samedi, 09 mai 2020 12:32

Les quarante ans du premier référendum

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Gilles Verrier

Porte-parole du Bonnet des Patriotes et président de la Fédération des Canadiens-Français


À contre-courant

En temps normal, les médias nous reviendraient avec quelques articles et analyses sur les quarante ans du référendum de 1980. Mais qu'en reste-t-il à dire qui n'a pas déjà été dit ? Et qui veut encore en entendre parler ? Pourtant, ceux qui ont vécu l'événement se rappellent que c'était la grande question de l'heure, celle qui avait envahi tout l'espace médiatique et ne laissait personne indifférent. Je prends le risque d'y revenir, un peu à contre-courant, en dépit de la surdité présumée d'une opinion de nouveau mobilisée par un seul sujet... Si je le fais c'est que je prétends vous proposer autre chose que du réchauffé. En m'appuyant plus objectivement sur l'histoire longue, je mets de l'avant une autre lecture des faits.

 

Un arrière-plan riche en événements

Pour une remise en contexte, rappelons brièvement quelques faits qui se situent en amont du référendum. Daniel Johnson père, premier ministre du Québec, (décédé en octobre 1967) s'était fait élire avec son livre-manifeste : Égalité ou indépendance. Johnson, qui avait minutieusement préparé la visite du général de Gaulle à l'été 1967, s'était fait une bonne réputation chez les indépendantistes du Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN). Ses militants avaient acclamé le général de Gaulle tout le long de son périple du chemin du Roy, jusqu'au balcon de l'hôtel de ville de Montréal, d'où de Gaulle lança son vibrant Vive le Québec libre ! 

René Lévesque, qui était encore au Parti libéral jusqu'à sa démission fracassante quelques mois plus tard, avait réagi très négativement. Il avait reproché à de Gaulle de ne pas se mêler de ses affaires. Pierre Bourgault rebondira avec un : « maudit niaiseux ». Une réplique qui connaîtra une petite célébrité. Option Québec, le livre-manifeste de René Lévesque est sorti de presse en janvier 1968. Il s'en vendra rapidement des milliers de copies. Après 7 ans en politique, Lévesque se rangeait-il dans le même camp que Daniel Johnson?

 

Souveraineté-association Vs Égalité ou indépendance

Pour répondre à la question, il faut examiner de plus près les deux projets. Quelle différence y avait-il entre la souveraineté-association, le projet de Lévesque, et Égalité ou indépendance, incarnée par Johnson jusqu'à sa mort ? En apparence pas grand-chose. Dans les deux cas il s'agissait d'abord de faire connaître ses couleurs quant à la question nationale et, ultimement, de mobiliser l'opinion publique en vue de négociations constitutionnelles. Pour les deux hommes, la stratégie était la même, arriver à une table de négociations avec un rapport de force favorable.

Au grand dam d'Ottawa, Johnson ne perdit pas de temps. Un an après son élection, la visite du chef d'État français donna un retentissement international inespéré à son option. C'était une contribution significative à l'établissement d'un rapport de force favorable. De son coté, René Lévesque repoussera pendant quatre ans l'échéance d'un référendum qui, au bout du compte, désagrégera la puissance de négociation du Québec.  

 

Quel référendum ?

Jusqu'aux alentours de 1972, il n'était question de référendum nulle part. Tous au Québec partageaient une même certitude. Des négociations constitutionnelles, quelles qu'en soient l'issue, pouvaient se tenir lorsqu'une province comme le Québec, qui avait consenti à la formation du Canada en 1867 en faisait la demande. Telle était la puissance du Québec. Personne ne considérait la possibilité qu'Ottawa refuse de s'asseoir à la table dans le cas où un dossier constitutionnel bien étoffé arriverait à maturité.

 

Johnson, fidèle à la tradition politique

Une différence de taille, de nature doctrinale apparaît cependant entre Lévesque et Johnson. Daniel Johnson parlait au nom des Canadiens-Français. S'il voulait lui aussi négocier au nom de l'État du Québec, c'était au titre d'une possession historique de l'État par la majorité canadienne-française. Il se faisait l'écho de la tradition politique.

 

René Lévesque en rupture avec l'histoire

René Lévesque parlait au nom des Québécois. Il voulait négocier au nom d'un État du Québec considéré désormais comme celui d'une majorité francophone, qui formerait un peuple québécois nouveau. Une nouvelle identité avec une communauté anglophone d'une fidélité absolue à Ottawa. Pour imposer cette innovation, cette idée plurinationale, en rupture complète avec notre histoire depuis le 10 février 1763, il fallait un référendum. Le référendum devint l'acte fondateur le plus puissant du néo-nationalisme.

