dimanche, 12 mars 2017 15:20

Comment la publicité resserre son emprise sur nos consciences

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Dans l’espace public, à la télévision, sur internet, et maintenant dans nos poches : la publicité est omniprésente. Devenant un art en soi dans le perfectionnement de ses formes, la réclame se nourrit désormais de nos données privées – que nous pensions intimes. Nous avons conscience de l’influence potentielle de la pub, mais nous ne doutons pas de l’ampleur réelle de son emprise sur nos vies.

La publicité ne date pas de la dernière pluie, mais elle est un phénomène particulièrement récent dans l’Histoire. L’émergence du régime capitaliste et la révolution industrielle ont donné une accélération sans précédent à la hausse de la production ; pour créer et soutenir la demande, la publicité est née. Dans les années 1830 apparaissent les premiers encarts commerciaux dans les journaux, tandis que les affiches publicitaires commencent elles aussi à recouvrir les murs des villes. Dès la fin du 19ème siècle, la réclame fait l’objet d’une création artistique à part entière, plusieurs peintres renommés étant appelés à travailler dans ce secteur nouveau. Dès lors, elle a pris une place prépondérante, en particulier dans les supports médiatiques à venir. Le cinéma, qui prend rapidement au début du 20ème siècle un large essor populaire, diffuse dès ses débuts des spots publicitaires avant les films. La radio, apparue en France au cours des années 1920, est immédiatement utilisée pour émettre des séquences pour vanter les mérites de produits sur le marché.

Toujours plus travaillée et efficace, la publicité va progressivement occuper une place centrale dans la vie des Français. Aujourd’hui, son périmètre ne cesse de s’élargir et elle occupe des espaces insoupçonnés. C’est d’autant plus important de l’identifier clairement, qu’elle conditionne en profondeur nos comportements et nos idées.

Les ficelles qui marchent

Pour vendre un produit, ou du moins nous le présenter sous un beau jour, la publicité use de procédés efficaces et sans cesse déclinés. Le premier d’entre eux est le slogan. Du « Y’a bon » de Banania au « Just do it » de Nike, en passant par « Mercurochrome le pansement des héros », « Tout le monde se lève pour Danette » et le « What else ? » de Nespresso, les slogans sont omniprésents dans la publicité. Chaque marque se dote de sa propre formule pour résumer son caractère unique, sa qualité ou son esprit. Certaines entreprises vont changer régulièrement leurs apophtegmes. Pas moins de dix slogans vont être usés par l’enseigne de grande distribution Auchan, de « La vie Auchan, vous avez le choix » à « La vie. La vraie », jusqu’au malheureux « Vivons mieux. Vivons moins cher », abandonné au lendemain de l’effondrement du Rana Plaza. D’autres font l’économie d’un changement fréquent en optant pour une expression relativement neutre mais notable ; Apple n’est pas près de changer son « Think different ».

Le slogan nous amène à l’autre procédé le plus répandu de la production publicitaire : l’humour. C’est un formidable moyen pour donner l’impression de prendre du recul, ou de ne pas trop se prendre au sérieux, tout en renforçant son efficacité. Le « Venez comme vous êtes » de McDonald’s est sujet à des spots mettant en scène des situations loufoques. De Vivelle Dop aux barres chocolatées, d’Ikea au déodorant Axe, presque tous les annonceurs usent de l’humour, car il est le meilleur moyen de créer un lien, une complicité avec le public. Le consommateur, qu’il soit collégien ou cadre en entreprise, va échanger autour de lui sur la dernière réclame qui l’a marqué, tout en sachant que son entourage a de fortes chances de l’avoir vue. Là où une publicité qui « se prend trop au sérieux » risque fort de concentrer les critiques, celle qui joue sur un aspect comique recueillera pour elle et sa marque un regard amusé. Cette proximité artificielle est un moyen particulièrement efficace, non seulement pour faire parler du produit à vendre, mais surtout pour inciter à l’achat.

