mercredi, 02 mai 2018 12:41

Le gouvernement canadien espionnait et fichait les militants De 1950 à 1980

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Certains se demandent encore si les États-Unis-d'Amérique pourrait emprisonner leurs dissidents politiques dans des camps de concentration si les partis politiques traditionnels se sentaient menacés de perdre le pouvoir?    Eh bien le Canada a déjà fait pire et cela depuis bien longtemps. Ce qui n'annonce rien de bon pour les militants de 2018.

Le Canada est sous la férule du Parti Conservateur Canadien qui ne cesse de faire adopter, avec sa majorité au parlement, des lois répressives basées sur une définition du mot terroriste qui va jusqu'à inclure les militants environnementaux. Est-ce que le Canada est devenu un État-Policier? La réponse est Oui, puisque le pays fait partie de 5 pays qui se nomment eux-mêmes les "Cinq yeux-Five Eyes" et qui espionnent leurs citoyens et citoyennes.

Il s'agit ici de questions reliées aux droits les plus fondamentaux des citoyens à l'exercice de leur liberté fondamentale, droit à l'opinion, droit de conscience, droit d'association, le droit de vivre dans une société où la police n'est pas au service des intérêts politiques et partisans de ceux qui les gouvernent.

Ci-dessous un reportage de Radio Canada qui évoque un plan secret élaboré par le gouvernement canadien couvrant la période 1950 à 1980. - Est-ce que le passé est garant de l'avenir ? Ça donne froid dans l'dos

 

 

Les forces policières au Québec avaient des listes de personnes qui allaient être arrêtées dans les jours suivant l'application de la loi des mesures de guerre, adoptée le 16 octobre 1970, dans la foulée de la crise d'Octobre.  L'émission Enquête de Radio-Canada d'octobre 2010 révèle que la composition de la liste des quelque 500 personnes arrêtées pendant la crise d'Octobre découle en grande partie d'un programme ultrasecret conçu par la Gendarmerie Royal du Canada (GRC) 20 ans plus tôt, en cas de conflit avec l'URSS.

Depuis cette époque, le mystère plane sur les véritables motifs des arrestations faites au cours de cette période, car on sait que les experts antiterroristes des trois forces de police - municipale, provinciale et fédérale - n'avaient au maximum que quelques dizaines de suspects.

Julien Giguère

« Le plus grand nombre [de noms de suspects du FLQ] que j'ai vu sur pupitre, c'était une soixantaine », affirme Julien Giguère, qui était à l'époque directeur du renseignement de la section antiterroriste de la police de Montréal. Mais la Sûreté du Québec, responsable des arrestations, juge ce nombre ridicule vu l'ampleur des moyens mis en place, avec les mesures de guerre et la présence de 8 000 soldats.

Giguère nous apprend qu'il a lui-même enlevé les noms d'une trentaine de sympathisants felquistes de la liste des personnes à arrêter. Car ils les avaient sous filature et qu'ils étaient plus utiles pour fournir de l'information au corps policier qu'en prison. ( 01 )

La SQ fait appel à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) pour allonger sa liste de manière à ce que l'ampleur de l'opération reflète mieux les moyens déployés.

Daniel Waterlot, un ex-policier qui tenait alors une librairie communiste à Montréal, fait partie des personnes qui ont été arrêtées.

« Le 16, à 4 h du matin, boum, il y a la loi des mesures de guerre. Ils rentrent dans ma librairie, ils cassent tout! [...]  Moi, je ne suis pas du FLQ. Je suis du Parti communiste, ce n'est pas pareil! »

Son volumineux dossier de la GRC, qu'une équipe de Radio-Canada a consulté, ne contient en effet aucune référence au Front de libération du Québec.

Daniel Waterlot

Des soldats canadiens prennent le contrôle des rues de Montréal suite à la proclamation de la Loi des mesures de guerre en octobre 1970.

Cependant on y trouve un formulaire d'arrestation lié à un programme ultrasecret mis en place en 1950, en pleine guerre froide et à l'époque du maccarthysme aux États-Unis.

Ce programme prévoyait l'emprisonnement des militants communistes canadiens advenant un conflit avec l'URSS.

Le programme, appelé PROFUNC, ( 02 ) visait à assurer une surveillance continuelle de milliers de militants de gauche et leur détention dans des camps d'internement, sans accusation et sans limite de temps. Officiellement, il n'a été démantelé qu'en 1984, lorsque la GRC a été scindée en deux pour créer le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).

