mercredi, 05 aout 2020 11:18

Un complot maçonnique à Montréal en 1910?

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Note du Bonnet : travail de sabotage qui continue jusqu'à aujourd'hui en prenant de l'ampleur pendant la Révolution Tranquille. Les loges progressistes affiliées idéologiquement au Grand Orient de France sont plus que jamais présentes sur le terrain politique du Parti Québécois aux associations comme le MLQ ou l'Association Humaniste du Québec militant pour le droit à mourir dans la dignité ou pour la laicité. Nous mettons en référence un diagramme montrant l'étendue du réseau maçonnique adogmatique.

À l’été 1910, une affaire de complot ourdi par des francs-maçons fait les manchettes des journaux montréalais. La conspiration viserait ni plus ni moins qu’à nuire à l’Église catholique. Première de trois parties d’une série qui retrace les événements qui ont marqué cette étrange histoire.

Le 11 février 1910, vers 21 h, des hommes pénètrent dans un appartement situé dans l’édifice du journal La Patrie, au coin des rues Sainte-Catherine et de l’Hôtel-de-Ville, à Montréal. Ils sont venus assister à une séance secrète de la loge maçonnique L’Émancipation.

Rattachée au Grand Orient de France, cette loge réunit depuis 1896 des Canadiens français qui ne se reconnaissent plus dans la franc-maçonnerie d’obédience anglaise. Leur préoccupation principale concerne l’éducation, qu’ils souhaitent laïciser et démocratiser.

Ce soir-là, ils sont entre vingt et trente hommes qui passent en revue les sujets habituels : le secret maçonnique, l’adhésion de nouveaux membres, l’instruction publique et la lutte contre la mainmise qu’exerce sur celle-ci l’Église catholique. Ils veulent « affranchir le peuple canadien du despotisme clérical », d’où le nom de leur loge. Durant la séance, un autre dossier s’ajoute toutefois à l’ordre du jour. Un des maçons met sur la table un projet controversé qui suscite la discussion chez les autres frères. Mais ce dont les membres présents ne se doutent pas, c’est qu’ils sont épiés et que leurs propos sont consignés par écrit…

Dans l’appartement situé juste au-dessous, trois hommes s’affairent à scruter et à répertorier les individus qui entrent dans le logement du haut. Il s’agit de l’agent de publicité du journal Le Devoir Charles-Albert Millette, de l’ingénieur Victor-Elzéar Beaupré et du médecin Joseph-Charles Bourgouin. Les trois hommes et deux autres comparses, qui ne sont pas présents ce soir-là, espionnent depuis des semaines les séances de cette loge. Ils sont issus de l’Association catholique de la jeunesse canadienne-française (ACJC), dont Beaupré est le président.

Fondée en 1904 par les jésuites, cette association cherche à entretenir le sentiment national et catholique auprès de la jeunesse. Elle veut notamment contrer la tendance laïciste au sein de la société, comme l’incarne la loge L’Émancipation. L’Église veut défendre ses prérogatives en éducation et c’est pourquoi les taupes de l’ACJC sont mobilisées et ont pris l’initiative d’espionner ces francs-maçons.

Pour capter les propos tenus lors des séances de la loge, les espions ont pratiqué une ouverture dans le plafond de plâtre. Debout sur des escabeaux, ils sont armés de phonographes et de stéthoscopes. Ils perçoivent le moindre bruit, même le tic-tac de l’horloge. Ce qu’ils vont entendre ce 11 février sera à l’origine d’une importante commission d’enquête de la cité de Montréal qui va retenir l’attention médiatique durant l’été 1910.

Complot contre l’Église

Selon ce que les espions affirment avoir entendu à la séance maçonnique du 11 février, les membres de L’Émancipation ont mis sur pied un projet de complot contre l’Église catholique lors du Congrès eucharistique international, qui doit se tenir à Montréal en septembre. L’un des frères de la loge aurait proposé de profiter du nombre important de prêtres qu’il y aura alors dans la ville pour en tromper quelques-uns et les attirer sous des prétextes dans des maisons de prostitution.

L’un des membres de la loge, Narcisse Léon Grandchamp, inspecteur de la police à Montréal, doit procéder à l’arrestation des supposés fautifs. Le complot prévoit des photographes-journalistes pour immortaliser les prêtres tombés dans le guet-apens. Les journaux du lendemain achèveraient le travail…

D’après les espions, la machination aurait été pensée par l’inspecteur de police Grandchamp et le secrétaire de la loge, Ludger Larose, afin de ternir l’image de l’Église. La proposition suscite l’enthousiasme des maçons en dépit des réserves de certains qui trouvent le procédé malhonnête et craignent pour l’avenir de leur loge si le plan est dévoilé. Néanmoins, un comité aurait été mis sur pied pour étudier la question.

À la recherche de preuves

Les espions disent avoir été sidérés par ce qu’ils ont entendu. C’est pourquoi ils ont décidé de poursuivre l’espionnage durant quelques semaines, à la recherche de preuves. Le projet de complot ne revient cependant dans la discussion qu’une seule fois, à la séance du 11 mars, lorsqu’un membre s’informe de ce qu’il advient du comité créé un mois plus tôt. Selon les espions, il n’aurait reçu aucune réponse officielle de la loge.

Au mois d’avril, l’une des cinq taupes de l’ACJC, Albert-J. Lemieux, réussit à mettre la main sur des procès-verbaux des réunions de L’Émancipation. Pour ce faire, lui et trois complices ont commis un vol à main armée sur la personne du secrétaire Ludger Larose. Les documents dérobés ne révèlent toutefois rien sur le complot.

Déçu par l’opération, Lemieux en profite pour publier une brochure dévoilant le nom des membres et le descriptif de certaines réunions de la loge, ce qui porte un dur coup à cette organisation qui désire rester secrète. Pour son méfait, Lemieux est poursuivi par Larose, qui a fortuitement reconnu son agresseur dans une librairie. Lemieux sera toutefois acquitté par un jury devant la Cour d’assises de Montréal en mars 1911.

La dénonciation du complot

Finalement, le 20 juillet 1910, après avoir tergiversé sur ce qu’il convenait de faire, Charles-Albert Millette décide de révéler ce que lui et ses comparses ont entendu le soir du 11 février. Il envoie une lettre au conseil municipal de Montréal dans laquelle il déclare qu’« il est de [son] devoir impérieux de dénoncer les méthodes, les complots et conspirations de la loge L’Émancipation, dont la mise à exécution jetterait sur Montréal un honteux discrédit ». Il se tourne vers la Ville de Montréal, car deux membres de la loge en sont des employés : Louis Laberge, médecin et directeur du bureau d’hygiène, et l’inspecteur de police Grandchamp.

Dès la réception de la lettre de Millette, sans attendre, le conseil municipal, qui tenait une assemblée ce soir-là, vote une résolution et crée une commission spéciale d’enquête formée du maire de Montréal, James Guérin, et de six « échevins » [conseillers municipaux] pour enquêter sur les agissements de la loge L’Émancipation. Le mandat de la commission est de « s’enquérir, sans délai, selon la loi, du bien-fondé ou du mal fondé des accusations contenues dans la lettre de M. Millette ».

Au cours des jours qui suivent, les commissaires tenteront de faire la lumière sur cette mystérieuse affaire.

Source : ledevoir.com

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