mardi, 26 juin 2018 11:07

Un défilé, une cause, deux spectacles

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Note de Victor Rumilly : Sur l'absence de dissidence. Depuis ce spectacle (2005), rien d'autre que les spectacles imposés, gratuits et sans âmes où personne ne se touche. Et quant à la dissidence de ce rare spectacle payant de la Saint-Jean Baptiste qui se voulait "politisé", nul besoin d'énumérer bien longtemps les aspects conformistes et grands publics du discours politique d'un Biz ou des Cowboys fringants pour comprendre que les 20 000 spectateurs présents n'avaient pas les  moyens de leurs ambitions soi-disant révolutionnaires. On notera tout de même, et ce avec nostalgie, qu'au moins, les années 2000 laissaient encore la place à une part d'inventivité. On ne se contentait pas d'avaler toute crue la Saint-Jean Baptiste officielle et aseptisée.

L'engagement politique a un coût, 41,50 $ très exactement, soit le prix d'entrée au spectacle «militant» de la Saint-Jean-Baptiste, présenté hier au parc Jean-Drapeau devant plus de 20 000 personnes, pour la plupart jeunes et souverainistes.

Brisant la tradition de la gratuité lors de la Fête nationale, le Groupe Gillett et La Tribu se sont donné la main pour orchestrer un spectacle payant avec les Cowboys fringants, les Zapartistes et Loco Locass comme principales têtes d'affiche. Les premières notes ont résonné sur le bitume du circuit Gilles-Villeneuve vers 13h pour s'arrêter seulement en fin de soirée.

En parallèle, le traditionnel spectacle de la Saint-Jean, animé par Normand Brathwaite, a réuni les Plume Latraverse, Luce Duffaut, Boom Desjardins et autres France D'Amour au parc Maisonneuve à partir de 20h45. On y attendait 200 000 personnes.

Une fête nationale, donc, et deux événements festifs. Pour Antoine, 24 ans, le choix n'a pas été difficile, surtout qu'il était revenu déçu du spectacle gratuit au parc Maisonneuve, l'an dernier. «Au parc Maisonneuve, j'ai entendu les artistes que j'entends à la radio tout le temps. Ce n'est pas la musique que le monde veut entendre mais celle qu'on nous impose», a-t-il expliqué.

«La plupart des jeunes engagés et souverainistes sont ici. À Maisonneuve, c'est une fête familiale et multiculturelle, et le monde n'est pas vraiment conscient de la cause. Ils sont là pour la fête gratuite», a ajouté le souverainiste avoué, qui arborait un gilet des «Hells Zheimer», dont la devise est «Je me souviens pu de rien». Pour Antoine, le jeu de mots dissimule un triste constat à propos d'un peuple amnésique au point d'en avoir oublié son pays.

Son comparse Ghislain, 24 ans, a aussi déjà trouvé «ennuyeux» le spectacle du parc Maisonneuve par le passé. «C'est notre fête à nous, les Québécois, et, au parc Maisonneuve, c'est un show de popularité. Si tu passes à la radio, ils vont t'inviter.»

Ghislain ne s'est pas fait reprendre cette année, bien qu'il ait hésité avant de débourser près de 40 $ pour entendre des artistes davantage réputés pour leur engagement social que pour leur mercantilisme. Son admiration pour Loco Locass et les Cowboys fringants l'a emporté sur ses réserves. «Ce sont des groupes de musique qui me rejoignent. Je suis patriote, et ce sont des groupes qui s'investissent, qui sont dénonciateurs», a-t-il dit. S'il est bien conscient qu'«acheter, c'est voter», Ghislain sait reconnaître qu'un spectacle d'une telle envergure a son prix.

Des jeunes comme Ghislain et Antoine représentent des cibles de choix pour Oxfam, un des rares groupes de pression qui ont pu ériger un stand sur le site avec la permission des Cowboys fringants. Le groupe est connu pour son implication militante auprès d'Oxfam, dont il appuie la pétition pour changer les règles du commerce international.

Les Cowboys soutiennent aussi l'Action boréale, la Coalition Eau Secours et l'Union québécoise pour la conservation de la faune, toutes présentes hier. Eau Secours et l'Action boréale ont reçu déjà environ 8000 $ chacun des Cowboys philanthropes. La présence des écolos dans une fiesta bleue et blanche détonne avec celle des marchands de crème glacée trois couleurs et des vendeurs de bière, qui ont fait des affaires d'or hier. Avec de l'eau à 3 $ et du houblon à 4,50 $ la bouteille, il fallait prévoir quelques billets du dominion pour s'éclater ou s'hydrater, au choix.

Vers 16h, la Croix-Rouge n'hébergeait sous son chapiteau qu'une dizaine de patients, traités pour déshydratation ou pour insolation. Il faisait exceptionnellement chaud au pied de la scène érigée dans l'épingle du Casino de Montréal, où le bitume l'emporte sur la verdure dans d'écrasantes proportions.