PROFUNC aurait connu en octobre 70 sa seule application concrète, ce qu'accrédite une ébauche d'un rapport secret de la commission Duchaîne, qui a enquêté sur les événements entourant la crise d'octobre.
( 03 )

Dans ce document dont Radio-Canada a pris connaissance, on rapporte que les noms proposés par la GRC n'avaient aucun lien avec le terrorisme felquiste, qu'il s'agissait en fait de militants connus pour leurs activités communistes et/ou indépendantistes. C'est ainsi que des rafles furent faites dans plusieurs régions du Québec dont tous les membres de comités exécutifs de comtés du Parti Québécois furent emprisonnés..

L'information ne s'est pas retrouvée dans le rapport officiel, tout comme on ignorait à l'époque l'existence d'un plan national de camps secrets pour prisonniers politiques.

 

Imaginez! Un camp d'internement secret que l'on aurait aménagé à Saint-Gabriel-de-Brandon, dans la région de Lanaudière, au Québec, dans le cadre de la lutte du Canada contre le communisme. 
 
Le pire, c'est que ce n'est pas une blague! 
 
Enquête a appris qu'après la Deuxième Guerre mondiale et dans le plus grand secret, les autorités canadiennes ont mis sur pied un programme prévoyant l'arrestation et l'internement de milliers de Canadiens soupçonnés de sympathiser avec le communisme.  
 
Ce programme du nom de PROFUNC (principaux dirigeants du Parti communiste) avait prévu la construction de camps d'internement non seulement au Québec, mais aussi dans l'Ouest canadien et en Ontario.  
 
Il s'agissait ni plus ni moins de la version canadienne du maccarthysme, véritable chasse aux communistes aux États-Unis durant la guerre froide. Mais contrairement à ce qui s'est fait du côté des Américains, PROFUNC a été planifié derrière des portes closes. 
 
On aime souvent, au Canada, se vanter d'avoir des politiques différentes des États-Unis, mais c'est oublier que la géopolitique s'applique aussi à nous.  Cette histoire du PROFUNC nous le rappelle durement.  On vit aussi parfois dans l'illusion que le Canada est un pays neutre dont la démocratie devrait servir de modèle. Or, dans les moments cruciaux, notre politique est depuis toujours alignée en gros sur celle de nos puissants voisins du sud. 

 

C'était le cas durant la guerre froide.  Ce l'est tout autant aujourd'hui dans la lutte contre le terrorisme.  
Qu'au-delà de la vision angélique que l'on se fait souvent de notre beau grand pays, il y a la cruelle réalité d'un État qui a ses intérêts propres. 
 
La réputation est une chose. La réalité en est une autre.  On l'a bien vu lorsque le 12 octobre 2010 la communauté internationale a rejeté la candidature du Canada pour obtenir un siège au Conseil de sécurité des Nations unies. ( 04 )
 
Pour ce qui est de notre démocratie, comme partout ailleurs, elle n'est pas à l'abri des excès de ceux qui contrôlent l'État. Ici aussi, il y a des gens qui, par leur action, menacent les libertés fondamentales des citoyens. PROFUNC en est un exemple, tout comme la crise d'Octobre ou l'affaire Maher Arar.   

 

 

Un travail de longue haleine 
 
Ce sont mes collègues Guy Gendron, Dominique Fournier, Monique Dumont et Luc Tremblay qui ont levé le voile sur les listes de PROFUNC à l'émission Enquête. Guy avait eu vent de cette histoire, il y a quatre ans, lors d'une rencontre avec l'historien militaire canadien John Clearwater. ( 05 )  Avec l'aide de nos recherchistes, il a multiplié les demandes d'accès à l'information pour tenter de percer le secret de ce programme. Ils ont fouillé certains dossiers aux archives nationales pour documenter ce sujet méconnu des Canadiens.

 

C'est donc à force de patience et de persévérance qu'ils ont réussi à mettre au grand jour un chapitre peu glorieux de notre histoire.

Une des personnes qui les a aidés dans leur quête est le criminaliste Jean-Paul Brodeur, qui leur a donné une de ses dernières entrevues avant de mourir en 2009.  
 
Il leur a dévoilé une partie secrète d'un rapport leur permettant de faire un lien entre les listes de PROFUNC et celle ayant mené à l'arrestation de centaines de Québécois lors des événements d'Octobre en 1970.  C'est un héritage précieux d'un universitaire qui a consacré une partie de sa vie à lutter contre les dérapages des systèmes policiers.

Source : meteopolitique.com

Commentaires   

 
0 #1 Francis 02-05-2018 21:04
Les cas de Carole Devault et François Séguin qui ont recruté par la police de Montréal pour espionner le FLQ sont très intéressants. Séguin aurait eu des ennuis à cause de la drogue et on l'a fait chanter en échanges de ses services comme agent de la police. Il a poursuivi son travail avec le groupe marxiste-lénini ste En Lutte jusqu'en 1980, fondé par des anciens felquistes.
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