Autre ficelle des plus répandues, l’utilisation d’icônes populaires. Souvent sans aucun rapport initial avec le produit présenté, une personnalité célèbre et connue largement du public va « incarner » la marque. Il ne s’agit pas seulement des « égéries » des entreprises de cosmétiques et prêt-à-porter, en perpétuel renouvellement de Kristen Stewart pour Chanel à Cara Delevingne pour Zalando. Mais plus encore, les acteurs, humoristes, chanteurs les plus célèbres sont sollicités pour vanter les mérites d’un produit ou d’une marque – implicitement bien sûr, généralement sans énoncer eux-mêmes le slogan. Nespresso s’est ainsi attaché les services de Georges Clooney, parfois accompagné de Matt Damon, John Malkovich ou Jean Dujardin dans des spots aux succès foudroyants. Le nouveau Renault Espace est conduit par Kevin Spacey dans son propre rôle, revenant sur sa filmographie avec humour et complicité. Iggy Pop fait une apparition dans les publicités pour Le Bon Coin. Même les morts participent à la réclame. Citroën nous montre un Hitchcock haut en couleurs pour sa DS3, tandis que l’huile d’olive Puget est exaltée par Fernandel lui-même. Le procédé est complètement factice mais il fonctionne, tant ces « stars » sont des repères culturels important pour le public.

Réalisation impeccable

Enfin, pour que les procédés fonctionnent, encore faut-il une présentation impeccable. Imposé rapidement comme la publicité la plus efficace, le clip vidéo est devenu un art à lui seul, attirant les plus grands talents. Le phénomène existe depuis une trentaine d’années, quand Ridley Scott a réalisé en 1984 un spot pour Apple. Depuis, tous les maîtres du septième art – américains, du moins – sont passés par la pub. Ont été embauchés Spike Lee, Terry Gilliam et David Fincher pour Nike, Guy Ritchie pour BMW, Sofia Coppola pour Dior, Robert Rodriguez et Michel Gondry pour Nespresso, ou encore Luc Besson et Martin Scorsese pour Chanel. Un bon clip publicitaire présente une réalisation léchée, millimétrée, comme celui avec Kevin Spacey diffusé en ce moment. En plus de prises de vue efficaces et d’un montage irréprochable, il s’agit du recours à une musique connue ou entraînante pour sublimer l’ensemble.

La réalisation des spots n’a souvent rien à envier à celle des pièces maîtresses des œuvres cinématographiques ou des séries, réussissant le tour de force à nous plonger dans un univers et nous raconter une histoire en une poignée de secondes – comme le clip actuel pour la Golf GTE de Volkwagen et sa machine de téléportation, ou celui du cargo Nike avec les plus grandes stars du foot sur un remix d’Elvis Presley. A l’inverse, une pub présentant une réalisation insipide va ruiner tout son potentiel, quand bien même elle combinerait slogan, humour et présence d’une icône populaire. C’est le cas du spot pour le Crédit Lyonnais avec Gad Elmaleh, sans aucun doute le plus bel exemple de vautrage compte tenu de l’investissement nécessaire à sa production et du résultat froid, incapable de créer une complicité ni même un semblant d’authenticité. Ce contre-exemple révèle, en creux, la nature de l’efficacité publicitaire. Pour fonctionner, la réclame doit paraître « vraie », comme une représentation réaliste de la vie – ou comme un moyen de s’élever au niveau des plus grandes stars. Bien sûr, tout est faux, mais sa force de persuasion est ce qui fait la qualité de la pub.

La qualité des clips crée une ferveur telle qu’ils sont relayés, rediffusés, et restent pour longtemps dans les mémoires. Des émissions comme « Les enfants de la télé » ou « Culture pub » ont participé activement à l’ancrage de certaines réclames dans les consciences ; désormais, les sites internet qui consacrent une large place à la rediffusion des « meilleures pubs » sont innombrables. Certains spots, sans même être diffusés sur nos chaînes de télévision, parviennent à passer les frontières et marquer le public français, le plus souvent en provenance des Etats-Unis, du Japon ou des pays scandinaves. Depuis l’insupportable « What’s up ? » de Budweiser au début des années 2000, jusqu’aux « grosses productions » diffusées chaque année à la mi-temps du Superbowl, les exemples ne manquent pas. L’art publicitaire occupe une place centrale dans la culture de masse.

Déploiement dans l’espace-temps

La publicité continue encore et toujours d’étendre son périmètre. Les agglomérations sont entièrement peuplées d’encarts, depuis les affiches aux arrêts d’autobus jusqu’aux écrans ultra-lumineux sur les routes. JCDecaux, roi de l’affichage urbain, a installé début 2012 un écran de 39 mètres-carrés à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, et dispose peu à peu des écrans de deux mètres, en forme de smartphone, dans les stations de métro et autres gares. L’espace physique des villes françaises est de plus en plus recouvert et représente une bonne marge de progression potentielle avant de ressembler à Times Square. Mais il n’est pas le lieu de développement privilégié.