Des enfants dans le Vieux

Le Vieux-Montréal a subi une cure intensive de rajeunissement en matinée avec le défilé populaire où les enfants étaient à l'avant-scène grâce à la complicité de Claude Lafortune (L'Évangile en papier). Les petits ont ouvert le défilé et présenté les créations réalisées en collaboration avec le bricoleur le plus célèbre au Québec. Environ 15 000 personnes ont pris part à la courte marche entre l'angle Notre-Dame-McGill et le Champ-de-Mars, où s'est déroulé un spectacle en plein air plus calme et moins compact qu'au parc Jean-Drapeau.

Devant la fontaine de l'hôtel de ville, Jean-Pierre Hamelin et son épouse Madeleine ont poursuivi une tradition de cinq ans en se laissant photographier avec de colorés couvre-chefs dont M. Lafortune aurait été fier. Madeleine a revêtu son chapeau de paille coiffé d'un gigantesque «2005» tandis que son mari portait un haut-de-forme surdimensionné sur lequel trônaient un cadeau emballé dans le fleurdelisé, une bouteille de champagne et des verres.

Pas une minute n'a passé sans qu'un quidam s'arrête pour être pris en photo, à la plus grande satisfaction de ce couple uni depuis 40 ans. «On a juste pris un cornet l'an passé, on n'a pas été capables de manger. C'était photo par-dessus photo, il a dû y en avoir 400 ou 500», a lancé Jean-Pierre entre deux clics d'appareil et des échanges de sourires. «On avait mal au visage à force de dire "cheese"», a renchéri Madeleine.

Lima, Mexico, Limoilou: leurs admirateurs d'un jour viennent de partout. «Les gens en vacances, ça leur fait un souvenir bien précis avec le 2005 sur mon chapeau», a dit Madeleine. La jeune grand-mère est une survivante après avoir été opérée cinq fois en raison d'un cancer. «Chaque année, je me dis: "c'est peut-être la dernière", ça fait que j'en profite.»

La joie de vivre du couple de Saint-Laurent est plus contagieuse que la maladie. Petits et grands ne peuvent pas s'empêcher de sourire à la vue de ces aînés si drôlement costumés. La Fête nationale, c'est quand même du sérieux. «La Saint-Jean, c'est important pour nous. On le veut, notre pays», a conclu Jean-Pierre.

Le défilé des candidats

Les célébrations ont par ailleurs donné lieu à un défilé des candidats à la direction du Parti québécois et à la première apparition publique de l'ex-chef Bernard Landry depuis sa démission. M. Landry, qui a pris tout le monde de court en quittant son poste au début du mois, s'est toutefois fait avare de commentaires à propos des candidats à sa succession. «Comme simple militant, j'attends avant de faire mon choix. Plus il y aura de candidats, mieux ce sera», a-t-il dit à la sortie d'une réception à l'hôtel de ville de Montréal.

Quatre des six candidats à la direction du PQ ont également participé à cette réception. L'ancien haut fonctionnaire et conseiller de premiers ministres Louis Bernard a insisté sur les particularités du métissage québécois. «On est fondés d'une origine française d'abord, les autochtones nous ont donné le goût de la nature et les Anglais nous ont apporté beaucoup d'institutions politiques, a-t-il dit. Et les nouveaux arrivants, maintenant, contribuent d'une façon très valable, dont on doit être fiers, parce qu'on a réussi à leur dire qu'ils peuvent s'intégrer au Québec tout en conservant leur culture d'origine.»

L'ex-ministre André Boisclair a pour sa part affirmé que cette fête nationale s'adressait à tous. Il entend d'ailleurs faire campagne auprès des communautés culturelles afin de les convaincre qu'il est temps de rejoindre le PQ. «Cette fête s'adresse à l'ensemble des Québécois, qu'ils y soient depuis 30 jours, depuis 30 ans ou depuis des générations. Ce message est important pour moi pendant la campagne que j'amorce. Mon défi personnel, c'est d'aller chercher des gens de l'extérieur.»

Selon la députée Pauline Marois, la Fête nationale sert à célébrer un «pays à naître». Elle considère qu'il faut «tout de même fêter tous ensemble», peu importe l'adhésion ou non au projet de souveraineté du Québec.

Après avoir été pressenti à la direction du PQ, le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a déploré que le gouvernement fédéral ne reconnaisse pas la Fête nationale des Québécois. «On reconnaît la fête nationale de l'Acadie, et c'est très bien, a-t-il dit. Mais à Ottawa, on demeure avec l'idée qu'il s'agit de la fête des Canadiens français. [Ils ont] une vision ethnique de la fête, alors que c'est la fête de tous les Québécois. Et c'est malheureux que les gens d'Ottawa ne le reconnaissent pas.»

Source : ledevoir.com

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