Gilles Verrier
Les Québécois – ces contribuables qui ont payé un salaire stable et enviable à Gérard Bouchard et aujourd'hui une pension sans inquiétude – doivent-ils considérer qu'ils ont bien investi dans tous ces petits québécois sortis du rang qui forment aujourd'hui son intelligentsia? Ou, au contraire, regretter qu'ils soient si mal tournés ? Ils peuvent se questionner de bon droit. Les chômeurs de toutes les couleurs de peau, mais devenus Québécois de souche, et à la recherche eux-aussi d'un boulot, souvent modeste, se font rudement interpeler par Gérard Bouchard qui leur recommande de se tasser pour que les derniers arrivants prennent les emplois disponibles. Cet homme qui passe parfois pour un soutien de la souveraineté du Québec, ne serait-il pas d'abord un immigrationiste inconditionnel ? Pourquoi les Québécois déjà sur place devraient-ils s'incliner devant les nouveaux venus alors qu'on martèle l'idée que l'immigration est nécessaire pour combler trop d'emplois laissés vacants ? Laissons les faiseurs d'opinion mettre de l'ordre dans leur double discours et regardons plutôt la logique de Bouchard.
Apparemment, il ne serait plus bienvenu dans le discours public de rappeler à l'immigrant, réputé compétent pour occuper un emploi chez nous, qu'il devrait être aussi, on le présume, assez sérieux pour prendre lui aussi ses responsabilités à titre d'égal soumis aux mêmes contraintes. Quitter son pays natal devrait être une décision qui ne se prend pas à la légère. Même si les officiers de l'immigration présentaient à l'immigrant des obligations d'intégration, ce qu'ils ne font pas vraiment, il faudrait que l'immigrant considère lui-même un pays où le niveau d'emploi lui assure une occupation à court terme, comme c'était jadis le cas, sans déplacer les autochtones. Autrement, on fera face tôt ou tard à un conflit des légitimités et à la guerre des emplois, ce qui n'est jamais loin de troubles civils plus graves. C'est pourtant la solution que propose Bouchard, qui se fait plus idéologue que sociologue quand il recommande de ré-éduquer l'autochtone, pour qu'il renonce à sa combativité sur le marché de l'emploi et accepte une discrimination négative.
Le parti pris idéologique de petits commis du mondialisme en faveur de niveaux d'immigration élevés, fait exclure à Bouchard toute réduction des seuils d'immigration. Une telle possibilité semble incompatible avec son logiciel. L'immigration n'étant pas pour lui un outil, à prendre ou à laisser selon les besoins, aux mains d'un État souverain - par exemple au Japon on n'accepte pas d'immigrants - mais un indiscutable dogme morale. Dans cette vision manichéenne, s'y objecter risque d'être vite qualifié d'extrême droite, voire de racisme. La déchéance intellectuelle de trop d'universitaires, que des générations de Québécois ont formés pour se faire c... dessus, offre le spectacle affligeant d'une collectivité en proie à une auto-mutillation officiée par une élite qui ne cherche qu'à l'accélérer.
Et l'emploi pour les intégrer nous dit Bouchard ! Bouchard a la prudence de ne pas s'avancer davantage sur la nature de cette intégration qui va vraiment dans tous les sens.
Leur donner un « sentiment d'appartenance », mais à quoi ? Parlons des incontournables. Leur intégration les amènera tous à ce moment solennel où ils prêteront allégeance à sa majesté la Reine ? Les intégrer au Canada, premier pays post-national, selon Justin Trudeau ? La post-nationalité, l'idéal du régime, ne produirait-elle pas justement un citoyen typique avec deux attributs : 1) avoir prêté serment à la Reine et 2) détenir par ailleurs la citoyenneté d'un autre pays ? Voilà l'intégration qui consacre la distinction entre l'immigrant reçu et l'autochtone. Rappelons que ce dernier 1) ne prête pas serment à la reine et 2) n'a pas deux passeports en poche. Néanmoins, il devrait contribuer en se réjouissant à la préférence étrangère à l'embauche ! Comme toujours, on constate que les mondialistes ne s'intéressent pas beaucoup aux autochtones. Ceux qui, au Québec, partagent en grand nombre le sentiment de ne pas avoir de pays, même pas un, alors que l'immigrant typique en aurait deux. Un par allégeance et l'autre de naissance. Voilà exposé à grands traits le clivage entre l'autochtone et le prototype « post-national » - qui ne concerne pas tous les immigrants - que des mesures à la Gérard Bouchard ne feront qu'élargir. D'ailleurs, la post-nationalité des immigrants - surtout ceux motivés exclusivement par des raisons économiques - se confirme par les nombreux départs vers les États-Unis plus tard. Un nomadisme économique qu'affectionne les mondialistes. Il favorise le détachement de ses racines, la conscience apatride et l'appartenance exclusive à une race d'homo economicus qui a l'argent pour seul pays.
Il faut réussir leur intégration économique et sociale. Quelqu'un d'exclu et victime de discrimination ne développera jamais de sentiment d'appartenance. Pour sensibiliser quelqu'un et pour le faire vibrer à nos valeurs, il faut d'abord lui donner un travail.
Nous avons une petite intelligentsia de rois-nègres qui, embouchée avec Québec solidaire (les positions officielles des autres partis sur le sujet n'en sont pas si loin), s'est constituée en fabrique de la culpabilité des Québécois. Les bonnes âmes, rassemblées dans la « gauche » - devenue une gauche morale qui a délaissé la justice sociale - peinent à comprendre que le marché de l'humain est la dernière frontière de l'économie de marché. Admettons que la droite ne le comprend guère davantage et est aussi, à sa façon, complice de cette manipulation !
...ça va prendre un discours politique qui a beaucoup d'autorité pour faire accepter ça à la population.
Lui faire accepter la discrimination positive en faveur des immigrants et des quotas à l'embauche !
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