mardi, 28 mars 2017 06:00

Les Nations-Unies à New York, un choix désormais discutable (1ère partie)

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Gilles Verrier

C'est le 1er  janvier 1942 que fut utilisée pour la première fois l'expression «Nations Unies».  Franklin D. Roosevelt, président des États-Unies, avait certainement le sens de la formule. À cette date les États-Unis jouissaient déjà du prestige qui leur permettait de réunir 26 pays, dont le Canada, et d'obtenir d'eux l'engagement de ne pas conclure de paix séparée avec les puissances de l'Axe (Allemagne, Japon, Italie). L'histoire rapporte ce moment comme précurseur de la fondation de l'Organisation des Nations Unies (ONU) qui verra officiellement le jour à San Francisco en 1945.

Revenons sur le contexte historique, ce qui va nous aider à mieux saisir les enjeux d'actualité qui sont mon véritable sujet. En janvier 1942, la France était occupée depuis plus de un an et demi par la Wehrmacht. À l'Est, l'Allemagne avait déclenché par surprise l'opération Barbarossa, en progression depuis le 22 juin 1941. L'agression allemande avait déferlé sur les plaines d'Ukraine et Léningrad était maintenant assiégée depuis le 8 septembre. Un siège qui durera près de 900 jours et qui fera à lui seul 1 800 000 morts dont 1 million de civils. Mais rien de cela n'avait décidé les États-Unis à s'engager jusque là dans cette guerre.

Ce n'est pas un fait très connu mais les États-Unis, qui avaient beaucoup investi dans l'économie allemande, s'accrochaient à leur politique de neutralité en regard de l'Allemagne. Quelque chose de particulier devait se produire pour que ça change. C'est l'attaque aérienne du Japon contre la flotte américaine à Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, qui produisit l'onde de choc sur l'opinion publique. Les États-Unis, touchés directement, ripostèrent dès le lendemain en déclarant la guerre au Japon, mais pas à l'Allemagne. Solidaire du Japon, c'est l'Allemagne qui jouera le prochain coup en déclarant la guerre aux États-Unis le 12 décembre. Or, pas plus tard que deux semaines plus tard, l'initiative internationale de Roosevelt, préalablement discutée avec Churchill en août 1941, prendra la forme d'une «Déclaration des nations unies», signée à Washington. Elle fait partie des gestes qui marquent la nouvelle volonté des États-Unis d'en découdre avec les puissances de l'Axe, le Japon d'abord.  Il est intéressant de noter comment coïncide la décision interne des États-Unis de s'engager dans la guerre avec celle d'organiser une coalition de pays alignés sur leurs nouveaux objectifs. La méthode fera école. Sortis de l'isolationnisme, ils passent soudainement sans transition à un nouveau statut, une nouvelle vocation, celle de leader du monde libre. Qu'il y ait un peu de «manifest destiny» derrière on ne s'en étonnerait pas. Comme, par exemple, sans croire manquer d'éthique, cette facilité avec laquelle Washington brouille la démarcation entre l'organisation internationale et son propre intérêt. Cela persistera. Les USA s'efforceront tant bien que mal de faire ensuite des Nations unies le prolongement de leur propre puissance, en y établissant dans leur métropole le siège de l'organisation. Naturellement, la prépondérance américaine n'a pas toujours marchée, d'où la mauvaise humeur d'une partie importante des médias et des politiques américains, qui s'accompagne incidemment du retard avec lequel le hôte de l'ONU paye ses cotisations.

Rappelons qu'à la fin de la guerre les fruits de l'effort de guerre américain sont considérables et se trouvent convertis en capital militaire de projection. Les États-Unis se découvrent,  armés jusqu'aux dents avec de l'armement moderne pour une raison fort simple. Épargnés des pertes et des destructions qui ravagèrent l'Europe et l'Asie, la guerre aura eu pour conséquence, pour ce qui les concerne, d'amener à maturité le complexe militaro-industriel. Cette base industrielle de la balistique, du thermonucléaire progressera encore davantage ensuite grâce à la citoyenneté américaine accordée à plus de 1600 des meilleures ingénieurs et scientifiques allemands, en partie membres du parti nazi et bons soutiens du Troisième Reich. Le largage distrait de deux bombes atomiques sur deux villes du Japon, pas de cas de conscience pour ce précédent, demeure encore aujourd'hui indépassable dans la destruction de masse de civils...  Ces faits et gestes propulseront les États-Unis au rang d'une puissance sans grands rivaux. Si ce n'est l'URSS.

Les États-Unis, entrés tardivement en guerre comme on l'a vu, ne jouèrent pas un rôle décisif  dans la défaite allemande. Une vérité pas toujours bonne à dire pour les amateurs de cinéma. Il s'avère que le sort de l'Allemagne nazie fut scellé sur le front Est. Et pas ailleurs, peu importe ce qu'en a mis et rajouté la cinématographie d'Hollywood. Les É-U, sans grands sacrifices, avaient désormais et pour de longues années le pouvoir de se présenter en vainqueurs... et en courageux vainqueurs.

Forts de cette mise en contexte, on peut constater que les États-Unis, ne sont pas été un parangon de vertu quant à leur comportement dans la Deuxième guerre mondiale, au cours de ces quelques années qui précèdent la fondation des Nations Unies.  Le choix de l'ONU à New York apparaît bien plus comme un fait de puissance que de mérite.

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