 la Banque vendait une tonne d’or par jour. Malgré ces ventes massives, la Suisse jouit des plus grandes réserves d'or par habitant de tous les pays du monde – l'équivalent de quatre onces par tête[iv] – ainsi qu'une forte tradition de raffinage d'or commercial et de joaillerie. Si l’histoire de la Suisse peut créer un préjugé favorable au vote, le nerf de cette affaire demeure le pouvoir d’achat des Suisses. Depuis que le franc suisse augmente en valeur, tous les pays de la zone euro font pression pour l'affaiblir. C’est pour endiguer les afflux de capitaux vers sa devise, une valeur refuge par excellence, que la banque centrale helvétique a fixé un taux de change minimum de 1,20 franc suisse par euro. La dépréciation du franc a tellement appauvri les Suisses (et ce n'est pas fini) qu'ils ont imposé un référendum sur la question.

LES CONSÉQUENCES D'UN VOTE « OUI » 

La Suisse devra acheter un minimum de 1 500 tonnes d'or sur une période de cinq ans. Cela représente 10% de la production annuelle mondiale[v] jusqu'en 2019. Ces achats seront permanents, car les ventes seront interdites. L'augmentation de la demande pour le métal jaune contribuera à soutenir son prix, ce qui enrichira tous ceux qui en possèdent. La valeur de l'argent métal augmentera avec l'or et probablement plus violemment encore. La Suisse se verra forcée d'abandonner sa politique monétaire concernant le maintien du taux fixe avec l'euro.

Dans un contexte de guerre des monnaies où plusieurs pays s'évertuent à augmenter le crédit par l'assouplissement quantitatif, un retour partiel au standard or en Suisse enverrait un message puissant aux investisseurs du monde: acheter des francs suisses c'est comme acheter de l'or. Le franc gagnera en valeur, et d'autres pays seront encouragés à annoncer des mesures similaires pour soutenir leurs devises.

Particuliers et investisseurs entendront les cloches annoncer la fin de la récréation pour les devises fiat. Corollairement, tous les instruments libellés en devises papier fonderont en valeur réelle - tels que les hypothèques, les bons du trésor et les fonds de pension. Pour préserver les valeurs, les pays concernés devront agir en conséquence - soit en embarquant sur la même voie, ce qui augmentera la demande davantage, soit par le protectionnisme économique... soit par la force.

Les mouvements d'or sont énormes ces derniers temps: la Hollande vient de rapatrier 122 tonnes, l'Allemagne essaie de rapatrier ses lingots des États-Unis[vii], et les pays du BRIC accumulent de grandes quantités. L'initiative suisse s'inscrit dans cette ruée mondiale avec la différence que c'est le peuple qui l'impose par référendum.

LES POUVOIRS PRENNENT ACTE

La Banque nationale suisse a publiquement rejeté l'initiative sur l'or et publié ses raisons[viii]. L'initiative pour l'or est également combattue par l'establishment politique[ix] et financier helvétique. Les agences de presse relaient les commentaire des chefs de banque centrale[x] et des banquiers internationaux[xi] afin de décourager l'initiative. Ah que ce référendum dérange - même en dehors de la Suisse! La banque états-unienne Paypal a bloqué le compte du camp du «oui»  l'empêchant de recueillir des dons pour sa campagne[xii]. Les promoteurs du camp du oui se voient couper leur temps d'antenne[xiii] au profit de ses opposants[xiv]. À l'instar des manipulations au référendum écossais, les pouvoirs en place vont tout faire pour faire gagner le camp du non. Les sondages sont d'ailleurs commandés régulièrement, et si les résultats étaient encourageants pour le camp du «oui» au début (le graphique ci-dessous provient du sondage du 15 octobre[xv]), les résultats diminuent au fur et à mesure que d'autres sondages sont effectués.

Au 15 octobre, c'est 45% «oui» et 38% «non». Moins de deux semaines plus tard, le 27 octobre c'est l'inverse: le «oui» tombe à 38% et le «non» récupère les sept points pour augmenter à 45%[xvi]. Il nous est impossible d'expliquer cette douche froide dans les intentions de vote en seulement douze jours, toutefois, il est à noter que même si l'échantillonnage est vaste (treize et douze mille répondants), les sondages sont effectués en ligne, ce qui en soit mine leur crédibilité[xvii].

UN THÈME CENTRAL COMMUN?

Les deux autres propositions soumises au vote ont effrayé la communauté internationale[xviii]. La plus controversée, initiée par un groupe nommé Ecopop, restreindrait l'immigration à 0,2% de la population résidente ou 16 000 personnes par an. Ça serait une réduction de 75 pourcent de l'immigration. La troisième question référendaire demande d'abolir le système d'imposition forfaitaire dont bénéficient les riches étrangers qui choisissent de vivre en Suisse.