Richard Millet
Le gouvernement canadien, décidément à la pointe de l’abjection post-civilisationnelle, a décidé de remplacer les mots « père » et « mère », dans les formulaires administratifs, par le mot « parent », afin de continuer la « promotion du genre neutre ». On s’adressera aussi à une « personne » par son seul nom, et non plus par « Madame » ou « Monsieur », au citoyen canadien (formulation néanmoins répréhensible, puisqu’elle n’utilise pas l’écriture « inclusive », et joue le neutre grammatical traditionnel contre le « neutre » post-sexuel). Si le Canada est à la pointe de ces aberrations, c’est qu’il n’est pas une nation – tout juste un ersatz « états-unien », comme on dit au Québec, territoire qui ne sera jamais une nation, lui non plus, car ravagé par le politiquement correct et la haine du catholicisme. Le grand gourou de l’affaire, Justin Trudeau, vibrionnant vertueux qui a l’air détraqué par ce qu’il promeut, bénéficie d’un prénom qui lui permet d’être nommé soit Justin (prononciation française), soit Justin (à l’anglaise), ou encore Justine, pour complaire aux « queers » ; gare, pourtant, aux infortunes de la vertu, nous rappelle le marquis de Sade, dont Trudeau, inculte, doit ignorer jusqu’au nom.
En vérité, la destruction de la politesse est presque achevée, en France aussi : l’« état » ou la « qualité » désignée par « Monsieur », « Madame », « Mademoiselle », est décrétée « possiblement discriminatoire » ; et innombrables sont les imbéciles qui se croient à la page en remplaçant « Cher Monsieur » ou « Cher Richard », par « Bonjour ! » ou « Bonjour Richard », quand ce n’est pas « Salut Richard » – ou même « Coucou Millet ! ».
Une fois de plus, le lobby égalitariste » redéfinit le monde selon la logique perfectiviste, afin de faire accéder les déviances sexuelles à la « normalité » démocratique. Ce minoritarisme sexuel, vient redoubler le communautarisme racial, ethnique, religieux qui alimente la guerre de tous contre tous – les « racisés » s’en prenant aux « Blancs », les « musulmans » aux chrétiens et aux Juifs, les hommes aux femmes, les partisans des animaux aux « viandards », les « handicapés » aux « bien portants » , les « Français de souche » aux « primo-arrivants », les « obèses » aux « grossophobes », les cyclistes aux piétons, les « auteurs » aux « auteures », voire aux « autrices » (pourquoi pas les « autresses », ou même les « autruches » !), la clique médiatico-littéraire aux rares écrivains dignes de ce nom etc.
Quelqu’un me dit que cette redéfinition onomastique du monde est le prix à payer pour que les femmes accèdent à une paix sociale et existentielle. Une paix qui entraînera donc la disparition de la langue telle qu’elle a porté jusqu’à nous Homère, Platon, la Bible, Dante, saint Augustin, Pascal, Nietzsche et tout ce qui a produit notre civilisation – la plus haute, et la seule qui ait été universelle. J’aimerais le croire. C’est pourtant là un monde dans lequel j’ai de plus en plus de mal à vivre – et, dans la perspective de voir l’espèce humaine atteindre le nombre de 9 milliards, seule me réjouit celle des guerres, épidémies, désastres écologiques qui en résulteront. Il reste bien en France des territoires non encore dégradés par la laideur post-française ; mais la langue ? Impossible d’en faire abstraction, même dans le silence de l’écriture. Je suis un écrivain : il me faut continuer, nommer encore et toujours la Bêtise et la bête antéchristique qui se grime à présent hors genre. Combattre est devenu ma seule façon de respirer.
Source : richardmillet.wixsite.com
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