 

Lévesque et Pierre Elliott Trudeau font bon ménage

À cet égard, René Lévesque et Pierre Elliot Trudeau faisaient plutôt bon ménage contre Johnson. Ils s'entendaient pour magnifier la « Grande Noirceur » duplessiste, un concept lapidaire qui incluait une opposition virulente au nationalisme canadien-français. La révolution tranquille, si on met de coté l'économie et l'expansion de l'État, c'était d'abord la détestation des Canadiens-Français, un sentiment que les deux hommes partageaient. La révolution tranquille a été l'occasion d'un retournement radical des nouvelles élites contre la société qui les avait nourries et promues. Un bris dans la continuité nationale.

 

Lévesque, pourfendeur des « purs et durs »

Lévesque n'avait jamais été un patriote. Comme Trudeau, il fuyait le nationalisme. D'ailleurs, ce n'était pas contre le régime fédéral qu'il avait les mots les plus durs mais contre les indépendantistes déterminés, décriés comme des purs et durs, qu'il souhaitait même voir quitter le parti.

 

Sortir les Canadiens-Français de la politique

Si on s'en tient à la dynamique interne du Québec, le sens politique du référendum était de sortir les Canadiens-Français de la question nationale. De les sortir de l'existence politique, en particulier du dossier dont ils étaient les premiers concernés et les seuls intéressés. Par le biais d'un «démocratisme» mal inspiré, le référendum niait le droit des fondateurs du Canada à disposer de leur destin par la maîtrise de leur État. La nation n'était plus la nation historique, mais la combinaison d'une majorité francophone, plus les anglophones, plus leurs alliés. Le rôle de Lévesque dans l'ensemble de nos tribulations historiques aura été, de concert avec Trudeau, de remettre à leur place les Canadiens-Français, de les tasser pour réduire à néant leur prétention de former leur propre État national.

Au sein de cet État la minorité anglophone aurait certes été respectée, mais appelée à prendre pour la première fois depuis la Conquête le statut d'une vraie minorité. Le véritable défi démocratique était celui-là. Il obligeait les anglo-saxons à un exercice d'humilité auquel ils ne sont pas habitués. Impensable pour Lévesque et le PQ. Ils soignèrent néanmoins un symbolisme national sans substance, avec un supposé « État national » comme figure de proue de l'imposture. Avec le Parti québécois, les Canadiens-Français se sont condamnés à vivre un humiliant recul historique. On leur a imposé la fluidité au sein d'un nouveau peuple québécois, dont ils ne forment plus qu'une partie maigrissante. Leur destin est plus que jamais soumis à l'approbation de la minorité des bénéficiaires historiques de la Conquête. Le Québec libre ne pourrait devenir qu'un petit Canada.

 

L'imposition d'une identité partagée et la dégradation de notre statut

Les nouvelles élites de la révolution tranquille ont d'abord milité pour que les Canadiens-Français abandonnent leur statut de fondateur du Canada, leur légitimité historique et leur existence politique. Contrairement à Daniel Johnson père, c'est ce que René Lévesque voulait. Déjà incapable de nommer les Canadiens-Français dans Option Québec, car il avait honte de ses origines et c'est ce qu'il propageait. En mettant nos espoirs entre les mains d'un parti farouchement dénationalisé, la dégradation de notre statut politique ne pouvait que suivre. Inversement, le statut de la communauté anglophone s'est trouvé renforcé. L'identité officielle de l'État, que les Canadiens-Français sont tenus de partager, a conduit à mettre en berne leur fierté nationale, à la perte d'attraction du français, à la perte de leurs institutions nationales. Il n'est pas trop tard pour rappeler qu'un peuple a le devoir de maintenir son existence. Le référendum de 1980 manquait à ce devoir.

Commentaires   

 
0 #1 Denis Julien 12-05-2020 07:59
Le Parti québécois a activement participé à fabriquer une nouvelle identité, coupée des ses deux grandes racines, la canadienne et la française. Canadienne qui faisait de nous l'un des deux grands peuples fondateur de ce pays et française par notre langue et notre culture. La nouvelle identité québécoise s'est elvisgrattonisé e et s'est stérilisée. Tous se rappelleront de la popularité à cette époque du joual avec les Michel Tremblay et Léandre Bergeron.
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