C’est sur l’espace virtuel que le déploiement publicitaire est le plus fulgurant. Dès ses débuts, Internet contenait des publicités ; mais les conditions ont bien changé depuis l’époque des seules bannières en 468 fois 60 pixels. Avec l’accélération des débits permise par l’ADSL puis la fibre optique, la publicité a tout simplement envahi la sphère numérique. Les spots ont fait leur arrivée sur les sites, souvent sous forme d’un écran publicitaire – avec ou sans la mention « accéder directement au site ». La quasi-totalité des plates-formes de vidéo en ligne, à commencer par Youtube et les « replay » de chaînes comme iTélé, imposent depuis quelques années à leurs utilisateurs une « page de pub » d’une dizaine à une trentaine de secondes avant de diffuser la vidéo demandée. Certaines adresses consacrent un espace phénoménal à la réclame, si bien que le véritable contenu est une enclave au milieu d’un large contour publicitaire, comme le site de l’Equipe.

La pub n’est plus seulement cantonnée à une séquence, comme sur les stations de radio et chaînes de télé, mais elle devient permanente. La vidéo ou l’animation ne sont pas les seuls formats efficaces pour se faire connaître et vendre ses produits : les encarts bien placés, souvent jugés moins « intrusifs », obtiennent d’excellents résultats. De loin le site le plus consulté au monde et en France, Google présente, en tête de ses résultats pour les requêtes les plus saisies, des « annonces » commerciales. Les réseaux sociaux, Facebook et Twitter en tête, permettent la diffusion de publications « sponsorisées » qui se fondent parfaitement dans la masse. L’apparition de publicités est récurrente et irrégulière, pour se confondre d’autant plus avec les « statuts » et autres « tweets » des utilisateurs.

Dans nos poches et dans nos têtes

Avec l’apparition des smartphones, qui équipent aujourd’hui plus d’un Français sur deux, la publicité est enfin rentrée dans nos poches. Sous forme de texto, de clips ou de publications parfaitement adaptés au format mobile, la réclame est incessante. La navigation web et la plupart des applications gratuites regorgent de pubs. La forme serait jugée particulièrement intrusive si le fond des publicités ne relevait pas d’un procédé insidieux, permettant aux plus gros annonceurs de cibler toujours mieux leurs « spectateurs ».

Le marketing moderne est apparu dans les années 1970 pour rentabiliser au maximum la production des marques et perfectionner la publicité. Il consiste à définir la « cible » de la marque, la part de la population auquel ses produits se destinent – selon l’âge, la catégorie sociale et les centres d’intérêt. La multiplication des marchandises en types et en exemplaires a obligé chaque marque à mieux se positionner et à soutenir par tous les moyens la demande, en prenant davantage en compte les « attentes » du public et surtout en « vendant » mieux les mérites du produit nouveau. Depuis une vingtaine d’années, les cabinets de marketing se spécialisent dans l’acquisition de données, auprès notamment des enseignes de distribution, pour les utiliser au profit des grandes marques ; ainsi, les « cartes de fidélité » des magasins sont un moyen de recenser l’ensemble de nos achats pour mieux nous « cibler ». Mais ce procédé a passé un cap décisif ces dernières années, avec les réseaux sociaux.

Si Google et Facebook tirent de leurs activités des profits gigantesques, ce n’est pas par la vente de leurs propres produits – les Google Glass et l’Oculus Rift n’étant pas encore sur le marché. Le moteur de recherche est certes aujourd’hui en tête du marché des systèmes d’exploitation sur smartphone avec Android ; néanmoins, comme la firme de Mark Zuckerberg, sa première source de profits est dans le domaine publicitaire. Il ne s’agit pas seulement de vendre des encarts, ce qui est en soi très lucratif quand les visites mensuelles se comptent en centaines de millions d’internautes, mais aussi de recueillir des données privées pour les revendre.

Notre activité sur Internet, en particulier nos requêtes sur les moteurs de recherche, les pages que nous visitons, les informations que nous renseignons sur nos espaces personnels, les intérêts que nous manifestons avec les mentions « j’aime » et les « suivis », sont intégralement consignés par Google comme par Facebook, qui déterminent notre profil avec une exactitude impressionnante.

Ces données font l’objet d’un gigantesque business. Le premier réseau social ne combine pas seulement les données en son sein ; il récupère auprès de ses annonceurs les renseignements de navigation et d’utilisation pris sur de nombreux sites web et applications pour mobiles et tablettes, pour structurer et affiner les profils de ses utilisateurs. Ces informations, que nous croyons intimes, sont organisées et revendues ensuite par Facebook aux plus gros annonceurs et cabinets de marketing, qui travaillent pour les plus grandes marques.

De son côté, Google compile l’ensemble des informations révélées par les requêtes sur son site, la navigation sur Chrome, l’activité sociale sur G+ et l’utilisation du mobile sur Androïd, pour dresser des profils précis qui sont ensuite revendus aux grands annonceurs. Fin mars 2015, le groupe basé à Mountain View annonçait qu’il lançait un « service » de publicité ciblée à la télévision, le premier du genre, expérimenté à Kansas City. Ce modèle va très probablement être étendu, par le biais des « téléviseurs intelligents », à l’ensemble des téléspectateurs. En pointe de ce secteur, Facebook et Google ne sont pas les seuls à récupérer nos informations privées. Apple et bien d’autres reproduisent des pratiques similaires.

La collecte et l’utilisation de nos données personnelles rend la publicité plus acceptable, car plus en correspondance avec nos goûts et nos envies, alors qu’elle résulte d’une procédé plus dissimulé, au périmètre plus obscur mais nettement plus étendu. La réclame se nourrit désormais de l’ensemble de nos comportements, sans même que nous en prenions conscience. S’il est légitime de se révolter contre les méthodes de la NSA, qui enregistre l’ensemble de notre activité téléphonique, il l’est tout autant de faire connaître et de s’opposer à l’emprise considérable que prend la publicité sur nos vies et, plus précisément, les dirigeants des plus grandes firmes privées.

Les consommateurs-publicitaires

Le phénomène n’est pas nouveau : depuis le milieu du 20ème siècle, chaque acquisition nouvelle, comme un lave-vaisselle économe, une marque alimentaire préférée ou un téléviseur dernier cri, fait l’objet d’une certaine fierté chez l’acheteur. Les consommateurs n’hésitent pas à faire part à leur entourage de l’enthousiasme suscité par cet achat, et à lui conseiller le nouveau produit. Ce « bouche à oreille » est particulièrement efficace, car bien jugé bien plus crédible que la réclame. Avec Internet, la transformation du consommateur en publicitaire est totale, et le plus souvent, inconsciente.

L’exemple le plus probant est sans conteste les innombrables « Youtubers » (sic). Les conseils en maquillage, coiffure et manucure, réalisés sous forme de clips par des adolescentes, présentent toujours des produits sous un angle favorable, tout en donnant un visage « humain » et plus « authentique » que les grandes productions publicitaires. Les consommatrices potentielles s’identifient parfaitement à la jeune fille devant sa webcam, et ces réclames d’un genre nouveau rencontrent un succès fulgurant. Certaines de ces « chaînes » culminent à plus d’un million d’abonnés.

Le maquillage n’est pas le seul exemple, et cette formule trouve bien des déclinaisons. Le dressage d’animaux ou les logiciels informatiques font l’objet d’autant de conseillers-expérimentateurs, dont l’enthousiasme débordant les confine souvent au rôle de publicitaires. D’ailleurs, certaines grandes marques de produits de beauté se sont saisis de cette mode pour rémunérer ou fournir gracieusement des fournitures aux adolescentes et jeunes femmes qui en vantent les mérites.

Les chaînes Youtube ne sont que la partie émergée du phénomène, celle où la proximité avec la pub est la plus visible. Internet est le lieu par excellence pour donner son opinion, pour « tester » et « comparer » des produits. Des dizaines, voire des centaines de milliers de Français participent à cet exercice, sous des formes diverses. Les blogs personnels sont un excellent lieu pour donner son avis sur sa propre utilisation de tel produit ou tel service ; et si le lecteur s’y retrouve, les « coups de cœur » seront particulièrement suivis.

Plus encore, les nombreux « sites spécialisés » jouent presque exclusivement le rôle de publicitaires, sous des accents mollement critiques. Qu’ils soient dédiés aux jeux vidéo, à l’informatique, au cinéma, au développement web ou aux derniers objets connectés, ces sites se prennent souvent pour des médias journalistiques mais reproduisent toutes les pratiques des agences de communication. Avec leurs propres communautés, ils nourrissent une attente démesurée pour les futurs produits et productions, endossant presque toujours le rôle du consommateur niais et excessif. Les déceptions, les points négatifs sont abordés mais survolés, tandis que les éloges ne manquent pas de superlatifs pour placer sur un piédestal ce qui a procuré du plaisir.

Des clans se forment : certains sites sont dédiés exclusivement à Microsoft ou Apple, d’autres uniquement à l’univers Marvel ou DC Comics. Enfin, les sites humoristiques qui « cartonnent » aujourd’hui comme Spi0n, MinuteBuzz et Démotivateur, relayent également sous forme de classements et autres « articles » des apologies de certains objets, certaines créations, endossant là aussi de facto le rôle d’annonceur public.

 

La guerre des pubs a commencé

Ainsi, malgré l’espace écrasant qu’elle remplit désormais, la publicité est largement acceptée dans nos vies. Les Français préfèrent voir leur intérêt, même factice, dans la collecte de leurs données privées et dans le fait de produire eux-mêmes la publicité, plutôt que de prendre le recul nécessaire à la compréhension du phénomène. Il est clair, pourtant, que l’omniprésence de la réclame conditionne toujours plus nos consciences, nos envies, nos comportements, vers ce qui est attendu de nous par les plus grandes entreprises privées – et elles sont moins intéressées par un quelconque « intérêt général » que par l’intérêt exclusif de leurs gros porteurs d’actions.

Néanmoins, il existe des mouvements contradictoires. De plus en plus d’internautes ne tolèrent plus l’omniprésence de la publicité et ont recours à des extensions de navigateurs permettant de faire disparaître les textes, images, animations et vidéos indésirables. En juin 2014, ces modules comptaient 144 millions d’utilisateurs actifs dans le monde, soit 70% de plus qu’en juin 2013. C’est logique : plus la publicité est intrusive et gâche le plaisir de la navigation, moins elle peut être acceptée. C’est pourquoi, d’ailleurs, nous vous proposons sur Le Bilan de naviguer avec l’extension Adblock Plus – même si son éditeur allemand, Eyeo, a passé des accords avec Google et Amazon pour laisser passer certains encarts, le plaisir est largement supérieur.

Que les internautes coupent par eux-mêmes le défilement incessants d’encarts est, logiquement, inadmissible pour les grands producteurs de publicités. Dans une publication datant d’octobre/décembre 2014, l’engraissée Union des Annonceurs se plaignait : « Les internautes ne voient pas 20% de nos impressions ». L’année dernière, les éditeurs de pub allemands sont « rentrés en guerre » contre Adblock Plus, cherchant à faire interdire le module par les pouvoirs publics ou les opérateurs du web. Les grandes entreprises ne sont pas les seules à batailler : ceux qui espèrent gagner leur vie en tenant un site d’info-pub ne décolèrent pas non plus. Le site « Mac4Ever » titrait en octobre dernier sur le « scandale autour de la mafia Adblock Plus », ne cachant pas son aigreur de voir se perdre des revenus publicitaires qu’il estime dûment gagnés. Mais si les usagers du net sollicitent toujours plus les bloqueurs de pubs, c’est parce qu’ils ne s’y trompent pas : la vraie information, y compris sur les produits à venir, n’a rien à voir avec la réclame. Il ne s’agit pas pour eux de refuser la société contemporaine, mais au contraire d’être lucide sur les phénomènes qui le traversent et le façonnent. Et le constat est clair : le monde virtuel est plus agréable sans publicité, sans agression visuelle et autres temps d’attente imposé. Se libérer de la réclame, même dans l’espace physique, est une exigence grandissante.

Notre époque voit le triomphe de la publicité, mais son temps est compté. A terme, l’omniprésence de la réclame dans nos vies, jusque dans nos têtes pour en extirper nos envies et nos habitudes de comportements, finira par susciter moins d’adhésion et plus de méfiance. De son côté, le phénomène de consommateurs-publicitaires garde de beaux jours devant lui, tant ceux qui le pratiquent y trouvent une reconnaissance sociale. Mais sans doute l’accumulation et la répétition de cet exercice finiront-elles par révéler sa nature factice. La guerre de la publicité ne fait que commencer, mais l’intérêt général trouvera son camp – et ce sera celui de l’information réellement authentique, y compris sur les nouveaux produits, et non celui de la propagande commerciale sans cesse envahissante.

Source : planetes360.fr

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